Donation réciproque entre époux : pratique et bon marché
La donation entre époux est une technique de planification successorale qui connaît un regain d’intérêt. A raison. Elle assure au conjoint survivant des moyens suffisants pour assurer son avenir. Et elle bénéficie d’une certaine faveur fiscale.
Les couples sans enfant éprouvent souvent le besoin de laisser la totalité ou du moins une grande partie de leurs biens au conjoint survivant. Et les couples ayant des enfants souhaitent parfois s’attribuer exclusivement (une partie de) leurs biens.
Si l’on s’en tient aux termes de la loi, le conjoint survivant hérite uniquement de l’usufruit des biens que possédait le défunt. Les enfants héritent la nue-propriété. Si le couple est marié sous le régime de la communauté des biens et n’a pas d’enfant, le conjoint survivant reçoit la totalité des biens communs en pleine propriété.
Mais, même dans ce cas, son droit successoral se limite à l’usufruit des biens propres du conjoint décédé (biens qu’il/elle détenait avant le mariage ou acquis pendant le mariage par donation ou héritage). Lorsqu’un couple n’a pas d’enfant et est marié sous le régime de la séparation des biens, il n’y a pas de communauté conjugale et le conjoint survivant n’hérite, ici encore, que de l’usufruit des biens propres du partenaire. La nue-propriété revient à ses parents les plus proches, par exemple frères et s£urs, ou parents s’ils sont encore en vie.
Pour s’attribuer mutuellement plus que ce que prévoit la loi, il existe plusieurs pistes. Vous pouvez opter pour une bonne assurance vie ou vous avantager l’un l’autre soit par testament, soit par toute clause d’attribution incluse dans le contrat de mariage (comme la classique clause » au dernier vivant tous les biens » ou, plus moderne et plus flexible, la clause d’attribution optionnelle).
Le point faible de ces techniques est que, d’une manière ou d’une autre, elles conduisent au paiement de droits de succession.
Il existe heureusement – pour les biens meubles – une alternative bon marché : la donation réciproque. Elle n’est évidemment pas illimitée quand il y a des enfants puisque ceux-ci bénéficient toujours d’un droit successoral protégé qu’on appelle la réserve. Mais, même s’il y a des enfants, il reste toujours une » quotité » disponible que l’on peut se donner mutuellement.
Donné, c’est donné... pas entre époux !
Une donation est en principe irrévocable. » Donné, c’est donné « . A une exception près : entre époux. Et cette exception compte elle-même une exception : lorsque les époux ont établi un contrat de mariage dans lequel ils se font mutuellement une donation. Dans ce cas, la donation n’est révocable que moyennant l’accord des deux conjoints, ce qui implique qu’ils fassent modifier le contrat de mariage par un notaire.
Ceci dit, les donations (hors contrat de mariage) entre époux sont toujours révocables. Cette règle vaut tant pour les donations directes faites via un acte notarié que pour les dons manuels, les dons bancaires, etc. Seuls les cadeaux de circonstance (anniversaires ou autres fêtes, par exemple) échappent au principe de révocabilité.
Révoquer une donation
La révocation d’une donation présente les caractéristiques suivantes :
Personnelle: Le droit de révoquer la donation faite à son conjoint est un droit strictement personnel. Les créanciers du conjoint donateur, par exemple, ne peuvent pas le contraindre à révoquer sa donation. Pas plus que les héritiers du conjoint donateur ne peuvent l’exiger. Le droit de révoquer une donation s’éteint donc au décès du donateur et ce n’est qu’à ce moment-là que la donation devient définitive.
ATTENTION ! A l’inverse, le conjoint donateur peut encore révoquer la donation après le décès du conjoint bénéficiaire. La révocation se fait alors à l’encontre des héritiers. Tout comme elle peut aussi se faire après un divorce.
Arbitraire: Le donateur peut exercer son droit de révocation de manière tout à fait arbitraire. Autrement dit, la révocation ne doit pas être motivée. Elle peut en outre se faire de manière tant formelle (par lettre recommandée, par exemple) que tacite. Une donation se révoque tacitement lorsque, par exemple, le donateur fait à une autre personne une seconde donation qui a le même objet que la première.
A effet rétroactif: Lorsqu’un conjoint révoque une donation qu’il a faite à son partenaire, la révocation a un effet rétroactif en ce sens que les droits que le conjoint bénéficiaire aurait accordés sur le bien à des tiers sont automatiquement annulés.
Révocable: Le donateur peut annuler sa révocation, ce qui rétablit la donation qui avait été faite.
