Médiation des conflits familiaux en fin de vie: comment ça marche?

Il n’est pas rare que des conflits familiaux éclatent lorsqu’un membre de la famille arrive en fin de vie. Pour éviter l’escalade, il est possible de faire appel à des médiateurs spécialisés.

Selon une étude réalisée par les Mutualités Chrétiennes, l’UGent et l’asbl ConnFinity (asbl regroupant des médiateurs spécialisés dans la médiation des conflits familiaux en fin de vieet en dernière phase de vie), relayée dans le Plus Magazine du mois de mars, les conflits familiaux qui se déclenchent lors de la fin de vie d’un proche toucheraient environ 20 % des familles. « Ceux-ci sont généralement très intenses, poignants, car la fin de vie qui s’annonce ou vient d’avoir lieu est ressentie comme un temps de la vérité, de l’écrasement total ou encore de la non-parole libérée », détaille Désirée Seghers, médiatrice chez ConnFinity.

Il n’est donc pas rare que ces conflits dégénèrent, empêchent un départ apaisé du proche en fin de vie et aient des répercussions délétères à long terme chez les membres survivants de la famille. L’étude des Mutualités Chrétiennes a pourtant montré que dans la majorité des cas, il y avait une volonté partagée de calmer le jeu. Ce qui pourrait signifier que les familles, malgré leur bonne volonté, n’ont souvent pas les outils pour désamorcer le conflit. D’où l’intérêt de pouvoir faire appel à des tiers, comme les services de médiation. Une démarche pas toujours facile à lancer, puisqu’elle suscite souvent des interrogations ou un sentiment de malaise, car il n’est pas facile d’exposer ses problèmes à une personne inconnue. D’où l’intérêt d’expliquer ici en quoi consiste la médiation d’un conflit familial en fin de vie.

Construire des ponts

Avant tout chose, il est important de tordre le cou à certaines idées reçues. « La médiation, ce n’est pas de chercher à tout prix une véritable réconciliation entre toutes les parties, détaille Désirée Seghers. Tant mieux si c’est le cas, mais c’est parfois impossible. C’est avant tout chercher à reconstruire des ponts entre les membres de la famille pour que ça aille un peu mieux, pour que la fin de vie du proche se passe de façon la plus apaisée possible. Et pour y arriver, le médiateur n’est pas une personne qui va arriver avec une réponse toute faite au problème. Ce n’est même pas lui qui va trouver la réponse : son rôle est plutôt celui d’un facilitateur. Il va mettre en lien les membres de la famille, relayer leurs propos, poser les bonnes questions, celles qui font réfléchir, avancer, pour que la famille trouve en elle-même la solution. Au final, c’est cette dernière qui garde les cartes en main. »

Concrètement, la mission du médiateur débute dès le moment où un membre de la famille fait la démarche de le contacter. « Nous sommes dès cet instant dans un accueil très chaleureux, très personnalisé, car c’est un grand pas, lorsque les gens décident de faire appel à nous pour parler de choses d’aussi difficiles. Oser aborder le sujet avec un tiers, même si la situation est excessivement compliquée, ça a quelque chose de formidable : ça prouve que les gens veulent mettre toutes les chances de leur côté pour apaiser la situation... Quand on prend contact avec un médiateur, souvent, le plus important est déjà fait. »

Quand le dialogue est impossible

C’est rare, mais il arrive qu’un ou plusieurs membres de la famille refusent la médiation. En ce cas, il reste possible de travailler avec le médiateur. « Nous pouvons poursuivre l’accompagnement pour que les personnes qui ont fait appel à nous puissent dire qu’elles ont fait ce qu’elles pouvaient, qu’elles ont fait le pas vers l’autre, bien que ce dernier, pour des raisons qui lui sont propres (et justifiées à ses yeux), n’ait pas voulu y répondre. »

Tout le monde a (au moins en partie) raison

Par la suite, chaque cas ayant ses spécificités et chaque médiateur ayant sa façon de travailler, il est difficile de faire des généralités. « On peut tout de même dire qu’il n’est pas toujours possible ni même souhaitable de mettre tout le monde autour de la table directement : en tant que médiateurs, nous prenons le temps d’apprivoiser la situation, d’entendre les propos des uns et des autres. C’est un exercice délicat, car il nous faut être multipartiaux, chercher à comprendre les différents points de vue. C’est une chose à garder à l’esprit : tout le monde a une bonne raison d’avoir ses ressentis, tout le monde a son vécu et parfois de bonnes raisons de ne pas vouloir en parler. Bref, tout le monde a une raison valable – au moins à ses yeux – d’agir comme il agit. Et ce n’est qu’à partir du moment où nous avons une vision globale de la situation que nous pouvons envisager de réunir les gens et chercher des pistes de solution. Mais encore faut-il que tout le monde soit d’accord de discuter... (voir encadré). »

Un telle démarche prend forcément du temps, d’où le plaidoyer de l’asbl ConnFinity pour un recours précoce aux médiateurs. « Si vos parents commencent à devenir âgés, par exemple, que l’inéluctable s’approche et risque d’être compliqué, il peut être utile de prendre les devants, de préparer le terrain avant d’arriver au moment où tout explose. Car quand la fin est là, il y a tellement de choses qui sont vécues qu’il est presque impossible de prendre du recul. Il faut pouvoir aborder le sujet le plus tôt possible, même si parler de la mort n’est jamais simple. »

Plus d’infos :www.connfinity.be. A noter que le site n’est actuellement disponible qu’en néerlandais (la version française est prévue pour bientôt), mais que l’association possède des médiateurs francophones à qui il reste possible de faire appel.

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