
Faire hériter son animal de compagnie
Karl Lagerfeld a laissé une fortune à son chat. Mais n’en déduisez pas que vous pouvez faire de même. Juridiquement, un animal de compagnie ne peut pas hériter. Dès lors, comment faire pour que le vôtre ne manque de rien le jour où vous ne serez plus là?
Le législateur a récemment accordé aux animaux un nouveau statut. L’article 3.39 paragraphe 1 du code civil dit ceci: « Les animaux sont doués de sensibilité et ont des besoins biologiques. » Ils ne sont donc plus, comme avant, considérés comme des choses. Mais rien ne change juridiquement, car le même article précise que « les dispositions relatives aux choses corporelles s’appliquent aux animaux. »
Si cette modification de statut est somme toute symbolique, elle en dit long sur la façon dont notre société souhaite traiter ses animaux de compagnie. Il est de plus en plus fréquent que des propriétaires d’animaux s’interrogent sur les dispositions qu’ils pourraient prendre pour s’assurer de leur bien-être lorsqu’ils ne seront plus capables de s’en occuper.
« Lorsque les gens demandent des conseils sur la planification successorale, cela va bien au-delà de la transmission de leurs actifs financiers, analyse Bart Chiau, professeur d’économie à l’université de Gand et lui-même passionné de chiens. Le plus souvent, ils s’inquiètent de protéger ceux qui leur sont chers pour avoir l’esprit tranquille. Dans ce contexte, il n’est pas rare que certains s’interrogent sur ce qu’ils pourraient prévoir pour leur animal de compagnie qui, bien souvent, est considéré comme un membre de la famille. Les personnes seules, en particulier, s’inquiètent beaucoup du sort de leur animal après leur mort. Un animal peut évidemment survivre à son propriétaire et, si ce dernier n’a pris aucune disposition, il sera généralement pris en charge par un refuge. Si vous pouvez désigner n’importe quelle personne comme héritier, ce n’est pas possible pour un animal. En fait, il existe trois voies: une disposition testamentaire, un mandat de soins ou une fondation privée. »
Le testament
« Vous établissez un testament avec charges, dans lequel vous léguez une somme à votre meilleur ami en stipulant qu’il ne peut dépenser cet argent que pour les soins/l’hébergement de votre animal, résume Bart Chiau. Cela implique que cette mission doit être très clairement spécifiée. Que faire si l’animal doit être opéré, par exemple? Il faut également veiller à ce que la somme que vous léguez soit proportionnelle à ce que vous demandez. Si elle est trop faible, il est probable que l’ami en question refuse la succession.
Dans tous les cas, il est important d’en discuter préalablement. N’oubliez pas non plus que votre ami devra payer des droits de succession sur la somme en question et que, selon les Régions, ils s’élèvent à 55% ou 80%. »
La plupart des gens laissent une somme pour l’entretien de leur animal à une personne de confiance.
Peut-on éviter ces droits de succession élevés? « C’est possible en remettant la somme à l’avance, soit via un don manuel ou bancaire non imposable – dans ce cas le donateur doit rester en vie trois ans après le don en Flandre et à Bruxelles, cinq ans en Wallonie – soit via une donation enregistrée, imposée à hauteur de 7% en Flandre et à Bruxelles et de 5,5% en Wallonie, quand le bénéficiaire est un ami. »
Est-il possible de faire vérifier si les dispositions testamentaires concernant l’animal sont correctement exécutées? « Vous pouvez désigner un exécuteur testamentaire , chargé de veiller à la bonne exécution de votre testament. Ceci dit, la plupart des gens laissent une somme pour l’entretien de leur animal à une personne de confiance. Il n’en reste pas moins qu’un entretien préalable est très important! »
La mandat de soins
« Une deuxième façon de vous préoccuper de l’avenir de votre animal est le mandat de protection extra-judiciaire, poursuit Bart Chiau. Il s’agit d’un mandat de prise en charge que vous rédigez chez un notaire: vous désignez une personne qui prendra à votre place les décisions concernant votre propre personne ainsi que vos biens. Il n’est absolument pas question de don d’argent: on laisse quelqu’un d’autre décider à sa place.
Vous pouvez expressément inclure dans la convention que votre ami décidera de ce qu’il adviendra de votre chien lorsque vous ne serez plus en mesure de vous en occuper vous-même. Vous pouvez également désigner une personne chargée de décider du choix d’une maison de repos et de soins pour vous, en précisant bien qu’elle doit autoriser la présence d’animaux de compagnie. Notez qu’un mandat de protection extrajudiciaire prend fin au décès de la personne. Si vous désirez une prise en charge particulière de votre animal après votre décès, il faut rédiger un testament. »
La fondation privée
« La fondation privée est une procédure peu courante. Une fondation ne peut pas poursuivre d’objectifs lucratifs et la prise en charge d’animaux domestiques n’en est pas un. La fondation doit disposer de fonds destinés à son fonctionnement. Le capital peut être constitué d’argent mais aussi d’un bien immobilier qui assure un toit à l’animal. Il est également important de décider ce qu’il adviendra du reste de l’argent au décès de l’animal. »
Raymond: Je m’inquiète pour mon labrador
« J’ai 84 ans et je suis veuf. Ma famille se résume à des parents éloignés que je n’ai plus vus depuis longtemps. Je me promène avec mon chien tous les jours, l’occasion de nombreuses rencontres car les propriétaires de chiens entament facilement la conversation entre eux. Pour le moment, je me porte comme un charme mais je m’inquiète de ce qui arrivera à mon chien le jour où je ne serai plus là. Un jeune couple de voisins me dit régulièrement qu’il s’en occupera volontiers. Ne ferais-je pas bien de mettre les choses par écrit? »
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