Comment l’auto électrique s’en prend à votre portefeuille
La voiture électrique possède des avantages, mais aussi des inconvénients et des coûts cachés. Et si on essayait d’y voir plus clair?
Le paysage automobile belge est appelé à connaître une grande mutation dans les années qui viennent. Coût, autonomie, entretien, recharge, assurance, voiture de société, voyons comment notre mobilité électrique se dessine.
Combien coûte une voiture électrique?
L’équivalent électrique d’une Golf, soit une VW ID3, coûte 38.000€. Même la petite Renault Zoé est à plus 30.000€, contre 14.500€ pour une Clio d’entrée de gamme. Et que dire des autres voitures? La plus basique des Tesla est à environ 44.000€. Dans le meilleur des cas, une voiture électrique coûtera facilement 6.000 à 7.000€ plus cher que sa version à essence, mais généralement il faudra compter environ 10.000€ de plus à l’achat. En cause? Le prix de la batterie.
Un rapport de la Fédération européenne pour le transport et l’environnement avance cependant que les voitures électriques coûteront quasiment le même prix que les autres voitures en 2026, dès que l’amortissement des nouvelles « productions dédiées aux véhicules électriques les rendront moins chères à l’achat. »
À combien s’élèvent les frais d’entretien?
Ça, clairement, c’est le gros avantage de la voiture électrique. Son entretien coûte moins cher (jusqu’à 35%), car il y a moins de pièces moteur, plus de vidange, pas de courroies, ainsi que des plaquettes et des disques qui s’usent moins vite grâce à la technologie de récupération d’énergie au freinage. Ce coût d’entretien contrebalance en partie le prix d’achat. Cependant, selon une étude d’AutoRust (Pays-Bas), une réparation moyenne sur une voiture électrique coûterait deux fois plus cher à cause du manque de concurrence.
Combien coûte l’assurance?
Le hic, c’est que la prime d’assurance omnium est aussi basée sur la valeur catalogue de la voiture. Et donc malgré quelques réductions « écologiques » offertes par les assureurs (parfois jusqu’à 30%), la voiture électrique est aussi plus chère à assurer.
La taxation est-elle allégée pour un véhicule électrique?
Vous rêvez de rouler avec la fée électricité tout en épargnant votre portefeuille? Sachez qu’il n’y a plus de prime fédérale ou régionale pour l’achat d’un véhicule électrique par un particulier. Néanmoins, en Flandre, les propriétaires d’une voiture électrique ne paient pas de taxe de mise en circulation ni de taxe de circulation. En Wallonie et à Bruxelles, la taxe de mise en circulation est réduite et s’élève à 61,50€ et 82,10€ pour la taxe de circulation.
Combien ça coûte de rouler à l’électricité?
En moyenne, cela revient à 800€ par an au départ d’une borne de recharge domestique. Pour un véhicule essence, vous paierez facilement plus de 1.300€. À l’heure où nous écrivons ces lignes, une recharge à une borne publique coûte environ 0,45€/KwH et entre 0,80 et 0,90€/KwH pour les bornes de recharge rapide le long des autoroutes. Là, le « plein électrique » coûte plus cher que le plein en carburant.
L’installation d’une borne à domicile s’élève à +/- 3.000€ HTVA.
Faire le plein électrique coûtera-t-il toujours moins cher?
Malgré l’augmentation du prix de l’électricité, la recharge à domicile coûte moins cher qu’un plein à la pompe à essence (voir notre question « Quid de l’indemnisation par un employeur? »). Mais attention, cette donnée est temporaire. Pensez-vous vraiment que l’État va se passer du pactole que représentent les accises sur l’essence et le diesel? Ces dernières garnissent les caisses de l’État de 6 à 7 milliards d’euros par an. La TVA sur les carburants y contribue à hauteur de près de 3 milliards d’euros. À l’avenir, comme en Australie, il serait possible qu’on instaure une taxe sur les voitures électriques et les modèles hybrides rechargeables. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) suggère d’ailleurs de se préparer à l’électrification du parc automobile en généralisant les péages urbains!
Permis, les câbles sur le trottoir?
