Anne Vanderdonckt
Y aura-t-il de la fondue pour les fêtes?
Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.
La question agite les internautes suisses: peut-on manger de la fondue par temps de Covid? Les plus éminents (mais ne sont-ils pas toujours éminents?) virologues l’assurent: il n’y a aucun risque de contamination par le fromage ; tous les virus auront été exterminés par la chaleur. Par contre, le danger de ce plat convivial réside dans le face-à-face quand on parle, rit, chante (car la fondue s’accompagne de Fendant, faut-il le rappeler). Donc, la fondue oui, mais avec sa bulle (et ici on ne parle pas de la coquine pétillance du Fendant).
Juste la bulle, pas de bol! Les grandes tablées seront les grandes absentes de cette période de festivités. Sans doute ce qui va nous manquer le plus. C’est que les repas partagés remplissent depuis des temps immémoriaux des fonctions essentielles. Très prosaïques au départ. Quand le frigidaire n’existe pas, on ne fait pas traîner le mammouth, on le partage pour ne rien gâcher.
Manger ensemble délie les langues, et pas seulement pour mieux goûter. La table est un lieu où on laisse tomber ses défenses et où s’échangent les confidences. Entre amis. Mais c’est aussi à la cantine que les collègues socialisent et, entre pairs, libèrent leur parole. Et au resto que les hauts gradés concluent des accords, même s’il est loin le temps où on prolongeait le moment du pousse-café jusqu’à l’heure du dîner. De toute manière, quand un blanc malvenu s’installe dans la conversation, pas de problème, le contenu de l’assiette est un sujet qui se propose volontiers. Celui-ci épuisé, on pourra toujours bifurquer sur les allergies, intolérances, calories ou restaurants.
Manger ensemble permet de mieux faire connaissance. Car la table, en dépit de toute sa charge sensuelle, ne trompe pas. Le prétendant qui arbore un look de propriétaire de yacht monégasque mais dont on découvre dès l’entrée qu’il se goinfre comme un animal de ferme, c’est révélateur. Par contre, on peut se tromper. La première fois que mon futur mari m’a amenée au resto fut un fiasco. Lui: mais c’est quoi cette chichiteuse qui chipote dans son assiette. Moi, angoissée à l’idée de tacher mon chemisier: mais quelle idée, bête femme, d’avoir choisi un bolo!
Quand la famille nucléaire, papa, maman, les enfants, s’attable pour le dîner, cela fonctionne un peu comme un groupe WhatsApp, sans les intrusives notifications. Chacun raconte sa journée. On s’échange plaisanteries, projets et idées. On s’intéresse à l’autre. C’est là que les enfants vont apprendre à se tenir en société (oui, c’est important ; oui, même en 2021, se servir le premier et parler la bouche pleine, c’est non). Et bien sûr, pour que ce moment soit vraiment privilégié, pas de smartphone ni de télé.
Enfin, offrir de la nourriture est un acte d’amour et de partage, tip top dans l’esprit des réveillons. Cette année, on réduira le nombre de convives autour de la fondue, mais pourquoi ne pas offrir durant tout le mois de janvier des délices faits maison. Une tradition ancienne qui retrouve toute son actualité. Happy 2021 (qui sera mieux)!
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