En 2022, faites les bons choix pour votre épargne
Comment évolueront les marchés et vos placements en 2022? Que devez-vous tenir à l’oeil pour éviter les pièges? Quatre spécialistes financiers vous guident pour faire les bons choix pour votre épargne.
Ces deux dernières années ont réservé de nombreuses surprises aux épargnants et investisseurs. De la pandémie, qui a mis l’économie à genoux, à l’accélération de l’inflation dans un monde de pénuries, les 24 derniers mois ont été agités. Avant le changement d’année, nous avons fait le point avec quatre spécialistes aux profils variés. Étienne de Callataÿ est cofondateur et économiste en chef d’Orcadia Asset Management, société de gestion particulièrement attentive à la durabilité. Vincent Juvyns est responsable de la stratégie d’investissement de JP Morgan Asset Management, filiale de la grande banque américaine homonyme. Nadège Dufossé est responsable de l’allocation d’actifs chez Candriam, société de gestion paneuropéenne collaborant notamment avec Belfius. Enfin, Jérôme van der Bruggen est responsable des investissements de la banque privée Degroof Petercam.
Un ralentissement de l’inflation
Globalement, ils se montrent rassurants en ce qui concerne l’évolution de l’inflation qui a atteint en octobre 4% dans la zone euro et 6% aux États-Unis. Nadège Dufossé s’attend à ce que la hausse des prix ralentisse alors que « les goulets d’étranglement qui contraignent l’offre devraient se résorber progressivement ». Jérôme van der Bruggen observe ainsi « une stabilisation des prix de certaines matières premières, de certains composants électroniques (semi-conducteurs...), du fret maritime notamment. »
Vincent Juvyns souligne pour sa part que « l’inflation devrait être un peu plus soutenue qu’avant la pandémie, mais que les forces déflationnistes structurelles sont toujours à l’oeuvre. En l’absence de plein emploi, l’évolution des salaires est naturellement freinée. Les évolutions technologiques comme l’automatisation ou la numérisation contribuent aussi à limiter les coûts et freiner les prix. La concentration des richesses a aussi un effet déflationniste étant donné que les ménages les plus riches ont tendance à thésauriser davantage. »
Enfin, Étienne de Callataÿ épingle que l’inflation actuelle n’est pas un danger. « L’inflation demeure supportable et supportée pour les ménages et les entreprises. Et elle sert les agents économiques endettés en réduisant le poids de leurs dettes. Ce qui bénéficie tout particulièrement aux États et à leurs créanciers, les banques et compagnie d’assurances. »
De bonnes perspectives économiques
Globalement, les perspectives économiques pour 2022 sont plutôt favorables. « Les consommateurs devraient consommer et les entrepreneurs, entreprendre, poursuit l’économiste en chef d’Orcadia AM. Les ménages peuvent utiliser leur épargne excédentaire constituée de gré ou de force durant la pandémie ». Un matelas que l’agence Bloomberg évaluait il y a peu à plus de 2 700 milliards $ pour l’Europe et les États-Unis. « Les entreprises se rendent compte qu’elles ont trop peu investi depuis 10 ans et peuvent profiter des taux bas pour accélérer leur double transition numérique et écologique. »
Jérôme van der Bruggen se montre aussi plutôt optimiste concernant les perspectives économiques. « Dans l’immédiat, nous pensons que le taux de croissance va rester solide en 2022, alimenté entre autres par la consommation des ménages et les investissements des entreprises. À plus long terme, l’économie mondiale est tiraillée entre une croissance chinoise qui ralentit inévitablement et le potentiel de croissance des plans d’investissement dans les infrastructures et la transition, tout particulièrement aux États-Unis et en Europe. Ces plans constituent une réelle force positive, qui peut contrebalancer la première, et qui offre à l’économie mondiale l’opportunité d’un relais de croissance. »
Ces plans restent toutefois âprement négociés au niveau politique, tout particulièrement aux États-Unis où Joe Biden pourrait perdre sa majorité au Congrès à l’issue des élections de mi-mandat en novembre 2022. Pour Vincent Juvyns, cela incite toutefois l’administration américaine à accélérer la cadence comme le montre le vote du plan infrastructures de 1.200 milliards $ au Congrès à la mi-novembre.
