Comment j’ai retrouvé le sommeil

Ludo Hugaerts, journaliste à Plus Magazine, a décidé de remédier à ses problèmes de sommeil. Après avoir vu un spécialiste, il a suivi un entraînement dans un hôpital. Et raconte son expérience...

Deux ou trois heures au pays des rêves et, soudain, je suis éveillé comme en plein jour. Je me retourne dans mon lit en fixant mon réveil matin...

Je pense au travail du lendemain, à ma famille, je somnole, me réveille encore pour me réendormir à l’aube. Le matin, je me lève avec des pieds de plomb...

Je consulte le Dr Marleen Vieren, neurologue de la clinique Onze Lieve Vrouw d’Alost.

Elle me pose quatre questions :

  • Vos troubles du sommeil provoquent-ils une gêne en journée ? Vous sentez-vous raplapla, avez-vous des difficultés à vous concentrer ?
  • Buvez-vous de l’alcool le soir ?
  • Vous endormez-vous devant la télé ?
  • Pouvez-vous voir l’heure depuis votre lit ?

Je réponds par la négative à la première question. Et  » oui  » aux autres. Je bois deux à trois verres de vin ou un single malt, je m’endors devant la télé. Et près de mon lit, un réveil projette l’heure au plafond !

Un mot pour mes maux

Selon la neurologue, mon problème n’est pas pathologique. Ce serait le cas si j’avais des difficultés à me concentrer ou si je m’endormais en journée, ou s’il existait une cause physique sous-jacente (apnée, maladie musculaire...).

 » Point de vue biologique, vous dormez assez. Vous avez un problème de continuité du sommeil classique, et une mauvaise hygiène du sommeil, analyse-t-elle. Vers 45-50 ans, il est normal de dormir de façon fragmentée sous l’effet de modifications hormonales (voilà pourquoi les femmes sont plus touchées que les hommes). Le sommeil est moins profond, les réveils sont fréquents, les nuit angoissantes. Des médicaments peuvent aggraver le problème : somnifères, antidépresseurs, traitements contre l’arthrose, les troubles respiratoires, la douleur chronique... Mais ça ne signifie pas que les besoins en sommeil diminuent après 45 ans. Ils restent proportionnels à l’énergie utilisée le jour.  »

Le parcours de prise en charge des troubles du sommeil se déroule en trois phases (voir encadré).  » Notre objectif est qu’au matin, vous ne vous souveniez plus de vous être réveillé la nuit, explique le Dr Vieren.  »

Quatre clés essentielles

  • Plus d’alcool après 20h (ou trois heures avant d’aller au lit) :  » L’alcool aide à s’assoupir, mais pas à rester endormi. Quand votre organisme l’a digéré, il donne le signal du réveil. »
  • Pas de réveil près du lit :  » Si vous voyez l’heure, votre cerveau entre en action. Vous allez calculer combien de temps il vous reste à dormir !  »
  • Ne pas vous endormir devant la télé :  » Chaque heure passée à dormir le jour est une heure de perdue pour la nuit ! Ne vous couchez qu’une fois vraiment fatigué et réagissez quand le sommeil vous gagne devant la télé : marchez, rasseyez-vous bien droit, prenez un livre ou préparez le petit-déjeuner du lendemain.  »
  • Si vous vous réveillez la nuit, ne broyez pas du noir :  » Levez-vous, trouvez une activité ne sollicitant pas votre cerveau : aller aux toilettes, feuilleter un catalogue. Résistez à la tentation de lire vos e-mails, faire du nettoyage. Sinon, vous allez assimiler le message que se réveiller la nuit est pratique !

Ca marche !

Je mets en pratique ces quatre règles. Les deux premières nuits, je me réveille sept ou huit fois, comme d’habitude. Je m’interdis de voir l’heure. La troisième nuit, je me réveille quatre fois, mais mon inconscient a assimilé la disparition du réveil. Je me retourne... et me rendors. Quatrième nuit, bingo : je me réveille une seule fois, vais aux toilettes, me recouche et me rendors illico.

