Laurence Bibot : « J’ai besoin d’épater mes enfants ! »

Des déguisements dans sa chambre à la jouissance de la scène, l’humoriste Laurence Bibot se confie sur son parcours et sur le succès de ses enfants, Angèle et Roméo Elvis.

Elle rit de ses 50 ans dans son stand-up Bibot distinguée et elle joue la femme d’affaires dans la pièce Les Belles personnes de Sébastien Ministru. Levé de rideau sur Laurence Bibot qui nous accueille au Théâtre de la Toison d’Or, à Bruxelles.

Depuis trente ans, vous amusez le public en incarnant des personnages variés... D’où vient cette envie de faire rire ?

De l’enfance, je pense. J’étais la plus jeune de cinq enfants et l’humour occupait une place importante dans la famille. Mon père pratiquait plutôt un humour noir, parfois cruel et cinglant; ma mère était plus légère, aimait s’amuser. Nos parents nous encourageaient à nous charrier entre frères et soeurs pour nous former le caractère. L’humour était utilisé un peu comme une arme et une défense.

Nous avons donc tous entretenu une sorte d’esprit de répartie et, chez moi, ça a glissé, à 6-7 ans, vers le déguisement et l’incarnation de personnages. J’étais une  » enfant-chambre « , heureuse dans ma pièce avec mon imagination. Parfois, j’allais dans la rue et j’étais fière quand mes voisins ne me reconnaissaient pas ! Et le fait que mes parents me trouvaient très amusante a sûrement été un encouragement...

Aujourd’hui, l’humour est-il encore une arme et une défense ?

Oui, absolument. L’humour me permet de relativiser, de prendre de la distance, de retourner quelque chose qui pourrait me blesser ou une attaque qui pourrait m’être faite. C’est une manière d’évacuer des préoccupations, des questionnements... En prenant les choses avec un peu d’humour, j’ai l’impression de mieux les comprendre, d’être plus juste.

L’humour protège aussi de la morosité ambiante ?

Sûrement, mais j’essaye de ne pas être dans le  » C’était mieux avant  » car je pense que c’est faux. J’entends plein de personnes de mon âge ou plus âgées dire, entre autres, qu’il n’y a plus d’endroits pour s’amuser à Bruxelles. Je leur réponds alors :  » Non, c’est VOUS qui ne vous amusez plus !  » (rires) Beaucoup de gens pensent que s’ils ne participent pas, ça n’existe plus, comme si les choses ne pouvaient pas continuer à vivre sans eux. C’est hallucinant !

Dans votre dernier stand-up, Bibot distinguée, vous abordez le temps qui passe... Qu’est-ce qui a changé à 50 ans ?

Je suis plus sereine ! Donc, ou les hormones sont très bien faites ou il y a une sorte de paix avec soimême, on se connaît mieux, on a plus d’expérience, on est plus indulgent...

Ses enfants, Angèle et Roméo Elvis. Belgaimage

Que représente la scène pour vous ?

C’est un peu comme mon lit, un endroit où j’aime être ! J’ai encore parfois le trac mais je trouve la convention tacite toujours magique : le public accepte de jouer le jeu de se taire complètement pendant le spectacle. Une écoute qui tient sur rien, juste un plateau un peu plus haut, un spot, une distance qui s’installe...

Que vous procure votre métier d’humoriste ?

Un plaisir et une puissance ! Si, dans une situation donnée, vous maîtrisez le moment où vous faites rire les gens, vous avez du pouvoir sur eux, vous les faites jouir, dans un sens spirituel. Pour moi aussi c’est jouissif : je sais que je leur fais du bien et c’est très agréable !

Votre mari (le chanteur Marka, ndlr) et vos enfants viennent à vos spectacles ?

Ah oui, ils sont obligés ! Mon mari vient assez tôt et mes enfants quand ils peuvent.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que j’ai envie de leur montrer mon travail, d’avoir un retour, qu’ils soient fiers de moi. C’est très enfantin. J’ai besoin de les épater ! Ça fait partie du plaisir d’échapper à l’âge, de me dire qu’à 50 ans je peux continuer à exploiter certaines choses comme ma capacité de faire rire, et j’ai la légitimité pour en aborder d’autres. Les frères Taloche ne vont par exemple pas s’emparer du sujet sur la sécheresse vaginale ! Avoir un certain âge est un atout !

Vos enfants Angèle et Roméo Elvis sont en pleine ascension artistique. Que ressentezvous en tant que mère ?

Ça me fait très plaisir qu’ils fassent ce qu’ils aiment mais je les mets en garde aussi. Quand des carrières sont fulgurantes, on sait que ça monte et que ça descend... Je ne suis ni la manageuse ni la fan de mes enfants, je suis la maman. Je me fiche de la notoriété, qu’Angèlerencontre Zazie ou Obispo, ce qui me fait rêver c’est qu’elle écrive elle-même ses chansons, qu’elle compose. Quand je vais à un concert de mes enfants, je suis parfois critique sans pour autant le leur dire. Je ne suis pas éblouie par la scène. Je suis touchée, émue, fière, mais je connais les ressorts de ce métier.

Frédéric Raevens

Le succès d’Angèle vous fait peur ?

Bien sûr, je trouve que ça peut être étouffant, que c’est brutal ! On essaye de lui dire de vraiment se protéger, de refuser peut-être certaines choses, d’être attentive à ce que la machine ne s’emballe pas trop fort. J’espère que ce côté phénoménal actuel ne va pas la desservir. Mes enfants sont bien entourés et leur père est très présent aussi.

Pensez-vous que le fait d’avoir été  » fille/fils de  » leur ait ouvert des portes ?

En voyant nos métiers, ils ont sans doute gagné du temps au niveau des étapes un peu techniques, évité certaines erreurs qu’on peut faire... Mais ils n’ont vraiment pas eu besoin de moi pour leur ouvrir les portes de la France, je ne suis rien, moi, là-bas ! (rires)

Les quatre membres de votre famille sont célèbres, c’est exceptionnel !

On me le dit mais, moi, de l’intérieur, je vois ça comme une stimulation à continuer de faire le mieux possible dans mon domaine. Je n’aurai jamais le dixième du succès et de la reconnaissance de mes enfants : plus de 40 millions de vues sur le clip Tout oublier d’Angèle et Roméo Elvis contre 30.000 sur mes meilleures vidéos Youtube ! (rires) Je suis une compétitrice mais là on ne joue pas dans la même catégorie. Heureusement car si j’étais chanteuse, je le gèrerais différemment, je serais plus fragile...

Que faites-vous de votre temps libre ?

Des petites capsules vidéo sur Instagram à partir d’archives de programmes de la RTBF, des années 60 à aujourd’hui. Je réincarne et double des personnages, dont certains de Strip-tease, en me déguisant comme eux, dans un décor semblable. J’essaye d’être juste, de faire le lipping, et durant 30 ou 50 secondes, je ne suis plus moi mais c’est contrôlé, rassurezvous ! (rires) Mes playbacks seront projetés sur des écrans, par thématiques, en janvier au Musée de la Photographie, à Charleroi. Ces capsules témoignent notamment de la représentation de la femme dans les médias.

Nostalgique de la période des Snuls et de votre rôle de Miss Bricola ?

Non, mais j’ai adoré jouer ce personnage. On était loin dans l’ironie. Une espèce d’hôtesse dans le 100e degré !

Envisagez-vous de refaire un spectacle de chansons voire un groupe électro pop, avec votre mari, comme il y a quelques années ?

Absolument pas. Pour le bien de notre couple, on a décidé de ne plus jamais travailler ensemble car on se dispute trop !