En quelques citations...
Vous voulez briller durant les fêtes et bien conseiller vos proches? Ces quelques citations historiques ou contemporaines résument à merveille l’environnement et les perspectives au niveau financier.
- « Par une inflation constante, les gouvernements peuvent à l’insu de tous confisquer secrètement une part importante de la richesse de leurs citoyens » – John Maynard Keynes
- « Nos prévisions sont basées sur ce qui est envisageable, mais comme on l’a vu avec le Covid, on ne peut jamais totalement exclure le risque de rupture en cas de nouvelle pandémie, de cyberattaque massive ou d’attentats terroristes majeurs par exemple. » – Étienne de Callataÿ
- « En Bourse, vous avez deux choix: vous enrichir lentement ou vous appauvrir rapidement. » – Benjamin Graham (économiste, entrepreneur et investisseur reconnu, mentor de Warren Buffett)
- « Ne serait-ce que parce que le futur est plein d’incertitudes, l’investisseur ne peut se permettre de placer tous ses fonds dans un même panier. » – Benjamin Graham ( L’investisseur intelligent)
- « J’investis dans des entreprises tellement merveilleuses qu’elles peuvent être gérées par un idiot. Car tôt ou tard, ça arrivera. » – Warren Buffett
- « L’investissement durable représente désormais le meilleur gage de robustesse pour les portefeuilles des clients » – Larry Fink (patron de Blackrock, première société de gestion mondiale)
Le piège: les taux bas
Dans cet environnement, le véritable piège, c’est la prudence. « 2021 et 2022 sont les pires années pour être en cash (NDLR: comme un compte d’épargne), souligne Vincent Juvyns. Les taux sont toujours aussi bas alors que l’inflation grignote aujourd’hui bien plus rapidement le pouvoir d’achat de l’épargne. »
Les obligations d’État occidentales sont aussi unanimement déconseillées par les spécialistes que nous avons interrogés pour la même raison. À l’heure d’écrire ces lignes, le rendement de l’OLO belge à 10 ans (OLO: obligation linéaire, taux d’intérêt payé sur les obligations d’Etat), qui servirait de référence si la Belgique émettait des bons d’État à long terme, est de moins de 0,1%.
Et il ne semble pas qu’il faille attendre de réelle embellie à brève échéance selon Nadège Dufossé. « Même si les taux remontent un peu, ils resteront à un niveau très bas. La Banque centrale européenne (BCE) continuera à être très prudente dans le pilotage de sa politique monétaire, ce qui limite les perspectives de hausse des taux. »
Tout particulièrement pour des produits comme le livret d’épargne dont le rendement dépend davantage des taux directeurs de la BCE. Début novembre, Christine Lagarde, présidente de la BCE, a déclaré qu’il est extrêmement improbable que l’institution relève ses taux directeurs l’année prochaine.
Le conseil: les actions
Nos quatre experts continuent ainsi à privilégier les actions. Parmi les atouts des investissements boursiers, retenons notamment les éléments suivants:
- « L’inflation est globalement favorable aux actions, car les coûts, les prix de vente et donc les bénéfices suivent globalement l’évolution des prix » Étienne de Callataÿ
- « Le rendement de dividende des actions, de l’ordre de 2,5% en Europe, est aujourd’hui supérieur au rendement offert par les obligations ou produits d’épargne » Vincent Juvyns
- « L’environnement reste porteur pour les actions avec une croissance du PIB attendue autour de 4% en Europe et aux États-Unis et des conditions monétaires toujours très accommodantes » Nadège Dufossé.