Avec l’avènement de l’automobile électrique, les quelques câbles qui traversent les trottoirs risquent de se multiplier et de compliquer le parcours d’usagers faibles (personnes plus âgées, à mobilité réduite, poussettes, etc.) et même de faire trébucher tous les autres. Mais que dit la Loi à ce propos? Le Législateur n’a pas encore anticipé l’électrification du parc automobile pour dire vrai. L’article 7.3 du Code précise qu’il « est défendu de gêner la circulation ou de la rendre dangereuse, soit en jetant, déposant, abandonnant ou laissant tomber sur la voie publique des objets ». Les prochains états généraux de la Sécurité routière devraient aborder la problématique, mais il y a comme un vide juridique pour le moment. Seules quelques autorités communales ont pris les devants comme à Bruges où le chargement de voitures sur la voie publique n’est autorisé que si un « tapis » surélevé permet le passage. En outre, le câble ne doit pas dépasser 10 mètres.
Comment charger quand on vit en appartement?
Notons qu’en appartement, il est légalement permis d’installer une station de recharge murale dans un garage d’immeuble, mais sous certaines conditions. Il ne faut pas d’autorisation si le compteur individuel est placé dans un endroit fermé et qu’il n’y a pas de câbles partagés. Dans les autres cas, il faudra demander une autorisation à l’association des copropriétaires et suivre une procédure d’information. Seules des raisons techniques ou l’avis des pompiers pourraient apporter un refus. Parfois, les garages sont déjà équipés d’installation collective.
Quand y aura-t-il assez de bornes publiques?
Les opérateurs du réseau électrique disent que l’infrastructure sera au point. Mais quand? À Bruxelles, les autorités annoncent vouloir installer 11.000 bornes de recharge en voirie avant... 2035! Entretemps, on risque encore de trébucher sur des câbles. Il n’existe pour le moment que quelques centaines de bornes de ce type dans la capitale. La Flandre, elle, espère se doter, d’ici 2030, de l’équivalent de 100.000 points de recharge électrique. La Wallonie recense environ 1.000 points de chargement et souhaite en ajouter 6.900 d’ici 2025. Au niveau européen, l’ambition est d’équiper le territoire d’une borne de recharge publique pour 10 voitures électriques.
Le réseau va-t-il tenir?
Les opérateurs contactés se veulent rassurants: l’arrivée d’un million de véhicules électriques ne représenterait qu’une hausse de production d’électricité de 4%. Mais pour le Pr Damien Ernst, spécialiste de l’électricité à l’ULiège, si les 5,88 millions de voitures belges passaient à l’électrique, il faudrait ajouter 20 teraWatt/h aux 80 tWh de consommation moyenne belge annuelle, soit près de deux réacteurs nucléaires supplémentaires. Aujourd’hui, justement, on compte fermer des réacteurs nucléaires pour les remplacer par des centrales au gaz.
Des opérateurs comme Engie restent cependant optimistes grâce à l’action des particuliers: les nouvelles batteries domestiques installées dans les maisons et les batteries des voitures pourraient se transformer en fournisseur d’électricité aux heures de fortes demandes. De plus, les voitures ont une charge flexible. Comme elles roulent surtout le matin et le soir, on peut les recharger en journée lorsque les énergies renouvelables sont disponibles et donc utiliser de la puissance qui, sinon, pourrait être perdue puisque l’énergie électrique ne peut être stockée à grande échelle. Le risque de manquer d’électricité n’est cependant pas à exclure. Il n’est pas improbable que la Belgique doive importer de l’électricité, notamment de France qui réinvestit dans le nucléaire.
Acheter une électrique d’occasion, un bon plan?
Dans le coût total d’une voiture d’occasion, c’est la consommation qui sera plus importante que le prix d’achat, explique Leo Muyshondt, expert en mobilité chez Test Achats. « Nous avons calculé qu’une Renault ZOÉ électrique achetée d’occasion est jusqu’à 2.200€ moins chère qu’une VW Polo après cinq ans d’utilisation et une distance moyenne de 12.000 km par an. Si vous la conduisez pendant sept ans de plus, la différence est encore plus grande et vous économisez près de 5.000€ », explique-t-il.
« Bon nombre de véhicules de leasing aboutissent sur le marché de deuxième main après 4 ou 5 ans, en quête d’un nouvel utilisateur, affirme Touring. L’offre électrique se développe donc aussi dans l’occasion. Sur un site de vente célèbre, il y a plus de 2.000 unités en Belgique. Et pour un peu moins de 10.000€, vous y trouverez une petite Renault ZOÉ ou une Nissan Leaf d’environ 5 ans. Il est possible de débourser moins, mais il s’agit alors de modèles âgés de 8 à 10 ans ».
