Traitements contre le cancer: ce que les médecins ne disent pas
«Si seulement nous avions su…» C’est ce que soupirent de nombreux patients atteints d’un cancer. Car si chacun vit la situation à sa manière, presque personne ne sait concrètement à quoi s’attendre.
Si l’on entend beaucoup parler du cancer, on en sait finalement très peu de choses. «On ne le découvre que lorsqu’on est soi-même diagnostiqué, car cette maladie ne peut être comparée à rien d’autre. C’est comme si l’on vous mettait soudain un sac sur le dos et que l’on vous abandonnait au bord de la jungle en vous disant: voilà, cherchez le chemin qui vous mènera sain et sauf de l’autre côté! En savoir plus sur l’épreuve qui vous attend, sur les émotions et les peurs qui l’accompagnent, est tout à la fois rassurant et apaisant», expliquent Sylvia Brouwers et Tine Maenhout. La première a souffert d’un lymphome, la seconde d’un cancer du sein. «En témoignant ici, nous espérons offrir aux autres patients de quoi traverser cette épreuve avec la force nécessaire.»
Votre corps ne vous appartient plus
La première étape consiste généralement en la pose – sous anesthésie locale – d’un cathéter à chambre sous-cutanée (ou implantable). Il s’agit d’une petite boîte métallique ronde, une sorte de réservoir, à laquelle est attaché un tube qui, sous la peau, délivre des médicaments. Cette «ligne de vie» reste en place pendant une longue période, souvent des années, car elle sert aussi aux contrôles de suivi. «À partir du moment où le dispositif est en place, vous réalisez que votre corps ne vous appartient plus vraiment et que vous n’avez d’autre alternative que de lâcher prise et de l’accepter. La première chimiothérapie a lieu peu après et, comme pour l’entretien de diagnostic, il est préférable de se faire accompagner.»
Chimio: beaucoup de premières fois
Pour le traitement lui-même, certains hôpitaux offrent le choix: soit seul dans une pièce, soit en compagnie d’autres patients, les sièges disposés en cercle. «La seconde option est particulièrement réconfortante car vous avez le sentiment de faire route ensemble pendant que les produits s’écoulent. Des médecins et des bénévoles sont présents pour entourer les patients. C’est aussi un moment propice au partage de son expérience mais rien n’est imposé et personne ne jugera celui qui préfère se réfugier dans la lecture.»
Le corps garde en mémoire la chimio, rendant difficiles certains actes qui y sont associés.
La chimiothérapie consiste en l’injection d’un poison «insidieux» dont le travail de démolition se fait très lentement, partout où le sang passe dans le corps. Ce poison doit aussi être évacué. La chimiothérapie rouge-orange, que beaucoup de patients reçoivent, colore les urines en rouge. Il est conseillé aux personnes qui vivent sous le même toit d’utiliser temporairement d’autres toilettes et elles sont même briefées sur ce qu’il faut faire au cas où le patient vomirait le «poison». La chimio fait perdre toute pilosité et beaucoup d’aliments ont un très désagréable arrière-goût métallique. «Même si vous n’avez rien mangé, il reste en bouche! C’est alors une quête épique pour trouver quelque chose de savoureux à se mettre sous la dent. L’alimentation est évidemment un point crucial mais il y a aussi un effet secondaire méconnu: les patients sont parfois incités à manger beaucoup de sucre et de gras, ce qui leur laisse de mauvaises habitudes et des problèmes de poids après le traitement.»
Étonnamment, le corps garde en mémoire ces expériences. Ainsi, des mois après le traitement, de nombreux patients ne supportent plus certains aliments parce qu’ils sont associés à la chimiothérapie, comme les glaçons que l’on met en bouche pour protéger les muqueuses. Entre les traitements, l’organisme se rétablit et, le jour de la chimiothérapie suivante, on se sent au mieux de sa forme. «Le rétablissement prend un peu plus de temps à chaque fois, car la succession de traitements affaiblit l’organisme. Toutes sortes de symptômes ou d’effets secondaires peuvent apparaître, allant de simples maux de tête à des crises de panique. Dans ce cas, n’hésitez pas à appeler votre oncologue qui fera tout son possible pour vous éviter toute souffrance inutile. Contrairement aux idées reçues, le cancer n’est vraiment pas une question de lutte et de réussite ou d’échec.»