Pour Jérôme van der Bruggen, « la Bourse continue (ainsi) d’être la principale source d’opportunités pour l’investisseur particulier. La meilleure façon de limiter la volatilité liée à un tel investissement est de le faire dans un cadre diversifié. »
En termes de répartition géographique ou sectorielle, nos spécialistes jouent en effet la carte de la diversification alors que la remontée des cours depuis mars 2020 a effacé les opportunités flagrantes. Nadège Dufossé épingle toutefois plusieurs thèmes de long terme sur lesquels mise Candriam: technologie et robotique, innovation, lutte contre le changement climatique, oncologie et biotechnologie.
Même si les actions, plus volatiles et plus rentables, sont à conseiller, Étienne de Callataÿ souligne l’importance de rester dans son profil d’investisseur. « Cette menace ne concerne toutefois que les personnes ayant déjà maximisé leur exposition au risque, la plupart investissant historiquement de façon trop prudente par rapport à leur profil réel. »
Les entreprises responsables
Nos 4 experts s’accordent aussi sur l’importance accrue des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). « Les entreprises qui ne prennent pas à coeur leurs responsabilités sociétales sont de plus en plus sanctionnées par les marchés, explique Jérôme van der Bruggen. Une bonne façon d’éviter ce piège est de compléter l’analyse financière traditionnelle par une analyse extrafinancière. L’objectif de l’analyse financière traditionnelle est d’évaluer le juste prix d’un investissement. L’objectif de l’analyse extrafinancière est d’évaluer les risques liés au non-respect par les entreprises des normes sociétales au sens large, une analyse des risques en somme! » Étienne de Callataÿ ajoute: « investir de façon responsable permet de privilégier les entreprises qui sont à l’écoute de la société et du monde, qui se remettent en question et qui ont ainsi tendance à afficher une surperformance sur le long terme. »
Rendement récurrent: 2 possibilités
Si vous souhaitez dégager un rendement récurrent de votre patrimoine, nos experts ont mis en évidence deux grandes options.
Nadège Dufossé souligne ainsi que « les obligations des pays émergents offrent aujourd’hui un des rendements les plus attractifs sur les marchés. » Au sein de cette catégorie, Vincent Juvyns épingle tout particulièrement les obligations d’État chinoises en yuans « qui offrent un taux de l’ordre de 3% et un potentiel de revalorisation de la devise, guère remis en cause par les récents événements en Chine. La stratégie de prospérité commune de Xi Jinping, ciblant tout particulièrement la spéculation immobilière, devrait même permettre de consolider la croissance et les marchés intérieurs en réorientant des capitaux de l’immobilier vers la consommation et les investissements productifs. »
Pour ceux qui recherchent un investissement leur permettant d’obtenir une rente, le stratégiste de JP Morgan AM conseille aussi les actifs générateurs de rendement comme les actions à haut rendement de dividende. Selon l’indice mondial MSCI World High Dividend Yield, ce genre d’actions offre actuellement un rendement de dividende de 3,5%. On y retrouve notamment des actions pharmaceutiques, agroalimentaires (Nestlé, etc.), financières, industrielles ou télécoms. Vincent Juvyns recommande d’y investir via un fonds pour bénéficier d’une large diversification.
Les placements alternatifs
Jérôme van der Bruggen estime que l’exposition à certains placements alternatifs peut contribuer à diversifier un portefeuille. « Je pense aux obligations à haut rendement, aux investissements non cotés (dette privée et Private Equity), aux infrastructures ou à l’or. » Les obligations à haut rendement ou high yield sont des titres représentatifs de crédits octroyés à des sociétés considérées comme à risque (de faillite). Les taux plus élevés, d’environ 3% en moyenne, et la durée généralement limitée compensent ce risque.
Les investissements non cotés ont le vent en poupe, mais la réglementation en limite l’accès en raison du niveau de risque supérieur. Si vous disposez d’un patrimoine moindre, tournez-vous vers des sociétés holding investissant dans le non-coté comme Sofina ou la GIMV sur Euronext Bruxelles, ou Eurazeo et Wendel sur Euronext Paris. Les plateformes de financement participatif (Beebonds, Look&Fin, Spreds...) offrent aussi des investissements non cotés sous forme de fonds propres (actions) ou de crédit/dette privée.
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