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L’inflation menace-t-elle nos pensions?

De nombreux salariés se constituent, en plus de leur pension légale, un bas de laine chez leur employeur. En général, ils épargnent aussi pour leur pension via leur banque ou un organisme d’assurance. Que faire pour éviter que l’inflation n’impacte chacun de ces piliers de pension?

L’inflation est en hausse depuis un certain temps déjà. En quelques mois, le coût de la vie a augmenté de 8% à cause d’une conjonction de facteurs géopolitiques et économiques. Le fort accroissement des prix de l’énergie, gaz naturel en tête, en sont les principaux responsables. Mais au magasin, le prix du caddie a lui aussi « pris l’ascenseur »! Comment cette hausse généralisée des prix affecte-t-elle nos pensions?

LE PREMIER PILIER LA PENSION LÉGALE

Chacun de nous se constitue, en travaillant, une pension légale dont le montant dépend, d’une part, du salaire et, d’autre part, du nombre d’années prestées. Pour toucher une pension complète, il faut avoir travaillé pendant 45 ans. Si vous avez dépassé 45 années de carrière, vous avez droit à une pension plus élevée. Votre pension, comme toutes les autres prestations sociales, augmente de 2% à partir du mois où l’indice lissé (= indice santé moyen des 4 derniers mois) dépasse l’indice pivot. S’y ajoute un ajustement de 2% pour les pensions (autres que les pensions minimales) qui ont pris cours il y a 5 ans tout juste, c’est-à-dire,pour l’année 2022, les pensions qui ont débuté en 2017 (via le budget de la sécurité sociale 2021-2022). Pour les fonctionnaires, il y a la péréquation. Les pensions des fonctionnaires suivent l’évolution des salaires et sont adaptées tous les 2 ans. Mais ces ajustement suffisent-ils à contrer une inflation sur le long terme?

Le deuxième pilier jouit d’une garantie de rendement qui ne suffit hélas pas à combler l’inflation.

L’indice santé. Comme les salaires et les autres prestations sociales, les pensions légales sont indexées sur base de l’indice santé, et non sur base de l’indice des prix à la consommation. Ce qui veut dire que certains produits sont exclus du « panier ». C’est le cas des boissons alcoolisées, du tabac et des carburants (sauf le LPG). La forte augmentation du prix des carburants n’est donc pas compensée par l’indexation. Si vous parcourez beaucoup de kilomètres en voiture, votre portemonnaie s’en ressent. Et si vous êtes pensionné, vous n’avez pas de voiture de fonction...

Quand la moyenne masque de fortes disparités... L’augmentation du coût de la vie estimée à 8% est une moyenne. Tout dépend de la part que représente tel ou tel produit dans votre budget. Si vous êtes pensionné, vous vous chauffez sans doute plus que lorsque vous vous rendiez sur votre lieu de travail. L’augmentation des prix de l’énergie impacte donc plus sévèrement les pensionnés. L’isolation plus ou moins efficace de votre habitation compte aussi, ainsi que la présence ou non de panneaux solaires et le fait que vous ayez un contrat fixe ou variable auprès de votre fournisseur de gaz et d’électricité.

Les pensions font le grand écart. L’indexation se fait en pourcentage. La personne qui touche une faible pension, par exemple 1.300 ? net par mois, reçoit 104 ? supplémentaires après l’indexation totale de 8%. Alors que celle qui perçoit une pension de 2.500 ? se verra gratifiée d’une augmentation de 200 ?. Ce qui ne fait qu’accentuer le gouffre entre les pensions.

LE DEUXIÈME PILIER LA PENSION DE l’EMPLOYEUR

La loi impose une garantie de rendement! Si vous êtes salarié, votre employeur a peut-être souscrit pour vous une assurance groupe pension complémentaire. C’est le deuxième pilier de la pension. Le but de ce régime est de compléter la pension légale, trop faible. L’employeur paie des primes qui sont versées dans des contrats gérés soit par une compagnie d’assurances (assurance groupe) soit par une institution de retraite professionnelle (fonds de pension).

« Nous sommes dans une période très particulière avec des marchés financiers très volatils, analyse Koen Cole, responsable marketing Employee Benefits chez l’assureur AG. Les causes: la guerre en Ukraine, les conséquences du Covid et des lockdowns en Chine, la crise sur les produits dérivés du pétrole et du gaz... Sans oublier l’inflation qui est fort élevée en Belgique et en Europe. Il y a encore beaucoup d’inconnues qui vont déterminer l’avenir économique et social. »

La pension complémentaire que le travailleur touchera sera-t-elle impactée par le rendement des placements et la situation économique? « Il faut se montrer rassurant, car la loi impose une garantie de rendement de 1,75% sur les contributions versées dans le cadre des plans de pension », ajoute Koen Cole. Jusqu’en 2016, cette garantie de rendement s’élevait à 3,25%.

