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Intérêts sur l’épargne: jusqu’où pouvez-vous aller sans payer d’impôts?

Contrairement aux idées reçues, vous pourriez devoir déclarer au fisc, et bien plus vite que vous ne le pensez, les intérêts de vos comptes d’épargne. De là à ouvrir un compte à l’étranger, il n’y a qu’un pas que certains veulent franchir.

C’est un des arguments en faveur du compte d’épargne réglementé, le compte d’épargne de l’immense majorité des Belges : il est exonéré d’impôts. C’est en réalité bien plus nuancé...

En 2024, les règles fiscales en vigueur précisent que seuls les premiers 1.020 € d’intérêts par an sont effectivement exemptés du précompte mobilier, une taxe prélevée à la source sur vos revenus d’épargne. Si votre compte est commun avec votre partenaire, l’exonération double : elle grimpe à 2.040 € pour l’année. Mais au-delà de ces montants, les choses se corsent. Les intérêts supplémentaires doivent être déclarés dans votre feuille d’impôts et sont soumis à une taxation de 15 %, réduisant ainsi votre rendement global.

Des seuils à ne pas dépasser

Cela peut aller très vite ! Avec 36.000 € placés à un taux net de 2,85 % (un taux qu’on peut trouver sur le marché auprès de banques outsiders), on arrive déjà à 1.026 € d’intérêts, soit au-delà du seuil fiscal.

Prenons 75.000 € placés sur des comptes d’épargne de type « fidelity » avec un taux d’intérêt annuel de 2 %, comme cela a été proposé ces derniers mois par de grandes banques, vous obtiendrez alors 1.500 € d’intérêts. Seule condition : ne pas toucher à votre argent durant une année pour bénéficier de la prime de fidélité. Fiscalement parlant, vous serez déjà au-delà du seuil exonéré et votre rendement sera imputé de 72€ comme nous le montrons dans le tableau ci-dessous.

Si vous pensez contourner le système en répartissant votre argent sur plusieurs livrets dans différentes banques, sachez que le fisc ne se laissera pas berner. C’est le total des intérêts perçus qui compte, et non le montant généré par chaque compte individuellement. Si vos intérêts globaux dépassent les plafonds de 1.020/2.040 €, vous devrez les reporter sur votre déclaration, dans les codes 1151 ou 2151, selon les cas.

Le fisc veille au grain

Autrefois, certains épargnants « oubliaient » de déclarer ces excédents. Mais avec l’intensification des contrôles, la vigilance est de mise. Toutes vos opérations bancaires sont désormais traçables par le fisc, qui peut accéder à vos comptes si des soupçons de fraude émergent. En cas de décès, par exemple, l’administration fiscale a même un droit de regard sur les dernières années de vos transactions.

Et les enfants dans tout ça ?

Si vous avez des enfants mineurs, les intérêts de leurs comptes ne sont pas oubliés. En tant que parents, vous bénéficiez d’un droit de jouissance légale sur leurs revenus. Les intérêts génères par leurs comptes sont donc ajoutés aux vôtres. Vous devrez déclarer l’excédent si le plafond est franchi (la moitié pour chacun des parents). C’est un détail important à ne pas négliger, surtout si vous voulez éviter de mauvaises surprises au moment de remplir votre déclaration d’impôts.

L’UE n’est pas d’accord, plus de prime de fidélité ?

La Belgique pourrait bientôt dire adieu à sa fameuse prime de fidélité sur les comptes d’épargne réglementés. La Commission européenne estime que le système belge, qui accorde une exonération fiscale de 1.020 € d’intérêts sur les comptes d’épargne, discrimine les banques étrangères, et a donc porté l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Selon l’Europe, ces conditions freinent la libre prestation de services bancaires au sein du marché européen. La plainte de l’UE vise spécifiquement le fait que seules les banques belges, avec leur système de prime de fidélité, bénéficient du régime fiscal avantageux. Les banques étrangères, elles, voient leurs comptes taxés à hauteur de 30 %. Pour l’Europe, cette situation est inéquitable.
Si la Belgique perd cette bataille juridique, le paysage de l’épargne pourrait bien changer. Le pays serait contraint de revoir ses règles fiscales et d’inclure les banques étrangères dans le régime d’exonération. Avec, à la clé, la disparition de la prime de fidélité.

Au final, c’est encore l’inflation qui gagne !

Cette taxation de 15 % au-delà de l’exonération réduit le rendement de votre épargne, déjà malmenée par l’inflation.

L’inflation a atteint 3,57 % sur l’année écoulée, un taux bien supérieur à celui des meilleurs comptes d’épargne réglementés. Concrètement, avec le même billet de 50 €, quelques mois plus tard, vous ne pourrez plus acheter autant de marchandises au supermarché à cause d’elle. L’inflation dépasse également les rendements des bons d’État, des bons de caisse et des comptes à terme, des placements sûrs qui ont eu beaucoup de succès ces derniers mois en remplacement des livrets d’épargne.

Pour rappel, même le fameux bon d’État Van Peteghem, qui a libéré l’épargne des Belges, n’offrait « que » 2,81 % net. Un bon de caisse à trois ans avec un rendement brut de 3,10 % ne procure que du 2,17 % net après taxation. Quant à un compte à terme à 3,80 % brut, il ne donnera que 2,66 % net après prélèvement du précompte mobilier. Ces investissements, présentés comme de bonnes alternatives au compte d’épargne, ne permettent donc pas de lutter contre l’inflation, mais plutôt d’en atténuer les effets.

L’herbe est-elle plus verte ailleurs ?