Attention cependant, si les voitures électriques neuves offrent souvent un rayon d’action théorique de 300 km et plus, il y a quelques années, cette autonomie moyenne était encore limitée à 125 km ou 250 km dans le meilleur des cas. Les voitures électriques récentes embarquent généralement une batterie de 60 kWh, mais avant ce chiffre était souvent divisé par deux. En vieillissant, une batterie perd aussi progressivement de sa capacité maximale. Les utilisateurs de GSM le savent bien. « L’expérience concrète montre cependant que la batterie se dégrade beaucoup moins vite sur une voiture que dans un téléphone, selon Touring. Après 5 ans, sur la majorité des voitures électriques, la capacité dépasse encore 90%, et il est rare qu’elle tombe sous 80%. »
Que vaudra votre voiture essence/diesel demain?
Si le marché de l’occasion électrique risque de bien de se porter, que vaudra encore votre voiture à moteur thermique demain? Personne parmi les spécialistes que nous avons interrogés n’arrive à répondre clairement à la question. Reste que des indices nous laissent penser que votre ancien véhicule thermique va perdre davantage de sa valeur avec l’électrification du parc. Certes, à l’heure actuelle, le marché de l’occasion se porte très bien à cause des pénuries de semi-conducteurs électroniques et des délais astronomiques pour les livraisons de voitures neuves. Mais à moyen terme, cette situation risque de s’inverser. Il y a fort à parier que votre ancien véhicule thermique partira vers un port africain à moindre coût...
Sera-t-il encore permis de rouler avec un moteur thermique?
La Flandre prévoit l’interdiction de vente de véhicules personnels à moteur thermique (essence/diesel) dès 2027. Cette mesure devrait également concerner les occasions dès 2030. Les autorités bruxelloises ont également décidé de bannir tous les moteurs thermiques d’ici 2035 et les diesels dès 2030. L’Union européenne va progressivement baisser le seuil d’émission de CO2 autorisé par véhicule vendu, pour finalement interdire complètement la vente de véhicules neufs à moteur thermique. À tel point que même des firmes comme Ferrari préparent leur mutation vers une gamme essentiellement électrique.
Voiture de société, quelle sera la donne?
« Le premier défi sera de fournir des bornes au domicile des employés, estime Sam Cortvriend, spécialiste (Fleet Solutions EDI). Actuellement, il y a en Belgique quelque 8.500 bornes publiques et 500 bornes à charge rapide le long des autoroutes. C’est finalement anecdotique, car c’est surtout au domicile ou au boulot que ça va recharger. »
Certes, un véhicule électrique peut être chargé sur une prise normale. Mais c’est horriblement lent (plusieurs heures) et cela ne permet pas l’enregistrement de la consommation d’électricité afin d’être remboursé. Il faut donc installer un câble ou une boîte murale « intelligents » pour l’enregistrement de la consommation. Selon les informations recueillies auprès d’un gestionnaire de flotte d’une grosse PME, c’est l’entreprise qui va décider « si une infrastructure de charge à domicile est défendable sur le plan économique. Des facteurs tels que la distance entre le domicile et le lieu de travail, la fréquence à laquelle vous vous rendez au bureau et la distance par rapport à une borne de charge publique sont pris en compte. L’installation éventuelle d’une infrastructure de charge à domicile est toujours décidée en concertation avec le salarié. » L’entreprise peut supporter les frais d’audit, d’achat, d’installation, d’inspection, d’entretien et de réparation (contrat de service) de l’infrastructure. Et si le salarié est locataire, il faudra l’accord écrit du propriétaire ou de l’assemblée des copropriétaires.
Combien coûte l’installation d’une borne?
Selon un gestionnaire de flotte, le coût moyen d’une installation à domicile s’élève à ± 3.000€ HTVA. Mais dans ce cas précis, le salarié de cette entreprise compensera « partiellement le coût total par le biais du budget de location mensuel dont une partie est prévue à titre de compensation pour l’investissement, l’installation et l’entretien de l’infrastructure de charge à domicile. Sur la base de l’état actuel de la technologie, cette compensation mensuelle s’élève à 40€ durant 48 mois. » En pratique donc, cela signifie aussi que l’installation deviendra la propriété de l’employé après 48 mois. La durée de vie réelle d’une telle installation est largement supérieure à ces 48 mois.
