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Le foie, un organe absolument vital

Julie Luong

Triage, détoxification, transformation: le foie est la station d’épuration notre corps. Veiller à sa bonne santé permet d’éviter bien des problèmes...

Situé sous les côtes, dans la partie droite de l’abdomen, le foie est un organe absolument vital. Pesant entre 1,4 et 1,6kg et aussi grand qu’un ballon de football, il est aussi l’organe le plus lourd de notre corps. Chaque jour, il pompe plus de 2.000 litres de sang, soit 1,4 litre à la minute! C’est lors de cette opération qu’il effectue le tri entre les substances indésirables (alcool, résidus de médicaments, additifs) et les substances intéressantes (glucides, acides gras, vitamines). Ces dernières sont alors stockées et synthétisées en nutriments, c’est-à-dire en éléments directement utilisables par l’organisme: les glucides sont transformés en glucose, les acides gras en triglycérides, etc.

LE FOIE GRAS

Au fil du temps, cette machine bien rodée peut néanmoins être endommagée, en particulier si on la met à l’épreuve d’une consommation importante de graisses et de sucres. Des lipides anormaux se déposent alors dans le foie, donnant lieu à un « foie gras », aussi appelé stéatose hépatique. « C’est une maladie aujourd’hui très fréquente en Belgique, commente le Pr Peter Stärkel du département d’hépato-gastroentérologie des Cliniques universitaires Saint-Luc. Même s’il peut apparaître chez des personnes minces génétiquement prédisposées, le foie gras est souvent associé à un surpoids et à un syndrome métabolique. » Le syndrome métabolique associe au moins trois des cinq critères suivants: surpoids, diabète, hypertension, excès de cholestérol, excès de lipides. Et si le risque de foie gras augmente avec l’âge, on observe aujourd’hui des cas chez des adolescents et même chez des enfants! Malbouffe oblige.

Comme la plupart des maladies du foie, le foie gras est une maladie silencieuse : pendant longtemps, il ne provoque donc aucun symptôme mais peut évoluer à terme vers une cirrhose. Les cellules hépatiques meurent alors progressivement, laissant place à du tissu cicatriciel. La complication ultime de la cirrhose est le cancer du foie. « La cirrhose est en partie réversible si on élimine la cause. À partir d’une échographie et d’une prise de sang, on peut mesurer l’impact d’un régime. On voit en général que dès que le poids diminue, les paramètres hépatiques s’améliorent, encourage le Pr Peter Stärkel. La bonne nouvelle ? Le patient peut activement faire quelque chose pour améliorer la situation. » Bien sûr, en revoyant ses habitudes alimentaires, on n’améliore pas seulement l’état de son foie : on diminue aussi son risque cardiovasculaire. Tout bénéfice donc...

Les calculs biliaires

La crise de foie existe-t-elle ? « Non : quand on dit qu’on a mal au foie, en général, on a mal à la vésicule biliaire, située tout contre le foie », explique le Pr Peter Stärkel. Une crise de colique hépatique ou biliaire est généralement due à un calcul de la vésicule, aussi appelé lithiase biliaire.

Ces « pierres » ressemblent à de petits cailloux et sont généralement composées de cholestérol cristallisé. Elles passent ensuite dans les voies biliaires et empêchent momentanément la bile de s’écouler, ce qui provoque des douleurs importantes. La crise peut durer entre trois et quatre heures, après quoi le calcul est délogé (en cas de crise qui se prolonge plus de six heures, il faut consulter sans attendre).

Une personne qui a souffert d’une crise de colique biliaire risque, dans 70 % des cas, d’en connaître d’autres.

L’ALCOOL: ENNEMI N° 1

L’alcool est l’ennemi numéro un du foie ! Si le foie permet de métaboliser l’alcool qui circule dans le sang, ses capacités en la matière sont en effet loin d’être illimitées. Le travail de décomposition engendre en effet la libération de substances toxiques. S’il est sollicité par une consommation d’alcool trop importante sur une trop longue durée, le foie s’épuise: des graisses s’accumulent dans les cellules hépatiques, donnant lieu à une stéatose hépatique, éventuellement à une inflammation (hépatite), puis à une cirrhose. « N’oublions pas qu’en Belgique, nous sommes les champions de la consommation d’alcool au niveau européen », avertit le Pr Peter Stärkel.

Les dernières recommandations du Conseil supérieur de la santé (CSS) indiquent qu’il est souhaitable de ne pas boire plus de dix unités d’alcool par semaine et de passer au moins deux jours par semaine sans boire d’alcool du tout. Au-delà, les risques pour la santé augmentent, tout comme le risque de dépendance. Il est également recommandé de ne pas boire plus de quatre unités d’alcool en une seule occasion.