Et si les assureurs ou les fonds de pension ne peuvent pas fournir ce rendement moyen? « C’est à l’employeur de combler la différence. » Cela signifie que la situation économique actuelle n’impacte pas le rendement minimum annuel qui est bétonné à 1,75%. Seules les éventuelles participations bénéficiaires sont impactées. « Alors, bien entendu, ce taux de 1,75% n’est pas suffisant pour combattre l’inflation. Mais si on regarde actuellement les prestations des marchés financiers, on remarqueque les premiers mois de l’année ont été marqués par des rendements négatifs de +/- 10%. C’est une photographie de la situation qui sera sans doute différente dans quelques mois. Mais en attendant, il est difficile de combattre l’inflation... »

L'inflation menace-t-elle nos pensions?
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Attention à l’imposition! Enfin, rappelons que le capital de la pension du second pilier est imposé en une fois de façon libératoire au moment de sa liquidation dans 99% des cas (la conversion en rente est vraiment anecdotique). Donc, les sommes libérées sont soumises à une imposition variant de 10 à 20% selon l’âge auquel on met fin à sa carrière. Pour bénéficier du taux d’imposition le plus favorable de 10%, il faut partir à la retraite à 65 ans ou après 45 ans de carrière et être resté actif les trois années précédant la pension.

LE TROISIÈME PILIER CELUI QUE VOUS VOUS CONSTITUEZ VOUS-MÊME

Plus de 3 millions de Belges épargnent pour leur pension en dehors du premier et du second pilier. En gros, ils le font pour moitié via un fonds d’épargne-pension auprès d’une banque et, pour l’autre moitié, via une assurance épargne-pension auprès d’une compagnie d’assurances.

Le fonds d’épargne-pension. « Je m’inquiète, car sur mon application de banque online, je constate que mon épargne-pension a perdu près plus 20% de sa valeur ces derniers temps », s’inquiète un lecteur. Que peut-on lui répondre? « Le meilleur conseil, c’est de rester accroché. Si on vend au moment où c’est le plus difficile, on risque de perdre beaucoup! Globalement, dans l’investissement, il faut toujours regarder à long terme », avance Charlotte De Montpellier Senior Economist chez ING.

« Il faut relativiser et remettre les choses en perspectives, embraye une banquière spécialisée dans les épargnes fiscales. La première réflexion à se faire est de se baser sur le prix moyen d’achat de ses fonds. Ils ont chuté ces derniers mois, mais quand votre contrat a-t-il débuté? Ce n’est pas parce que c’est en baisse maintenant, que c’est nécessairement une mauvaise affaire financière par rapport à ce qui a été investi. » Un investissement dans des fonds est très souvent favorable malgré les dépréciations de ces derniers mois. « Et plus on investit à long terme, moins il y a de risques. »

Selon PensioPlus, l’organisation sectorielle qui représente ces fonds de pension, à 10 ans, le rendement annuel moyen était de 5,18% en intégrant l’inflation. Il était de 3,10% sur 20 ans et de 4,37% sur 30 ans. N’oublions pas qu’il y a eu dans ces intervalles une crise bancaire et financière en 2008 et un épisode Covid dernièrement.

Que faire si vous arrivez à l’échéance de votre 65e anniversaire? Peut-on prolonger en attendant des jours meilleurs? La réponse est oui et c’est même la solution à préconiser pour le moment. Avec un fonds d’épargne-pension, vous êtes libre de demander le paiement quand vous le souhaitez en attendant que la Bourse remonte. La seule interdiction, c’est de continuer d’investir après 65 ans. En faisant preuve de patience, vous percevrez le fruit de vos investissements au moment opportun, après le redressement des cours boursiers. Bien entendu, la question qui se pose est de savoir si on a besoin de ses liquidités. Si vous n’avez besoin que d’une partie de ses liquidités, des rachats partiels de fonds sont toujours possibles. Le reste demeure bien au chaud en attendant des jours meilleurs.

Avec un fonds d’épargne-pension, vous pouvez obtenir le paiement quand vous le souhaitez.

Et quelles sont les perspectives sur 2, 5 ou 10 ans? Difficile d’avoir une boule de cristal, « mais l’expérience prouve que nous pouvons faire confiance aux gestionnaires de fonds dont c’est le métier, répondent en substance tous les observateurs que nous avons interrogés. On voit bien que sur le moyen terme les pertes se lissent, disent-ils. Et puis il ne faut pas oublier l’avantage fiscal qui est le principal atout de la formule. »

L’imbattable avantage fiscal. De fait, cet avantage fiscal permet d’épargner un montant jusqu’à 990 ? par an. Et la réduction d’impôt qui en découle s’élève à 30%, ce qui correspond à un avantage fiscal de maximum 297 ?. Un second régime offre la possibilité d’épargner un montant supérieur allant jusqu’à 1.270 ? par an. Mais dans ce cas, la réduction d’impôt est réduite à 25%. L’avantage fiscal s’élève alors à maximum 317,5 ?. Qui, à part le fisc, vous offre de tels rendements aujourd’hui?