Bouger... et faire des rêves hallucinatoires
S’il faut bien sûr prendre du repos, la règle d’or est de continuer de bouger. «Même se lever de son canapé pour faire quelques pas dehors et respirer un peu d’oxygène. La chimiothérapie détruit toutes les cellules, mais le fait de bouger permet aux cellules saines de se rétablir plus rapidement. Bouger permet également de lutter contre les idées noires, car la chimiothérapie affecte aussi le cerveau et l’humeur.» Elle peut effectivement perturber le sommeil et fait vivre des épisodes étranges. «On pourrait comparer le sommeil d’une personne en traitement à une psychothérapie très intensive. Certains plongent dans un monde imaginaire dont ils ignoraient l’existence. D’autres ont des rêves très concrets qui les confrontent à des événements passés. C’est très intéressant, mais aussi très perturbant et conflictuel. Vous oscillez souvent entre le sommeil et l’éveil, et êtes parfois victime d’hallucinations. Certains patients souffrent d’insomnie parce qu’ils sont trop épuisés que pour arriver à s’endormir. Il ne faut pas oublier que la chimiothérapie affaiblit et que vous perdez votre force musculaire. Une réadaptation physique et émotionnelle sera nécessaire après le traitement.»
La chimio peut provoquer des rêves concrets, une sorte de psychothérapie intensive.
Dire adieu à une partie ou une fonction du corps
Lorsque le cancer nécessite une intervention chirurgicale, il peut y avoir amputation ou perte d’une fonction corporelle, une situation qui marque profondément le patient. «L’amputation peut être relativement anodine, comme lorsque l’on coupe un morceau d’intestin, mais aussi beaucoup plus invalidante ou bouleversante, par exemple l’ablation d’une prostate ou d’un sein. Ce genre d’opération s’apparente à un adieu. La façon d’y faire face est très personnelle mais peu de gens restent indifférents. Avant l’opération, il faut essayer de dédramatiser autant que possible. Pour une femme, par exemple, il peut être très réconfortant de faire l’amour une dernière fois avec ce sein qui doit lui être enlevé. Après l’intervention, vous décidez du moment où vous voulez voir votre nouveau corps. Dans tous les cas, ce sera une confrontation qui nécessite de prendre son temps et de laisser libre cours à ses émotions.»
Les difficultés de la radiothérapie
La radiothérapie est l’un des traitements les plus sous-estimés contre le cancer. On utilise les rayons pour brûler le plus de petites cellules cancéreuses possible, tout en épargnant les cellules saines. Avant de démarrer le traitement, le radiothérapeute marque sur la peau – sous forme d’un tatouage – les endroits où diriger les rayons. C’est un calcul au millimètre. «Avant de subir des rayons, on se dit que ça va être du gâteau par rapport à une chimiothérapie ou une chirurgie. La technique ne semble en effet pas invasive mais c’est une lourde erreur», souligne Tine Maenhout. «On vous introduit dans une sorte de bunker, vous vous changez et vous vous allongez sous une grosse machine. Cette machine bourdonne et tourne autour de vous pendant 15 minutes. La séance terminée, on vous détache, vous vous rhabillez et vous rentrez chez vous… pour recommencer le même processus le lendemain, souvent pendant des semaines.
La première difficulté vient de ce que vous êtes allongé seul, à moitié nu et vulnérable. Vous ne voyez personne, vous entendez seulement des voix provenant d’une salle de contrôle qui vous demandent de rester immobile. Le traitement est infiniment plus «solitaire» que la chimiothérapie. Les patientes atteintes d’un cancer du sein regardent un écran où est indiqué quand elles doivent retenir leur respiration pour éviter de se brûler les poumons ou le cœur. La «gueule de bois» émotionnelle est une autre difficulté à ne pas sous-estimer. Comme au lendemain d’une soirée trop arrosée, on ne se rend compte qu’après coup de ce que l’on a subi. On ne s’attend pas à ce qu’une radiothérapie provoque un tel choc. Mais il faut savoir que les rayons pompent beaucoup d’énergie. La joie de vivre disparaît, une profonde fatigue s’installe, des traces de brûlures apparaissent. Ici encore, vous devez prendre le temps de récupérer. Rechargez vos accus avec tout ce qui vous donne de l’énergie ou vous rend heureux: un bon repas, une exposition, un concert, de l’exercice...»
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