Quid de l’indemnisation du travailleur qui a une borne chez lui?
C’est désormais l’avènement des cartes carburant « électriques » pour les véhicules de société. L’indemnisation se fait automatiquement en fonction de la transmission des données intégrées dans la boîte de chargement. Par exemple, l’indemnité était de 0,30€/KwH TVAC à l’automne dernier. Mais chaque trimestre, ce prix est adapté au nouveau prix moyen du marché.
Pourquoi le parc automobile des voitures de société va rapidement passer à l’électricité?
En 2026, l’avantage fiscal pour les voitures de société à carburant fossile aura totalement disparu. Seules les voitures électriques resteront déductibles à 100%. La réduction progressive de l’avantage fiscal pour les nouvelles immatriculations de voitures de société à carburant fossile débutera dès 2023. Pour les voitures hybrides, c’est aussi à partir du 1/1/23 que la déduction des carburants sera limitée à 50%.
Quel avenir pour la voiture hybride?
C’est une technologie de transition avant de passer au tout électrique, quand les esprits seront mûrs et surtout quand le réseau sera adapté. L’avantage de la voiture hybride est pourtant de recourir à la fois à un carburant et à l’électricité pour se mouvoir au moyen de deux moteurs. Il existe deux types d’hybrides. Certaines ne se rechargent pas au moyen d’une prise, mais lorsque le conducteur utilise ses freins ou son frein moteur. Pour les hybrides plug-in, les batteries se rechargent sur une prise électrique. Ces véhicules disposent d’une autonomie électrique d’environ 50 km. Les longues distances se font grâce au moteur thermique alimenté en carburant.
La voiture électrique est-elle vraiment plus écologique?
C’est un peu le paradoxe, mais sans le Dieselgate (scandale du logiciel truqué par des marques comme Volkswagen pour sous-évaluer les émissions et la pollution réelle des moteurs diesel), les voitures électriques n’auraient pas connu un essor aussi retentissant. Et pourtant, les motorisations diesel sont arrivées à leur apogée technologique en émettant moins de CO2 que l’essence. Mais les constructeurs doivent aujourd’hui jeter leur bébé. Volkmar Denner, le patron du célèbre équipementier Bosh, qui vient pourtant d’investir 5 milliards d’euros dans les technologies dédiées aux véhicules électriques, a estimé que les moteurs essence et diesel modernes « n’avaient plus d’impact significatif sur la qualité de l’air », mais qu’il fallait se plier aux « mesures prises par l’Union européenne (...) Un rééquilibrage vers l’hydrogène ou les biocarburants aurait été préférable pour tendre vers le zéro émission plutôt que l’électro-mobilité. »
D’une part, il faut bien produire de l’électricité avec des énergies renouvelables, mais aussi avec du nucléaire et des énergies fossiles (gaz, charbon). D’autre part, une batterie électrique émet moins de CO2 sur sa durée de vie qu’un véhicule thermique (65% de moins selon une étude VUB). Mais si votre objectif est environnemental, sachez que le recyclage des batteries demeure un problème peu résolu. Les batteries des véhicules électriques sont fabriquées à partir de métaux comme le lithium, le cobalt, le cuivre, le nickel, le fer ou encore l’aluminium. Or, l’extraction de certains de ces métaux pose de nombreux problèmes sur le plan environnemental et social. Le cobalt, autre exemple, vient en grande partie du Congo où des enfants « creuseurs » sont exploités pour une poignée de dollars.
Batteries: l’hiver, ça pompe plus!
La batterie d’une voiture électrique neuve tient en moyenne 8 ans. Celles des modèles datant d’avant 2015 ont une durée de vie plus courte. Par ailleurs, l’autonomie de la voiture électrique sera toujours théorique. Par temps très froid, elle voit son rayon d’action diminuer. Une température hivernale de -6°C peut réduire l’autonomie de plus de 40% si le chauffage est sollicité. En été, une température au-dessus de 35°C entraîne une perte d’autonomie de 17% à cause de la climatisation. Un automobiliste averti...
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