Le bilan du sommeil

Le Dr Vieren me recommande de faire un bilan du sommeil qui lui permettra de me donner des conseils personnalisés. Je me présente à l’hôpital. Chez moi, je dors mieux quand il fait frais. Ici, il fait chaud. Vers 8 heures du soir, deux infirmières placent une des senseurs et des tuyaux pour mesurer mon activité musculaire et cérébrale, ma respiration pectorale et abdominale, ma saturation en oxygène, mon débit d’air nasal et buccal, mon rythme cardiaque, mes ronflements, les mouvements de mes jambes et de mes yeux... Avec cet équipement, comment vais-je m’endormir ? Je dois éteindre lumière et télé à 22 h 30.

Je n’ai jamais passé une si mauvaise nuit ! A 5 heures, je suis éveillé comme en plein jour. Je lis, me rendors, me réveille souvent. Pourtant, les infirmières me secouent, à 8 heures, pour débrancher l’appareillage. Au petit déjeuner, je remplis un questionnaire.  » Combien de temps pensez-vous avoir dormi ? « , je réponds  » 6 heures « .

C’est aussi dans la tête

La semaine qui suit, je revois la neurologue. Elle a rassemblé les graphiques de mon bilan. Je suis surpris.

  • J’ai dormi non pas 6 heures, mais près de 8 heures (479 minutes).
  • Mon taux d’efficience du sommeil (rapport entre nombre d’heures de sommeil et temps passé au lit) est de 86,4 %. Les phases de somnolence (où on s’éveille brièvement sans s’en rendre compte) sont considérées comme du sommeil.  » Personne n’atteint 100 %, commente le Dr Vieren. La moyenne est de 80 % ; vous obtenez un bon score.  »
  • Je me suis assoupi après 10 minutes et demie.  » Un temps d’endormissement de 10 à 30 minutes est considéré comme normal.  »
  • En moyenne, nos nuits se composent de 50 à 60 % de phases de sommeil superficiel, de 20 à 25 % de sommeil profond et de 15 à 20 % de sommeil REM (sommeil paradoxal, associé aux rêves). Mon analyse a révélé la part de sommeil profond est moins importante, et celle du sommeil paradoxal l’est davantage. J’ai donc le sommeil léger, mais je suis un bon rêveur (je ne l’avais jamais remarqué).
  • Je me suis brièvement réveillé cinq fois par heure. Mais ces réveils ne m’ont laissé aucun souvenir, ils étaient inconscients.
  • J’ai changé de position douze fois, c’est normal. A l’instar des autres résultats (rythme cardiaque, pouls, saturation en oxygène, pas d’apnée), à deux exceptions près : j’ai tendance à ronfler et à avoir les jambes qui remuent lors du sommeil profond.

Conclusion : j’ai un problème de continuité du sommeil, en partie d’ordre psychologique. J’étais convaincu d’avoir mal dormi, alors que physiologiquement, il n’y avait pas de réel souci.  » Beaucoup ont l’impression de mal dormir, alors que leur sommeil est normal. En dramatisant la situation, ils risquent une spirale négative. Efforcez-vous d’améliorer votre hygiène de sommeil, mais n’attendez pas de miracles.  »

Lire au lit ?

En attendant les séances de psychologie à la rentrée, je suis les recommandations de la neurologue... La canicule de juillet et les vacances contrarient mes efforts : dur de se refuser un verre en soirée. Puis, miracle : pour la première fois depuis des années, je passe une nuit sans me réveiller !

Le Dr Vieren me donne d’autres conseils : ne plus manger deux à trois heures avant le coucher, pas de repas lourds le soir, bannir télé et ordinateur de la chambre à coucher, obscurcir celle-ci au mieux, et lui donner une température de 16°C.

La neurologue déconseille de lire au lit : le cerveau doit apprendre que se coucher est synonyme de sommeil, pas d’effort intellectuel. Mieux vaut lire dans un fauteuil. Mais je ne peux plus m’endormir sans lecture.

 » Dans ce cas, concède le Dr Vieren, vous avez fait de la lecture votre rituel de coucher.  » Une chose est sûre : en quatre mois, mes nuits se sont améliorées. Reste à voir ce que le psychologue du sommeil va m’apprendre.

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