« Concernant le foie, on estime que le risque d’une atteinte physique est probable à partir de cinq unités par jour. Cela peut paraître beaucoup mais en réalité, beaucoup de gens mettent la limite à quatre verres par jour: deux verres à midi, deux verres le soir... On y est vite. » D’autant qu’une unité d’alcool, c’est souvent moins que ce que l’on croit! Par unité, on entend ainsi une bière de 25cl à 5° ou un verre de vin de 10cl (soit moins d’un septième de bouteille) à 12°. Avec une bière spéciale ou un cocktail, vous êtes donc déjà largement à deux unités.

Le message à retenir est le suivant : nul besoin d’être alcoolique pour avoir des problèmes de foie liés à l’alcool. Tout dépend de votre sensibilité individuelle, difficile à déterminer à l’avance. « Il existe une certaine prédisposition génétique à faire une atteinte physique. Les Asiatiques, notamment, seraient plus à risque, mais comme ils métabolisent mal l’alcool, ils prennent souvent l’habitude de boire modérément pour éviter les effets indésirables : c’est un facteur protecteur. On pense que les personnes noires pourraient également avoir une sensibilité augmentée aux atteintes hépatiques, même si ça reste discuté », poursuit le spécialiste. Le fait d’être une femme est également un facteur de risque. « Bien sûr, avoir un poids plus faible est en soi un facteur de risque. Mais ce n’est pas la seule raison : on pense aussi que l’estomac des hommes serait capable d’opérer une première détoxification avant l’arrivée dans le foie, au contraire de celui des femmes. » Une femme devrait donc idéalement ne pas boire plus d’un verre par jour.

L’HÉPATITE C

Le foie peut aussi être le siège d’inflammations, causées par les virus de l’hépatite. Les virus de l’hépatite A et E se transmettent généralement par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés. C’est l’hépatite dite « du voyageur » qui cause des symptômes digestifs et se résorbe généralement spontanément sans laisser de séquelles. Les virus B et C sont en revanche la cause d’hépatites chroniques. Ils se transmettent lors des rapports sexuels ou via le sang.

« Ce sont chez les plus de 50 ans qu’on a le plus grand nombre de porteurs de l’hépatite C qui s’ignorent. Le virus est en effet connu depuis les années 90 et concerne au premier chef la génération des baby-boomers », détaille le Pr Peter Stärkel. Les modes de transmission de l’hépatite C sont par ailleurs plus larges qu’on ne le pense: usage de seringues contaminées, mais aussi transfusions, tatouages dans des situations mal contrôlées ou encore consommation de cocaïne. « La muqueuse du nez est très vascularisée: comme il y a souvent échange de pailles, cela peut suffire pour contracter le virus. »

Pour le spécialiste, tous les plus de 50ans auraient donc intérêt à demander à leur généraliste un test de dépistage. « Cela me paraît d’autant plus pertinent que l’hépatite C bénéficie aujourd’hui d’un traitement remboursé, efficace dans 95 % des cas. Il ne dure pas plus de 8 à 12 semaines et est quasiment sans effets secondaires. »

LES TISANES « MIRACLE »

De nombreux médicaments sont nocifs pour le foie, en particulier la classe des antibiotiques et des anti-inflammatoires qui, lorsqu’ils sont consommés à haute dose pendant une longue période, sont susceptibles de causer des dégâts importants. Mais pour le Pr Peter Stärkel, un autre danger, moins évident, guette notre précieux organe. « Nous avons de plus en plus de patients qui présentent des problèmes de foie sévères causés par certains compléments alimentaires. Or, souvent, il est difficile de connaître la composition exacte de ces produits », indique-t-il. Herbes chinoises, tisanes « miracle », compléments « drainants » et « détoxifiants »: méfiance! Même les produits achetés en pharmacie ne sont pas sans risques.

« Le chardon-Marie censé protéger le foie peut être toxique chez certaines personnes, de même que le millepertuis utilisé dans les dépressions légères. Mais ce sont surtout les associations qui posent problème. » Moralité : évitez de prendre des compléments alimentaires sur une longue durée et/ou de les combiner sans avis médical. Le foie n’est pas à toute épreuve...

L’ablation de la vésicule

Les calculs biliaires touchent deux à trois fois plus de femmes que d’hommes. Les facteurs de risque sont bien connus : obésité, inactivité physique, diabète, mais aussi perte de poids rapide et chirurgie bariatrique. La chirurgie par coelioscopie (sans ouverture de la paroi abdominale) permet aujourd’hui de traiter efficacement les calculs biliaires, par ablation de la vésicule, afin d’éviter les récidives. Car si on ne peut pas vivre sans foie, on peut tout à fait vivre sans vésicule biliaire...

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