Assurance épargne-pension de branche 21. Bonne nouvelle, 1,5 million de Belges sont épargnés des affres des turbulences financières! Car 1,5 million de Belges épargnent pour leur pension via une assurance épargne-pension de branche 21, ce qui signifie une assurance au taux d’intérêt garanti. Hélas, vu la faiblesse des taux, ce type rendement est inférieur à 1% depuis de nombreuses années. Bien en deçà de l’inflation donc. On dira que c’est le prix de la tranquillité.

Et pour les autres, ceux qui ont investi dans des fonds? Les promesses de rendements sont meilleures à plus long terme. Mais attendez le redressement boursier si vous le pouvez, répond Nicole Van Reeth de Vivium Assurances. « Avec une compagnie d’assurance, vous pouvez opter pour une formule de revenu fixe avec un taux d’intérêt garanti, une formule liée à un ou plusieurs fonds de placement ou une combinaison des deux. »

Et quand la situation est défavorable pour les fonds? « La date de fin de votre contrat ne doit pas coïncider avec votre âge de départ à la retraite, précise-t-elle. La date de fin du contrat peut être postérieure à l’âge de la retraite, par exemple jusqu’à 75 ans, voire plus. Donc, si vous avez opté pour une formule liée à un fonds d’investissement, attendez une période plus propice. Vous n’êtes pas obligé de retirer votre capital à l’âge de la retraite, si le prix est trop bas. Et à partir de 65 ans, un contrat peut être résilié par anticipation – sans frais – avant l’âge de fin convenu. »

Quid de l’épargne à long terme? Elle se fait au moyen d’une assurance épargne avec un taux d’intérêt fixe garanti sur les versements et éventuellement majoré d’une éventuelle participation bénéficiaire. Pas de problème? Certaines formules se souscrivent aussi en tant qu’assurance placement. En clair, le capital et le rendement ne sont pas garantis. Et de nouveau, le climat économique va déterminer le rendement. Dans ce cas, vous pouvez attendre pour retirer votre argent à un moment plus favorable.

Ceci dit, l’avantage fiscal reste l’avantage imbattable de la formule. « Les primes d’épargne à long terme restent fiscalement déductibles même après la retraite, si vous souscrivez le contrat avant votre 65e anniversaire et remplissez un certain nombre de conditions, précise Nicole Van Reeth. Vous pouvez verser jusqu’à 2.350 ?, en fonction de vos revenus et si vous n’avez plus de prêt hypothécaire. La réduction d’impôt s’élèvera à 30% des montants versés, soit 705 ?. Qui offre un meilleur rendement en ces temps d’inflation galopante? Rappelons néanmoins qu’avec l’épargne à long terme, vous payez 10% d’impôt final à 60 ans ou après 10 ans, si vous avez souscrit votre contrat à partir de 55 ans.

Plus que jamais, la « patience est mère de toutes les vertus. » Après la pluie vient le beau temps.

Le prix des MRS

Il existe aujourd’hui un écart important entre le coût du séjour en maison de repos (en moyenne 1.824 ? par mois) et la pension moyenne d’un salarié (1.250 ? net par mois). L’indexation par pourcentage aggrave cet écart. Les pensions sont indexées sur base de l’indice santé, alors que le coût des MR et MRS suit l’indice des prix à la consommation. « En raison de l’inflation élevée, les MRS, les résidences-services et les centres de jour sont exceptionnellement autorisés à augmenter leurs prix deux fois par an, mais en respectant un délai de six mois entre deux augmentations, détaille Johan Staes, administrateur délégué du Vlozo, la fédération sectorielle flamande des maisons de repos et organisations de soins privées. Le montant de l’augmentation du prix dépend de l’indice de la période retenue. Admettons qu’une MRS n’ait pas appliqué d’augmentation de ses tarifs pendant un an, elle a le droit de « rattraper » la différence d’un coup. C’est ce qui explique qu’une maison de repos puisse appliquer un ajustement des prix supérieur à l’inflation. »

Les 3 piliers

  • Pension légale: lorsque que vous êtes retraité, le montant légal de votre pension est fixé une fois pour toutes. Vous avez toujours le droit de la compléter par un revenu supplémentaire, mais ce montant n’augmentera pas votre pension légale. A noter que celle-ci est indexée.
  • Pension complémentaire: vous êtes tenu d’encaisser votre pension complémentaire lorsque vous partez à la retraite. Si vous choisissez le capital, il n’y aura plus d’indexation par la suite. Dans le cas d’une rente, il y aura bien indexation.
  • Epargne pension: vous n’êtes pas obligé de retirer le montant de votre épargne-pension lorsque vous prenez votre retraite. Si vous êtes proche de la pension en ce moment, mieux vaut laisser ce montant « reposer » encore un peu.

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