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Le jardin thérapeutique, pour panser ses plaies mentales

De plus en plus d’établissements de soins découvrent le pouvoir thérapeutique du jardin. Ces moments passés à tailler, bêcher, planter ou simplement se reposer favorisent la guérison et soulagent les troubles mentaux.

Suite à une hémorragie cérébrale, André a perdu l’usage de la parole. Un jour, sa femme raconte à l’ergothérapeute du centre de jour qu’il a toujours été passionné par la culture des tomates. Celle-ci lui fait alors visiter le jardin thérapeutique et, d’un coup, le visage d’André s’illumine! Il n’a rien oublié, il sait encore parfaitement planter, tailler, arroser et... récolter. « Le fait de jardiner a réanimé quelque chose de profond en lui », explique Moncy Vidal, l’ergothérapeute à l’origine du projet de jardin thérapeutique du centre de jour Dijlehof à Louvain.

Des bacs surélevés

Qu’un environnement vert puisse favoriser l’épanouissement des patients n’est pas une idée neuve. Au XIXe siècle, les sanatoriums étaient construits en pleine nature car le grand air faisait partie du traitement. Mais aujourd’hui, les soins de santé reposent sur des outils de très haute technologie et les patients sont accueillis dans des établissements stériles et bétonnés...

Depuis la pandémie, cependant, les projets de jardins thérapeutiques ont fleuri. « Chez nous, le jardin thérapeutique est surtout utilisé comme traitement complémentaire pour les personnes souffrant de maladies chroniques, de handicaps mentaux, de problèmes cognitifs ou psychologiques, de stress et de burn-out, analyse Tamara van Reijen, spécialiste du jardinage thérapeutique. L’animation varie en fonction du groupe cible. Certains patients souhaitent avant tout être actifs. Le rôle du thérapeute est de stimuler les aptitudes de chacun, par exemple en permettant aux personnes à mobilité réduite ou en fauteuil roulant de jardiner dans des bacs surélevés. Les activités répétitives, désherbage ou binage par exemple, ont un effet calmant, à l’image de la méditation. On peut aussi travailler sur l’expérience sensorielle, en invitant à prendre conscience de l’environnement, à le sentir, l’écouter et le ressentir. Mais s’asseoir quelques moments au jardin sans rien faire suffit déjà à se détendre. »

Le jardinage thérapeutique traite les plaintes physiques et psychiques.

La recherche de sens

Pour les personnes ayant besoin de soins (permanents), la recherche de sens revêt une importance capitale. Dépendantes des autres dans la vie courante, au jardin, les rôles s’inversent: elles deviennent les gardiennes des plantes, qu’elles cultivent. « L’impact psychologique est loin d’être négligeable, poursuit Moncy Vidal. Les pensionnaires de maisons de repos passent, en moyenne, à peine six minutes par jour à l’extérieur. Qu’il s’agisse de l’humeur ou des capacités cognitives, les bienfaits de la thérapie par la nature ont été clairement démontrés. Le fait de mettre les mains dans la terre agit même comme un antidépresseur naturel grâce à la présence de certaines espèces de champignons. C’est pourquoi nous incitons nos patients à travailler autant que possible sans gants. »

La nature c’est aussi un sujet dont tout le monde peut parler et qui ouvre la porte aux souvenirs et aux expériences du passé. « Même les personnes qui n’ont pas la main verte se mettent à discuter de la meilleure façon de cultiver un légume. Le jardin devient un catalyseur qui déclenche des contacts sociaux. » La liste des avantages psychologiques et physiques démontrés est impressionnante... Les personnes qui, après une opération chirurgicale, séjournent dans une chambre avec vue sur les arbres se remettent plus rapidement et passent moins de temps à l’hôpital tout en présentant moins de complications. Des études montrent que le contact régulier avec la nature participe à une diminution des troubles cognitifs et des hormones de stress ainsi qu’à une baisse de la tension artérielle.

En toute sécurité

« Pour aménager un jardin, nous partons toujours des besoins et des questions des résidents, explique Herman Vereycken de Terra- Therapeutica, centre d’expertise qui supervise des projets de jardins thérapeutiques. On constate que les personnes atteintes de troubles anxieux se sentent plus en sécurité dans un jardin ordonné et ouvert, avec des fleurs colorées et sans recoins cachés qui les effrayent. »

Pour les personnes souffrant de démence, un jardin conçu avec un sentier en forme de huit apporte une certaine paix intérieure. « Elles peuvent y déambuler en toute autonomie et en toute sécurité, précise Tamara van Reijen. Des plantes, des fleurs, des odeurs voire la reproduction d’un ancien arrêt de bus peuvent réveiller la mémoire, raviver des événements du passé. Après trois mois de thérapie par le jardin, les personnes atteintes de démence montrent des progrès manifestes en matière de communication et de capacités cognitives. Leur sommeil s’améliore et elles s’orientent mieux. »

Un effet préventif

« Si on adapte l’aménagement intérieur en fonction de son âge, on omet de le faire pour le jardin qui devient alors un fardeau voire une raison de déménager, relève Herman Vereycken. En aménageant son jardin pour faciliter son entretien, on peut continuer à profiter longtemps de ses avantages sans les inconvénients. »

Des exemples de réussite

Le personnel soignant des hôpitaux français utilise le jardin comme cadre pour annoncer de mauvaises nouvelles. Cela permet à chacun de disposer de davantage d’espace pour exprimer ses émotions ou de se promener le temps d’assimiler le message. En Suède, les jardins thérapeutiques ont permis d’obtenir des succès remarquables dans le traitement du burn-out. Accompagnés par les soignants, les patients ont des activités variées: culture de légumes et de fleurs, ramassage des feuilles... Au terme d’un programme de douze semaines, 80% des participants sont rétablis et prêts à reprendre le travail.

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