Anouk Buelens - Terryn

De l’importance de réduire sa consommation de somnifères

Anouk Buelens - Terryn Dr. Anouk Buelens - Terryn est médecin généraliste en formation et écrit sur la pratique quotidienne

Dr. Anouk Buelens – Terryn est médecin généraliste en formation et écrit sur la pratique quotidienne. De la nécessité d’une consultation.

L’air découragé, ma patiente se tient en face de moi, penchée vers l’avant. Elle me confie ne plus savoir que faire, d’une voix si rauque que je l’entends à peine. C’est pour ce même problème de voix éraillée qu’elle était venue me voir la première fois, il y a quelque temps. Depuis, un ORL l’a envoyée chez un spécialiste du système digestif, sans résultat. Elle lève les yeux vers moi. Dans son regard, je lis l’épuisement. Sans doute à cause des nombreuses consultations et examens des semaines passées. Comme elle a une fibromyalgie, elle se fatigue vite. Le carnet intime qu’elle sort de son sac confirme sa douloureuse histoire. Je suis frappée par la récurrence des mots écrits à l’encre rouge – qui témoigne de ses douleurs et des facteurs déclenchants. Son état de santé la force à annuler pas mal de rendez-vous mais elle prend sur elle pour continuer à voir ses amis, pour ne pas être trop isolée. Mais ensuite, cela lui coûte plusieurs jours de récupération. Ce n’est pas une vie, lâche-t-elle.

Elle est courageuse et persévérante, c’est certain. Dans ces conditions, puis-je lui demander de fournir encore un petit effort? Il faut qu’elle me fasse confiance, car ce à quoi je pense est loin d’être évident. Ses yeux trahissent le doute mais elle fait oui de la tête. Comme si on se rendait compte, l’une et l’autre, que c’est la tentative de la dernière chance.

Je lui propose de réduire progressivement ses somnifères. En échange, on se lancera dans un programme de coaching sportif afin de lui garantir de meilleures nuits de sommeil, mais aussi pour qu’elle apprenne à programmer des activités et à s’y tenir sans se forcer. Soumettre son corps à des efforts modérés mais continus sera bien plus bénéfique que les hauts et les bas qu’elle vit en ce moment… Je lui demande aussi de noter tous les moments positifs de sa journée dans son journal intime.

Pourquoi lui a-t-on prescrit ces somnifères pendant si longtemps?

Elle semble douter que cela puisse l’aider. N’est-elle pas venue, à la base, pour son problème de voix rauque? Mais une lueur de détermination fait pétiller ses yeux. Je la préviens que les semaines à venir risquent de ne pas être faciles.

Un à deux mois plus tard, lorsque je la revois dans la salle d’attente, j’ai presque du mal à la reconnaître. Je remarque tout de suite sa tenue colorée et ses lunettes éclatantes. Elle est pleine de joie de vivre et parle d’une voix forte et joyeuse. On dirait que cela a marché! Même son journal a pris une joyeuse coloration orange. Le fait d’y inscrire les moments positifs l’aide à se souvenir pourquoi elle consent tant d’efforts au quotidien. «Franchement, comme cela, je suis prête à vivre pendant encore au moins dix ans. Merci, docteur», souffle-t-elle en me serrant contre elle.

Sa joie spontanée se transforme soudain en déclaration on ne peut plus sérieuse. Pourquoi lui a-t-on prescrit ces somnifères pendant si longtemps? Elle souffrait de plus en plus de leurs effets secondaires et ça la terrifiait. Je devrais vraiment écrire une chronique pour convaincre d’autres patients de renoncer, eux aussi, à leurs somnifères!

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