EXEMPLE Marc et Sophie sont mariés sous le régime de la séparation de biens et n’ont pas d’enfant. Marc a un portefeuille de titres auprès de la banque X (valeur : 500.000 euros) et Sophie en a un aussi auprès de la banque Y (valeur : 200.000 euros). Marc donne, de son vivant, son portefeuille à Sophie et Sophie donne le sien à Marc. Avec quel impact ?
En cas de décès Si Marc vient à décéder avant Sophie, celle-ci se retrouvera propriétaire des deux portefeuilles de titres pour une valeur totale de 700.000 euros. Elle possède en effet les 500.000 euros dont Marc lui a fait donation (définitive), mais elle peut en même temps – malgré la donation faite à Marc – récupérer son propre portefeuille en révoquant la donation faite.
Même scénario si Sophie décède avant Marc. Marc deviendrait propriétaire de la totalité des avoirs mobiliers (500.000 euros + 200.000 euros = 700.000 euros).
En cas de divorce Que se passerait-il si Marc et Sophie divorçaient après s’être fait donation réciproquement. Pas de souci. En effet, les donations entre époux (qui n’ont pas été faites par contrat de mariage) sont toujours révocables (voir plus haut). Si le mariage fait naufrage, il faudra tout simplement révoquer les donations.
Moins de droits de succession
Il est clair que, lorsqu’on applique la technique de la donation réciproque de biens mobiliers, on épargne des droits de succession.
EXEMPLE Si Marc et Sophie ne se font pas de donation réciproque, leurs 500.000 euros (Marc) et 200.000 euros (Sophie) resteront dans leur succession et le conjoint survivant devra payer des droits de succession sur ces avoirs. Combien ? Cela dépend d’une Région à l’autre.
- En Wallonie : Sophie paiera 86.625 euros ; Marc paiera 17.625 euros
- En Région de Bruxelles-Capitale : Sophie paiera 85.750 euros ; Marc paiera 16.750 euros
- En Flandre : Sophie paiera 87.000 euros ; Marc paiera 15.000 euros
Des sommes que Marc et Sophie peuvent facilement épargner en se faisant une donation réciproque.
Peu ou pas de droits de donation
Vous pouvez opter pour une donation mobilière exempte de tout impôt en choisissant le don manuel, le don bancaire ou une donation via un notaire néerlandais. Quel que soit votre choix, il est préférable de vous faire assister par un notaire (belge) pour être sûr que tout est fait dans les règles de l’art.
Et n’oubliez pas que, si le donateur décède dans les trois ans après la donation, vous devrez payez des droits de succession, à moins que vous ne réussissiez à régulariser fiscalement la donation en présentant rapidement à l’enregistrement le document qui prouve qu’il s’agit d’un don exempt d’impôt et en payant les droits de donation. Mais en cas de décès inopiné, les droits de succession s’abattront impitoyablement. Pour ne pas prendre ce risque, vous opterez pour une donation devant notaire et le paiement des droits de donation. Qui n’ont rien d’exorbitant. Il s’agit, en ligne directe et entre époux, d’un tarif unique de 3 % (applicable dans les trois Régions). Ce qui vous libère aussi de toute autre obligation fiscale.
Nouveau : deux actes, un seul impôt
Bonne nouvelle. Le code des droits d’enregistrement considère les donations réciproques entre époux comme des actes interdépendants et leur appliquent un traitement de faveur : les époux procédant ne doivent payer qu’une seule fois les droits de donation, et ce uniquement sur le montant le plus élevé.
Mais, jusqu’il y a peu, le fisc exigeait non seulement que ces actes interdépendants soient passés entre les mêmes personnes, et aussi qu’ils soient repris dans un seul et même acte.
A présent, le fisc semble avoir pris ses distances par rapport à la seconde condition quand il s’agit de donations réciproques entre époux. Ce qui est en soi une bonne nouvelle puisque les donations réciproques entre époux consignées dans un seul et même acte sont tout bonnement interdites par l’article 1097 de notre Code civil !
EXEMPLE Appliquons ces principes à notre exemple.
Marc donne 500.000 euros à Sophie qui, à son tour, donne 200.000 euros à Marc, et ce, par le biais de deux actes distincts. Sur base de la position du fisc sur ces donations, ils ne devront pas payer 3 % de droits de donation sur leurs deux donations, mais sur une seule des deux, à savoir celle qui donne lieu au prélèvement le plus élevé.
Dans notre exemple, seule la donation de 500.000 euros faite par Marc à Sophie sera taxée à 3 % (soit 15.000 euros de droits de donation) tandis que la donation de 200.000 euros de Sophie à Marc ne sera pas taxée.
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