Comment garder une voix jeune?
La voix est le reflet de nos émotions, de notre âge, de notre santé et une composante essentielle de notre identité. Mais pour la préserver, encore faut-il l’utiliser au quotidien. En parlant, en lisant, en chantant... sur tous les tons.
Au téléphone, elle vous permet d’estimer raisonnablement, sans l’avoir jamais vu, l’âge moyen de votre interlocuteur. La voix ne trompe pas: de l’enfance à la vieillesse, elle évolue tout en demeurant une composante essentielle de notre identité. Car c’est aussi grâce à elle que nous pouvons reconnaître en un quart de seconde un ami que nous n’avons plus vu depuis trente ans!
Si le vieillissement de la voix est normal, au même titre que la diminution de la vue ou de l’ouïe, les phénomènes dits de presbyphonie n’en sont pas moins mal vécus par certaines personnes. « Le vieillissement des tissus liés à la voix n’a rien de pathologique. En revanche, il peut nous poser des problèmes de communication. Cela peut être particulièrement gênant quand on continue à animer des réunions, à donner des cours ou tout simplement à jouer aux cartes entre amis », commente le Pr Dominique Morsomme de l’Unité Logopédie de la Voix de l’Université de Liège.
La fonction fait l’organe
Voix qui porte moins, plus rauque, moins stable, qui se casse ou qui tremble... : le vieillissement de la voix est d’abord lié au vieillissement des plis vocaux (terme aujourd’hui préféré à celui de cordes vocales), organes de la phonation qui sont relâchés et écartés lorsque nous nous taisons et, à l’inverse, rapprochés quand nous déglutissons, parlons, chantons, ce qui met en vibration le flux d’air.
Or la préservation de nos plis vocaux dépend à la fois de facteurs génétiques (dans certaines familles, on constate que la voix a tendance à rester jeune très longtemps, au même titre que la peau) et de facteurs liés au mode de vie (tabagisme) et à l’habitude. « Les personnes qui ont été amenées à beaucoup utiliser leur voix durant leur vie professionnelle ont tendance à mieux la conserver. C’est le principe de la fonction qui fait l’organe », analyse le Pr Dominique Morsomme. Un enseignant qui a donné entre vingt et trente heures de cours par semaine pendant quarante ans a ainsi plus de chances de préserver longtemps sa fonction vocale... à condition d’avoir utilisé sa voix de manière adéquate. De même pour les chanteurs lyriques... qui verront néanmoins leur registre changer au fil du temps. « Pour des raisons hormonales, avec l’avancée en âge, la voix a tendance à devenir plus grave chez les femmes et plus aiguë chez les hommes », poursuit la spécialiste.
Une question d’entraînement
Le critère déterminant pour préserver sa voix est donc l’entraînement ! « Les plaintes liées à une diminution de la qualité peuvent apparaître vers 65 ou 67 ans, ce qui correspond à l’âge de la retraite. Mais elles sont davantage liées à une diminution des contacts sociaux », relève le Pr Dominique Morsomme.
Pour garder une voix jeune, la première règle est donc de continuer à sortir, bavarder, affirmer, questionner, pérorer, répéter, réciter ! « Je conseille aux personnes qui vivent en couple de se lire mutuellement le journal à voix haute. Je suggère aussi, si on aime ça, de s’inscrire dans une troupe de théâtre ou dans une chorale. Par ailleurs, la pratique d’une activité physique est importante, car toute la structure corporelle participe à la voix qui mobilise non seulement les plis vocaux, mais aussi la fonction pulmonaire », précise le Pr Dominique Morsomme. La logopédie permettra, elle, de mieux contrôler la presbyphonie grâce à des exercices de mobilisation vocale comme les « accolements glottiques », les « glissendi » et autres jeux vocaux. « C’est un peu comme du fitness ! Si vous voulez faire travailler le muscle, vous devez travailler sa résistance à la pression d’air. »
Pour garder une voix jeune, il faut sortir, bavarder, affirmer, questionner, répéter...
Par ailleurs, quand les exercices de logopédie ne suffisent pas, une injection d’acide hyaluronique et/ou de graisse autologue, prélevée dans l’abdomen de la personne, est parfois pratiquée : elle permet de restaurer le volume des plis vocaux, d’obtenir une meilleure fermeture et de retrouver ainsi sa voix. « Si vous appelez votre chien et qu’il ne vous répond plus, vous vous inquiétez! Être amputée d’une possibilité vocale perturbe l’identité « , commente le Pr Dominique Morsomme.
Dis-moi comment tu parles...
Si notre voix demande à être préservée, elle est aussi un excellent indicateur de notre santé, physique et mentale. « Quand on est un peu déprimé, cela s’entend tout de suite. Les contours intonatifs diminuent, la fréquence est plus basse, on a moins envie de faire des efforts pour projeter la voix et cela s’entend », souligne le Pr Dominique Morsomme.
De même, les extinctions de voix peuvent être en lien avec des facteurs psychologiques : on parle alors d’aphonie ou de dysphonie psychogène. » En cas de contrariétés, certains font une gastrite, d’autres une éruption cutanée et d’autres encore auront la chique coupée ! » Le lien entre le symptôme et la cause est parfois évident : ainsi d’une personne qui aurait subi une tentative de strangulation et ne serait plus capable de s’exprimer. » Plus généralement, on parle d’aphonie psychogène lorsque la personne est dans une situation de mal-être qui ne peut être formulée, dont elle n’est pas toujours elle-même consciente mais dont son inconscient, lui, est très bien informé ! Son seul canal de défense est alors l’aphonie « .
La voix est un excellent indicateur de notre santé physique et mentale.
Ici encore, la logopédie permet de prendre en charge le problème, même s’il est parfois nécessaire d’aller investiguer du côté psychologique. » Il y a toujours des bénéfices secondaires à une aphonie. Un enseignant qui est incapable de parler peut à la fois être très embêté de ne plus pouvoir enseigner et, en même temps, ne plus pouvoir faire face à des problèmes liés à son travail. Par certains côtés, cette situation a donc ses avantages. C’est difficile à admettre, mais y réfléchir est un pas essentiel pour résoudre le problème. » La voix a ses raisons que la raison ne peut ignorer...
La voix et les problèmes de thyroïde
Avec le temps, la probabilité de souffrir de problèmes thyroïdiens augmente. Ceux-ci conduisent parfois à subir l’ablation partielle ou totale de la thyroïde. En s’approchant du système qui innerve le larynx, ce type d’intervention peut avoir des répercussions sur la fonction vocale. » Une intervention peut perturber la conduction nerveuse et donc entraîner une dysphonie. Mais cela reste rare. Le risque peut en revanche augmenter lors d’une seconde opération. Par précaution, au CHU de Liège, nous « cartographions » la voix avant et après ce type de chirurgie « , explique le Pr Dominique Morsomme.
LSVT : une méthode utilisée dans la maladie de Parkinson
Certaines maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson causent des troubles de la parole. Venue des États-Unis, la méthode Lee Silverman Voice Treatment (LSVT) est utilisée dans la prise en charge de ces patients. » Cette méthode peut être résumée par un principe : « think loud », parler plus fort. Cela permet de mobiliser plus d’air, d’ouvrir la cage thoracique, et de créer une meilleure résistance au niveau du plan sous-glottique, avec un effet direct sur l’articulation et l’intelligibilité « , précise le Pr Dominique Morsomme. Outre ses effets bénéfiques sur la voix, la méthode permet aussi d’améliorer les problèmes de déglutition, une fonction qui mobilise les mêmes groupes musculaires.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici