Droit successoral, une nouvelle conception de la famille
Depuis septembre, vous pouvez disposer de la moitié de votre succession comme bon vous semble. Les familles recomposées sont concernées.
La moitié de son héritage
Avant, la quotité libre (part de l’héritage qu’on pouvait transmettre librement) dépendait du nombre d’enfants. Aujourd’hui, chacun peut disposer de la moitié de son patrimoine comme il l’entend. On peut donc léguer 50 % de son patrimoine aux enfants de son nouveau conjoint. Plus rien n’empêche désormais de partager équitablement une succession entre vos enfants et ceux de votre nouveau partenaire.
Imaginons quelqu’un qui a deux enfants d’un premier mariage. Son nouveau compagnon a lui aussi deux enfants d’un précédent mariage. Jadis, cette personne n’aurait pu léguer qu’un sixième de sa succession à ses beaux-enfants. Elle peut désormais leur octroyer à chacun un quart de son patrimoine, tout comme à ses propres enfants.
Vérifier son testament !
Il faut faire attention à » la plus grande part disponible « . La réforme du droit successoral n’est pas sans conséquences. Il est vivement recommandé de vérifier ses dispositions testamentaires, lorsqu’on en a. Pourquoi ? Si un testament prévoit de léguer la plus grande partie du patrimoine restant à l’enfant du nouveau partenaire, cela peut avoir des conséquences fâcheuses dans le cadre des nouvelles règles de succession.
Prenons un exemple éclairant. Jean a deux enfants d’un précédent mariage. Sa nouvelle compagne a, elle aussi, une fille d’une autre union. Jean considère cette enfant comme la sienne. Il veut qu’elle profite, elle aussi, d’une partie de son héritage par testament. Avant, ses deux enfants auraient eu droit à leur part réservataire de l’héritage. En clair ? Ils auraient reçu un tiers de l’héritage chacun. Mais comme Jean a rédigé un testament avant la réforme déclarant léguer » la plus grande part disponible » à la fille de sa compagne, la donne a complètement changé. Sa belle-fille ne va plus recevoir un tiers de son patrimoine. Car la » plus grande partie disponible » ne correspond plus à un tiers du patrimoine, mais à la... moitié ! Cela signifie que les propres enfants de Jean ne se partageraient qu’un quart de l’héritage chacun. L’enfant de sa compagne obtiendrait par contre la moitié de la succession. Une adaptation du testament est fortement recommandéee.
Beaux-parents et beaux-enfants
Avant la réforme, beaux-parents et beaux-enfants dépendaient l’un de l’autre après un décès. Ce qui pouvait provoquer des situations conflictuelles. Exemple ? Un homme décède. Il était père de deux enfants d’un premier mariage. Avant, ses enfants auraient seulement hérité de la nue-propriété (lire aussi » Usufruit et nue-propriété, c’est quoi ça ? « ). La veuve, la femme épousée en secondes noces donc, pouvait rester dans l’habitation, car elle en avait l’usufruit. En clair, les deux enfants n’étaient pleinement propriétaires de la succession de leur père qu’au décès de leur belle-mère.
Qu’est-ce qui a changé ? La veuve et ses beaux-enfants peuvent demander de convertir l’usufruit. Ils ne doivent plus s’adresser au tribunal, mais uniquement exprimer leur volonté. En cas de contestation, le juge ne peut plus refuser la conversion. La belle-mère dispose toutefois d’un droit de veto pour la conversion de l’usufruit du logement familial et des meubles. Les nus-propriétaires (les beaux-enfants) et le conjoint survivant doivent fixer les modalités de la conversion. L’usufruit peut être converti en pleine-propriété. Cette part est déterminée suivant des tables de conversion publiées chaque année au Moniteur belge.
Exemple : imaginons une veuve, deux beaux-enfants et une part d’héritage en titres d’une valeur de 100.000 ?. La veuve garde l’usufruit de la maison. Mais les deux beaux-enfants vont demander la conversion de leur part d’héritage en dehors du logement familial. Ici, cela va donc concerner 50.000 ? de titres chacun. Selon les tables de conversion officielles, l’usufruit de la veuve aura une valeur de 20,26 %. C’est mathématique : la nue-propriété aura donc une valeur de 79,74 %. La veuve et ses beaux-enfants conviendront donc de partager le portefeuille de la sorte : elle recevra l’équivalent de 20.260 ? (20,26 % de 100.000 ?) et les deux enfants chacun 39.870 ? (79,74 % de 50.000 ? chacun).
Union précédente, comment protéger ses enfants ?
Les couples qui ont des enfants d’une union précédente peuvent insérer une clause dans leur contrat de mariage de façon à réduire la part réservataire de l’autre et à la limiter au maximum à l’usufruit du logement familial et des meubles (clause Valkeniers). Ils peuvent le faire quand ils se marient ou plus tard par le biais d’une modification de leur contrat de mariage. Ils peuvent désormais convenir que le conjoint survivant n’hérite pas de l’usufruit sur le logement familial et les meubles, ce qui profite directement aux enfants d’une relation précédente.
Le conjoint survivant bénéficie dans tous les cas du droit d’habitation sur le logement et d’utilisation des meubles pendant une durée d’au moins six mois à compter du décès.
Patrimoine et beaux-enfants
Les beaux-enfants n’héritent pas automatiquement de leurs beaux-parents. Pour leur léguer une partie de votre patrimoine, vous devez rédiger un testament. Vos beaux-enfants paieront donc les mêmes droits de succession que vos propres enfants. À Bruxelles et en Wallonie, les parents d’enfants issus d’une union précédente doivent être mariés ou cohabitants légaux. En Flandre, les droits de succession réduits des enfants sont applicables aux beaux-enfants pour les cohabitants de fait.
En présence d’un patrimoine commun, les beaux-enfants héritent indirectement de leur beau-père/belle-mère à travers leur part dans la succession de leur parent propre. Imaginez un beau-père qui est le seul à travailler dans le couple. Ses revenus professionnels tombent dans la communauté. Si le parent propre des enfants décède, la moitié de ses revenus professionnels seront intégrés dans la succession de ses beaux-enfants.
Usufruit et nue-propriété, c’est quoi ça ?
La propriété d’un bien peut être divisée en deux axes distincts : l’usufruit et la nue-propriété. L’usufruit est le droit d’user d’une chose et d’en percevoir les fruits. La nue-propriété est ce qui donne à son titulaire le droit de disposer de la chose, mais ne lui confère ni l’usage ni la jouissance, lesquels sont les prérogatives de l’usufruitier. Dans le cas d’une maison, le nu-propriétaire peut la vendre, mais c’est l’usufruitier qui pourra continuer à y habiter. L’extinction de l’usufruit intervient à la mort du parent restant.
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