Face à des taux d’épargne finalement peu attrayants en Belgique si on considère le phénomène de l’inflation, certains épargnants se demandent si l’herbe ne serait pas plus verte à l’étranger. Ouvrir un compte dans un autre pays peut sembler tentant, mais est-ce vraiment une bonne affaire ? Et est-ce autorisé ? Oui, mais il y a des règles à respecter et des… impôts à payer.

En Belgique, environ 380.000 ménages ont déjà signalé au fisc qu’ils détenaient un compte bancaire à l’étranger, dont un bon nombre de comptes d’épargne. C’est un chiffre en hausse.

Suède ou France ?

En France, par exemple, le taux du Livret A est de 3 % net jusqu’au 1er février 2025. Même sans résider dans ce pays, il est possible d’en ouvrir un. Mais d’une part, il n’est pas possible de placer plus de 22.950 €. D’autre part, vous ne bénéficierez pas des mêmes avantages que les Français. Car les intérêts seront imposés à 30 % pour les contribuables en Belgique, et ce dès le premier euro gagné. Et il n’y a pas d’exonération sur les premiers 1.020 € d’intérêts, contrairement aux livrets d’épargne du plat pays.

Autre exemple : en Suède, certains comptes d’épargne offrent un taux brut de 3,25 % avec des paiements d’intérêts tous les trois mois. Sur le papier, c’est alléchant. Mais une fois le fameux précompte mobilier de 30 % appliqué, ce taux descend à 2,275 %. Le gain devient donc moins attrayant qu’il n’y paraît.

Un comparateur officiel pour dénicher le meilleur compte d’épargne

L’offre de comptes d’épargne réglementés est devenue plus simple depuis qu’un accord est intervenu entre le gouvernement et le secteur bancaire. Le nombre de formules différentes a ainsi diminué. Et la majorité des comptes d’épargne réglementés qui n’étaient plus commercialisés, mais encore détenus par certains clients, ont été clôturés. Pour trouver rapidement le compte qui correspond à vos besoins, l’épargnant a un outil pratique à disposition: le comparateur officiel de comptes d’épargne mis en place par la FSMA, l’autorité des services et marchés financiers en Belgique. Il est disponible sur www.wikifin.be (tapez comparateur de comptes d’épargne FSMA dans votre moteur de recherche).

Les frais à l’étranger

Mais au-delà des taux, il y a d’autres éléments à considérer. Selon Febelfin, la Fédération belge du secteur financier, certaines banques étrangères exigent des frais d’ouverture de compte ou des frais de gestion mensuels. Un détail important à ne pas négliger. Rappelons que l’ouverture d’un compte d’épargne est gratuite en Belgique.

Il existe aussi un risque de double imposition. En plus de la taxation belge, certains pays prélèvent également des impôts sur les intérêts générés. Le rendement initialement attrayant peut fondre comme neige au soleil après les différentes taxes.

Déclaration et change

Parmi les autres bâtons dans les roues, il faut aussi prendre en compte les démarches administratives. Un livret d’épargne comme un compte courant à l’étranger doivent être déclarés au point de contact central de la Banque nationale. Il faut aussi déclarer les intérêts dans la déclaration fiscale, les codes 1151 ou 2151 pour rappel.

Et si vous placez vos économies dans une banque située dans un pays hors zone euro, comme en Pologne, en République tchèque ou en Suède, vous devez aussi prendre en compte le risque de change. Une fluctuation de la devise locale par rapport à l’euro peut réduire encore davantage vos bénéfices.

La garantie des dépôts

Soyez également vigilant quant à la protection de votre épargne. L’Union européenne et certains pays comme la Norvège, l’Islande ou le Liechtenstein offrent une garantie des dépôts similaire à celle de la Belgique — soit une protection allant jusqu’à 100.000 € par titulaire de compte en cas de faillite bancaire. Ce système de garantie des dépôts est bien entendu rarement d’application pour des placements plus exotiques. Et quid du service client si vous êtes habitué à avoir un interlocuteur qui vous vous connaît et répond dans votre langue à vos questions ?

En conclusion, si ouvrir un compte à l’étranger est possible, il est essentiel bien se renseigner sur les conditions et calculer précisément le rendement après impôts. Ce qui semblait être une bonne affaire peut vite devenir une fausse bonne idée, surtout avec les règles fiscales imposées par la Belgique. En matière de compte d’épargne, il n’y a malheureusement pas beaucoup de formules miracles pour les épargnants belges.

Pourquoi parle-t-on de compte réglementé ?

Les comptes d’épargne en Belgique sont des comptes réglementés dans leur immense majorité, répondant aux règles strictes définies par la loi. Un compte d’épargne est qualifié de réglementé lorsqu’il propose un intérêt de base (par exemple 0,50 %) ainsi qu’une prime de fidélité (par exemple 1,75 %). L’intérêt de base est versé au plus tard le lendemain de chaque dépôt, tandis que la prime de fidélité n’est accordée que si les fonds restent sur le compte pendant une période ininterrompue de 12 mois.
Les comptes d’épargne non-réglementés fonctionnent différemment. Dès le premier euro d’intérêt perçu, un précompte mobilier de 30 % est appliqué. Pour compenser cette imposition, les taux de base proposés par les banques doivent idéalement être plus élevés. Ce type de compte peut s’avérer intéressant pour ceux qui effectuent des retraits fréquents.
Qu’ils soient réglementés ou non, ces comptes bénéficient tous de la protection des dépôts : en cas de faillite bancaire, le système de garantie prévoit un remboursement des sommes déposées, avec un plafond de 100.000 € par personne et par établissement.

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