Venise: un citytrip responsable dans la ville des amoureux

Venise. Ses espressos au Caffè Florian sur la place Saint-Marc. Ses balades en gondole. Ses instants suspendus à l’ombre du palais des Doges. La Sérénissime reste l’une des plus belles villes au monde, où chacun rêve de s’arrêter un jour. Et c’est là tout le problème, les millions de touristes qui se pressent dans la cité lagunaire la mettent en péril...

Venise, chef-d’oeuvre architectural figurant au patrimoine mondial de l’humanité, accueille 27 millions de visiteurs par an ! Une popularité qui pourrait bien lui être fatale. Cet été, l’Unesco envisageait même de la classer sur la liste noire du patrimoine en danger qui comporte 55 sites, la plupart situés en Asie et en Afrique. Voici donc comment visiter Venise de manière responsable.

En hiver, c’est mieux

A la fin du mois de février, le carnaval n’est plus qu’un souvenir et la saison estivale ne commence qu’à la mi-mars. Le mercure n’affiche pas plus de douze degrés, mais la douceur du soleil d’hiver perce le bleu des nuages pour éclairer la lagune d’une jolie lumière. L’idéal pour déambuler à travers les calli étroites autour de la place Saint-Marc. « Ce qui est presque impossible en été, assure notre guide. C’est la cohue dans les rues bondées et les paquebots entravent la vue, ce qui n’est pas le cas maintenant. « 

En hiver, vous ne payerez parfois qu’un dixième du prix des chambres en été. Si vous avez de la chance, vous découvrirez aussi la ville enveloppée d’un mystérieux brouillard, qui la rend encore plus belle qu’en été. Le seul problème, c’est l’Acqua Alta, un phénomène de marées qui inondent parfois la ville. Mais Venise est équipée d’un système de sirènes et de passerelles qui permettent de circuler les pieds au sec.

Loger dans la ville

Le Lido est moins cher, mais il est préférable de dormir au coeur même de la ville. Imaginez le plaisir de la découvrir une fois les lieux désertés par les hordes de touristes d’un jour ! Ils sont au moins 70.000 (soit 20.000 de plus que le nombre d’habitants) à fouler quotidiennement le sol de la Cité des Doges pendant la haute saison, généralement de 9 à 17h. Passée cette heure, ils regagnent le Lido ou leur bateau et la ville peut à nouveau respirer. En logeant dans la ville, vous ferez aussi des économies sur les transports publics pour dépenser cet argent de manière plus agréable. D’autant plus que les déplacements sont très lents à Venise, car il vous faut soit marcher (même le vélo est interdit), soit vous rabattre sur les Vaporetti qui ont bien le temps. Vous pouvez tester le bateau-taxi, mais cette option est très chère. En séjournant dans la ville, vous contribuez par ailleurs aux revenus des hôteliers vénitiens.

Si vous souhaitez malgré tout loger hors du centre historique, le Lido de Venise et l’île de Giudecca pourront vous accueillir. Un Vaporetto assure les liaisons en une vingtaine de minutes. Giudecca vous offre en outre une magnifique vue sur la skyline.

Plusieurs nuits

Une affichette apposée sur l’une des maisons du quartier de San Marco annonce la couleur : Tourists go away. You are destroying this place. Les habitants en ont assez. Le maire de la cité lagunaire, Luigi Brugnaro, avait même envisagé de réclamer des droits d’entrée dans certains lieux très visités. Il aurait différencié les touristes d’un jour et ceux venus passer un plus long séjour. L’idée n’a toutefois pas été retenue : un ticket d’entrée aurait réduit la Cité des Doges à une sorte de Disneyland. En logeant plusieurs jours, vous aurez l’opportunité de découvrir des quartiers méconnus. Vous aurez peut-être même la chance de faire la connaissance d’un Vénitien pure souche. Ils sont encore 54.000 dans la ville, contre 120.000 il y a trente ans. La hausse du prix de l’immobilier et la location très lucrative des appartements aux touristes plutôt qu’à la population locale ont fini par chasser les habitants.

Non aux croisières

Il n’est pas question de partir en guerre contre les croisières, sauf lorsque celles-ci envahissent Venise ! La présence des immenses paquebots, qui aujourd’hui encore empruntent le canal de la Giudecca, sont source d’innombrables problèmes et figurent, depuis des années, au coeur de débats, de procès et de manifestations. Ils restent aussi la principale préoccupation de l’Unesco car ces monstres d’acier sont trop imposants, nuisent à l’image de la ville, font trembler les fondations des fragiles palais et menacent la faune et la flore de la lagune. Déversant des hordes de touristes dans la Cité des Doges, huit paquebots en moyenne côtoient Venise de trop près chaque jour de la haute saison. Quelque 5.000 curieux se pressent alors vers les mêmes lieux : le pont du Rialto et les petites ruelles vers la place Saint-Marc. Les Vénitiens n’y trouvent même pas l’opportunité de faire des affaires : quand il s’agit de manger un morceau, de boire un verre ou de se reposer, tout le monde remonte à bord.

Pas de selfies sur les ponts

Ne faites pas ailleurs ce que vous ne voudriez pas qu’on fasse chez vous. Les touristes sont si nombreux à visiter Venise qu’un vade mecum leur est destiné. A consulter notamment sur le blog d’une habitante, Monica Cesarato (www.monicacesarato.com). Quelques morceaux choisis : les selfies sur les ponts étroits et super encombrés, ce n’est pas une bonne idée. Ni même dans les ruelles où vous devez rester à droite. Vous bloquez le passage et tout le monde n’est pas en vacances. Dans le même ordre d’idées : ne montez pas dans un Vaporetto bondé avec votre sac à dos ... plein à craquer. Même si les températures peuvent être élevées et malgré sa situation en bord de mer, Venise n’est pas une station balnéaire. Se coucher sur les nombreuses places est vécu comme un sacrilège par les Vénitiens. Pareil pour les promenades torse nu ou en bikini. Et souvenez-vous : il est interdit de pique-niquer autour de la basilique Saint-Marc. Vous risquez même une amende salée !

Ramer dans une gondole

La gondole est le symbole de Venise et il faut absolument découvrir la ville sur l’eau. Mais ce mode de transport est un véritable attrape-touristes. En été, les canaux sont encombrés et il vous en coûtera jusqu’à 100? pour une demiheure de promenade. « La gondole n’a jamais été un moyen de transport ordinaire à Venise, nous explique Nancy, notre professeur d’aviron, une Américaine qui s’est installée sur la lagune en 2004. On peut la comparer à une limousine qu’on loue pour un mariage. » Nancy nous apprend à ramer dans une version plus simple de la gondole : la bàtela. Se mouvoir sur les canaux comme un vrai gondolier demande une sacrée condition physique, mais c’est une expérience tout à fait unique. Surtout quand on sait qu’on aide ainsi à préserver le patrimoine vénitien...