Les marches du paradis
Perdues dans l’immensité du Pacifique sud, les îles de la Société jouent les radeaux – de luxe – à la dérive. Pénétrer l’âme des Polynésiens, venus de loin coloniser ces terres, ne se fait pas sans sonder leur lien profond avec l’océan.
Parce qu’elle est née des volcans et plus récemment que la plupart des autres îles de Polynésie, Tahiti est cerclée de hautes falaises et de plages de sable noir sur lesquelles déferlent des vagues souvent puissantes, parfois dantesques, comme celles de Teahupoo, qui dépassent les 10 mètres et attirent l’élite des surfeurs! Aux temps des premiers contacts avec les Européens, la population habitait les vallées verdoyantes qui grimpent à l’assaut des massifs volcaniques. Toutes se terminent en apothéose dans le cirque central, entouré des plus hauts sommets, pointus comme des lames, culminant parfois à plus de 2.200 mètres! Omniprésente sur l’île, l’eau dévale, surtout l’été, de toutes les hauteurs, cascadant vers le fond des vallons, de vasque en vasque. Autant de piscines naturelles où les Tahitiens viennent pique- niquer et se rafraîchir en famille en fin de semaine.
Au centre du monde
Si Tahiti concentre à elle seule cette idée qu’on se fait du paradis sur terre, ce sentiment ne fait que s’amplifier à mesure qu’on parcourt l’archipel de la Société. A commencer par Raiatea. Hérissée au milieu de son immense lagon, à plus de 200 kilomètres de Tahiti, elle serait l’île berceau de la Polynésie. C’est d’ici qu’il y a plusieurs siècles, des familles ont embarqué sur d’immenses pirogues à balanciers et essaimé vers Hawaii, la Nouvelle-Zélande et l’île de Pâques. Raiatea reste d’ailleurs un hub de plaisance, grâce à son vaste lagon et à un nombre incalculable de mouillages et de baies tranquilles, le tout dans un environnement de rêve. Navigation sur mer mais aussi dans les terres, en pirogue sur l’unique rivière navigable de Polynésie, la Fa’aroa, qui serpente au milieu d’une dense forêt tropicale.
« Si lors des premiers contacts, les Européens nous ont collé une image d’oisifs, c’est parce que la nature des îles nous donne tout et ne nous obligeait pas à travailler beaucoup, explique Manoa, guide éperdument amoureuse de son archipel. La danse et les courses nautiques étaient une façon de passer le temps et de nous surpasser. Aujourd’hui encore, il n’est pas exagéré de dire que le Polynésien naît avec une rame dans la main. Le jeune qui n’a pas les moyens de s’acheter un bateau se déplace en pirogue. » Avides de retrouver les rites de leurs ancêtres, les Polynésiens sont également de plus en plus nombreux à revenir sur les marae renouer avec les dieux ancestraux. Celui de Taputapuatea, sur Raiatea, est sans doute le plus ancien site cérémoniel et surtout le plus important du Pacifique Sud.
Perles et vanille
Tahaa, proche voisine, est plus discrète. On n’y arrive que par la mer, en traversant le lagon qu’elle partage avec Raiatea. Couverte de forêt, ciselée de baies découpées, elle est embaumée des effluves de fleurs. Et de vanille. Car l’île produit des gousses charnues de grande qualité. Mais Tahaa recèle aussi un autre trésor: la perle noire. Autrefois, les Polynésiens plongeaient dans les lagons pour récolter une variété d’huître qui secrète une nacre exceptionnelle. Aujourd’hui, elle est « cultivée », non seulement dans les îles de la Société mais aussi dans l’archipel des Gambier et dans les Tuamotu. Une perle noire recouverte de 2.000 à 2.500 couches de nacre et qui, en réalité, présente une large variété de tons, allant du vert à l’anthracite soutenu, et qu’on peut acheter directement dans les fermes ou montées en parures, bagues ou boucles d’oreille chez les joailliers de l’archipel.
L’île des dieux
De la pointe nord de Tahaa, on distingue les sommets biscornus de Bora Bora. L’île représente la quintessence du rêve polynésien. Il y a d’abord son relief, presque surréaliste: des pics et rochers biscornus surgis des flots et couverts d’une végétation émeraude. Le tout cerclé d’un immense lagon offrant toutes les nuances de bleus, virant même au turquoise et au fluorescent! Et enfin, aux extrémités du lagon, un chapelet de motus à fleur d’eau couverts de cocotiers coiffés à la rasta. Son surnom polynésien, « Mai te Pora », « créée par les dieux », lui convient donc à merveille... La plupart des hôtels se sont amarrés aux motus dispersés dans le lagon, offrant des vues divines sur le volcan éteint. C’est ici que furent imaginés et construits les premiers resorts sur pilotis qui ont inspirés tant d’autres adresses dans le monde.
Les meilleurs voyages sont aussi souvent ceux marqués de belles rencontres et Tau en fait assurément partie. Né à Tahaa, il n’avait pas tous les atouts dans son jeu puisqu’il a quitté l’école à 13 ans et il y a deux ans encore, il ne parlait même pas le français! Aujourd’hui, c’est en chantant, accompagné de son ukulélé, qu’il clame exercer le plus beau métier du monde. A bord de son embarcation à balancier, Tau emmène en effet chaque jour quelques privilégiés sillonner le lagon de Bora Bora et plonger dans les jardins de corail, nager avec les raies et les requins. A midi, il accoste le long du motu autrefois propriété du célèbre l’explorateur français Paul-Emile Victor et aujourd’hui de son fils Teva, sculpteur reconnu. Fidèle au souhait de son explorateur de père, Teva laisse l’île vierge de toute construction en dur. Comme la plupart des Polynésiens, il s’estime gardien de l’héritage naturel laissé par ses ancêtres et responsable de sa transmission aux générations futures.
Les guerriers de la rame
La pirogue double et le va’a, embarcation à balancier plus petite, restent à la base de la culture polynésienne. On compte plus de 5.000 de ces fanas du va’a rien qu’en Polynésie française. Tout au long de l’année, des compétitions opposent les meilleurs. Dont la plus célèbre, la « Hawaiki Nui Va’a », se dispute chaque début novembre, sur un parcours de 129 kilomètres, d’île en île. C’est la course à la rame la plus éprouvante et la plus prestigieuse de la planète!
Pratique
Y aller: Air Tahiti Nui (www.airtahitinui.com), assure jusqu’à 7 vols hebdomadaires via Los Angeles depuis Paris. Nombre d’îles disposent d’un petit aérodrome équipé pour les vols des petits porteurs d’Air Tahiti (www.airtahiti.com).
Où aller: vouloir voir toute la Polynésie en un voyage, c’est un peu comme visiter l’Europe entière en 15 jours. Se limiter aux îles de la Société est idéal pour un premier voyage.
Se loger: ? Le Taha’a, membre des Relais et Châteaux, posé sur un motu est un paradis au paradis. www.letahaa.com.
? Le Sofitel Bora Bora Private Island, offre une vue imprenable sur l’île de Bora Bora. www.sofitel.com.
Infos: https://tahititourisme.be
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