Profession : biographe familiale
Le récit de vie a le vent en poupe, comme nous l’expliquons dans le Plus Magazine de février. Mais si certains sont capables d’écrire leurs propres mémoires, d’autres ont besoin d’un » coup de plume » pour retranscrire leurs souvenirs. C’est ici qu’interviennent les biographes familiaux, comme Anne Marie Wollseifen, de Pass’Plume.
Qu’y a-t-il de plus personnel, de plus intime, que le récit de sa propre vie ? Passé un certain âge, nombreux sont pourtant ceux qui désirent se raconter et lever un coin de voile sur leur existence. Pour laisser une trace à leurs (petits-)enfants ou, tout simplement, pour faire la paix avec leur passé. Une démarche lourde de sens, qu’il n’est pas toujours facile d’aborder seul, notamment lorsqu’on envisage un témoignage écrit. C’est que tout le monde n’a pas l’écriture facile, ni le courage de se lancer dans une rédaction de longue haleine !
C’est à partir de cette réalité qu’Anne Marie Wollseifen a créé Pass’Plume : depuis 2011, en tant que » biographe familiale « , elle met en musique des récits de vie. » Je ne me considère pas comme un écrivain, mais plutôt comme une personne qui, par le vecteur de l’écriture, va pouvoir transmettre une histoire personnelle entre différentes générations « , explique-t-elle d’emblée.
Avant tout, une rencontre
Un exercice qui, d’un premier abord, pourrait sembler délicat : en tant que personne extérieure au cercle familial et relationnel, il faut pénétrer dans l’intimité d’une vie, recueillir les confidences d’une existence qui se met à nu. Une relation de confiance est donc primordiale. » Dès lors, l’écriture d’un récit de vie démarre avant tout par une rencontre, la rencontre entre le narrateur – la personne qui va raconter ses souvenirs – et le biographe, poursuit Anne Marie Wollseifen. Tout part de là, c’est seulement à partir de cette rencontre qu’on peut déterminer s’il est envisageable de travailler ensemble. Les modalités pratiques ne sont abordées que par la suite : je ne suis pas prestataire de service – c’est bien plus profond que ça ! – et je refuse par exemple de donner un devis par téléphone, sans connaître la personne. La relation de complicité s’établit très vite : j’ai le souvenir d’une dame qui m’a serrée dans les bras dès notre première rencontre. «
Narrateur et biographe se mettent ensuite d’accord sur le nombre d’entrevues qui serviront de matière première au texte écrit. Leur nombre varie suivant la taille envisagée du récit : quatre séances d’une heure sont nécessaires pour obtenir un livret d’une cinquantaine de pages, il faut jusqu’une vingtaine d’heures pour créer un véritable livre. » Nous partons généralement de la naissance pour reparcourir toute la vie, mais les souvenirs, bons et mauvais, arrivent parfois de manière décousue, au fur et à mesure de la discussion. Le récit de vie a une dimension thérapeutique, c’est certain, mais attention : ce n’est pas une psychothérapie. Quand je vois qu’un narrateur fait remonter à la surface des choses difficiles à aborder, qu’il y a encore une souffrance forte, j’insiste pour qu’il consulte un psychologue sur le côté. C’est une condition sine qua non. «
Ces silences si éloquents
A partir de ses notes et de ses enregistrements, la biographe se charge d’écrire un texte en respectant les sensibilités et la personnalité du narrateur. » Il va de soi que le récit de vie d’une professeure de français d’un collège bruxellois n’aura pas la même forme que celui d’un couple d’agriculteurs du fin fond de l’Ardenne. Une autre difficulté est qu’il faut ‘sentir’ les choses : au-delà des propos, il y a parfois des silences très éloquents, lors de nos entrevues. Lorsque j’écris, il m’arrive d’imaginer que tel événement peu détaillé s’est déroulé d’une telle manière. Et généralement, les gens sont stupéfaits, parce qu’ils ne l’ont pas raconté, mais cela s’est effectivement passé de la sorte ! «
Quand bien même ce ne serait pas le cas, la biographe souligne que, dans tout le processus d’écriture, le narrateur garde la main et peut toujours apporter corrections et précisions. » Je remets toujours aux narrateurs une version du texte avec des espaces prévus pour des annotations : rien ne sera publié sans leur aval. «
Un métier de passion
L’accueil réservé au récit de vie, une fois publié, est généralement un grand moment d’émotion. Pour les proches, qui découvrent des facettes inconnues et parfois insoupçonnées de leur conjoint, parent ou grand-parent, mais aussi pour le narrateur lui-même. » C’est ce que j’appelle l’effet boomerang ! « , sourit Anne Marie Wollseifen. Que ce soit en offrant leur récit de vie ou en recevant celui d’un proche, narrateurs et destinataires découvrent la valeur qu’ils ont aux yeux de l’autre. Des moments d’émotions auxquels les biographes, qui ont su partager cette intimité, sont étroitement associés.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la biographe avoue faire ce métier. » Compte tenu du temps qu’il me faut pour rédiger un beau texte qui ‘coule’ et pour entreprendre les nécessaires vérifications historiques, géographiques, etc., ce métier n’est pas très rentable sur le plan financier – il ne l’est même pas du tout en ce qui me concerne. Mais il est incroyablement riche en émotions et en leçons de vie. C’est incroyable comme toutes les personnes que j’ai interrogées ont mené leur existence, le plus souvent avec une humilité qui force l’admiration ! «
Info : www.passplume.be/
Un minimum de prudence s’impose
Plusieurs lecteurs nous ont déjà fait part de biographes aux méthodes douteuses et à la déontologie aléatoire. Anne Marie Wollseifen confirme qu’un minimum de prudence s’impose. Mieux vaut opter pour un biographe qui a des références et une formation minimale, qui associe clairement le narrateur à la conception du projet, qui laisse libre à chacun de mettre fin à la collaboration s’il le souhaite, transmet son travail au fur et à mesure de son développement et qui fait payer à la séance.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici