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En matière d’héritage, un accord implicite reste un accord !

Votre oncle décède. En attendant la liquidation de la succession, vous décidez d’entretenir le potager, jetant les légumes pourris et emportant ceux qui sont bons à consommer. Méfiance, cela peut signifier que vous acceptez implicitement l’héritage !

En matière d’héritage, beaucoup de gens ignorent que, hors procédures classiques – acceptation pure et simple, acceptation sous bénéfice d’inventaire et renonciation (voir encadré) -, il existe également ce qu’on appelle l’acceptation tacite. C’est le cas lorsque l’héritier pose, involontairement, certains actes pouvant être interprétés comme une acceptation de l’héritage. Ce qui peut avoir de lourdes conséquences.

Généralement, les choses commencent à tourner à l’aigre lorsque les créanciers du défunt engagent une procédure pour récupérer leur argent auprès des héritiers.  » Un créancier peut prétendre que le fait qu’un héritier reçoive de l’argent quelques semaines après le décès signifie qu’il accepte de facto l’héritage et, qu’en conséquence, il doit acquitter les dettes du défunt, analyse le notaire Carol Bohyn. Il appartient à la justice de trancher et à l’héritier d’essayer de fournir une contre-preuve. « 

Existe-t-il une sorte de liste des actions qui font de vous un héritier ? Et qui détermine que vous agissez en tant qu’héritier ?  » Il n’existe pas de liste et c’est le juge qui apprécie les faits, poursuit la notaire. Tout tourne autour des concepts de  » préservation  » et  » d’appropriation « . Si vous emportez le canapé de la maison de votre père décédé pour le déposer dans votre salon, que vous roulez avec la voiture de votre oncle décédé, que vous réclamez votre part réservataire arguant que d’autres héritiers ont reçu des dons trop importants... tous ces actes relèvent du concept d’appropriation et font de vous un héritier qui accepte l’héritage. « 

Prudence avec les légumes

Quelle est la différence entre l’appropriation et le souci de préserver ?  » Revenons à l’exemple du potager, poursuit Carol Bohyn. Vous pouvez jeter les légumes pourris, car c’est le seul moyen de conserver le potager en bon état. Mais pas question de récolter des légumes pour votre consommation personnelle : ce serait de l’appropriation. Si vous ne pouvez pas non plus emporter un canapé ou un autre meuble pour les utiliser vous-même, par contre, vous pourriez les déposer dans un garde-meuble pour éviter tout risque de vol. « 

Peut-on faire réparer le chauffage ?  » Absolument, répond le notaire. C’est considéré comme un acte de gestion, de préservation ou de conservation. Mais mentionnez clairement dans la correspondance avec le chauffagiste que vous agissez dans l’unique but d’entretenir le bien – maison ou appartement – et non en tant qu’héritier. Je conseillerais toutefois de ne pas payer les factures de gaz ou d’électricité. « 

Quid des frais de funérailles ?  » La jurisprudence est unanime : payer les frais de funérailles n’est pas considéré comme une acceptation. C’est un engagement naturel que vous devez poser en tant que membre de la famille. Même les héritiers qui refusent l’héritage sont tenus de payer ces frais.

Par contre, vous devez être très attentif au moment de payer d’autres dettes, même de votre poche. Je parle ici de factures impayées (hors celles destinées à l’entretien de la maison) telles que le remboursement d’un prêt contracté par le défunt auprès d’une banque ou d’un ami. De la même manière, signifier à un créditeur qu’il n’a plus à rembourser une somme empruntée au défunt, autrement dit annuler sa dette, est considéré comme un acte d’acceptation. Vous ne pouvez pas non plus faire verser sur votre compte des sommes dues au défunt, par exemple des arriérés de salaire. « 

Que faire s’il existe un contrat de location ? Le décès n’y met pas automatiquement fin. Peut-on néanmoins le résilier sans pour autant risquer d’accepter l’héritage ? :  » Oui, mais attention à ne pas vous retrouver dans une impasse car si vous signez un acte de renonciation pour être certain de ne pas être considéré comme acceptant la succession, vous ne pourrez plus revenir en arrière, met en garde Carol Bohyn. Et le bailleur ne peut pas abruptement résilier le bail. Le problème ne se posera plus pour les baux conclus à dater du 1er septembre 2019 car le nouveau régime prévoit que le bail prend automatiquement fin deux mois après le décès. Si le logement n’a pas été libéré dans les deux mois, le propriétaire peut demander au tribunal de nommer un curateur. « 

Irrévocabilité

Les héritiers ont le devoir de fournir une déclaration de succession dans les quatre du mois du décès, après quoi le fisc calcule les droits de succession. Mais cette déclaration ne signifie-t-elle pas acceptation ?  » Non, répond le notaire Carol Bohyn. Il s’agit de remplir une obligation fiscale et non un acte lié à l’héritage. Il est bien sûr préférable de signifier sa renonciation à l’héritage dans les quatre mois du décès de sorte de ne pas avoir à fournir de déclaration de succession. « 

En ce qui concerne les droits de succession, il est important de noter que si vous acceptez un héritage sous réserve d’inventaire, vous n’aurez pas à payer les dettes mais vous serez toujours redevable des droits de succession.  » Ce serait par exemple le cas si le défunt avait vendu un bien et que le produit de cette vente n’apparaissait plus dans ses avoirs : le fisc peut présumer fictivement que la somme fait bien partie des avoirs du défunt et les héritiers – y compris ceux qui ont accepté l’héritage sous réserve d’inventaire – doivent payer des droits de succession sur cette somme.  » Il n’y a bien entendu pas de droits à payer si on a renoncé à la succession.

Le notaire conseille la vigilance :  » Si vous avez le moindre doute, interrogez toujours votre notaire. Car une fois que vous avez posé un acte qui peut être considéré comme une acceptation, il est irrévocable. Pour éviter le mécanisme d’acceptation tacite, vous pouvez également demander au tribunal l’autorisation de retirer de la succession des biens qui pourraient être irrémédiablement abîmés ou dont la préservation entraînerait des frais excessifs. « 

Accepter ? Refuser ? Inventorier ?

L’héritier dispose d’un délai de 30 ans (!) pour accepter ou refuser l’héritage. Soit il l’accepte purement et simplement.

Soit il y renonce, s’il a la certitude que le défunt avait plus de dettes que d’avoirs. Il suffit alors de faire établir un acte notarié dans ce sens, acte en principe gratuit.

Lorsqu’il ne sait pas précisément de quoi se compose l’héritage, l’héritier peut l’accepter sous réserve d’inventaire. Il revient au notaire de dresser un inventaire des avoirs et des dettes de sorte que l’héritier puisse s’engager en connaissance de cause. Dans ce cas, l’héritier ne devra plus payer les dettes éventuelles.

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