Ne jetez jamais vos relevés bancaires!
Les relevés bancaires sont des preuves de paiement bien utiles pour régler de vieilles histoires d’argent. Mais ils ne sont archivés que durant dix ans par les banques. Et ce n’est pas toujours suffisant...
L’un des gestes les plus simples pour sécuriser votre avenir financier reste la conservation de vos relevés bancaires ou extraits de compte, des preuves irréfutables. Mais quelques exemples valent mieux qu’un long discours théorique…
Imaginons: vous êtes marié sous le régime légal qui s’applique si vous n’avez pas établi de contrat de mariage. Et vous héritez d’une propriété de vos parents. Vous la vendez et utilisez les fonds pour acquérir un portefeuille d’actions. Ce dernier fait donc partie de vos biens propres. Mais en cas de décès de votre épouse ou époux, le fisc présumera par défaut que ce portefeuille fait partie des biens communs du couple. La moitié sera donc soumise aux droits de succession! Pour éviter cet écueil, vous allez devoir apporter des preuves et retracer l’origine des fonds jusqu’à l’héritage de vos parents.
Imaginons encore que vous ayez hérité d’une belle somme de vos parents, il y a quarante ans. Votre conjoint décède et il n’est plus possible pour vous de prouver que l’argent vient de votre côté. Autrement dit, ce montant est présumé faire partie de la communauté conjugale. Cela implique que la moitié de cette somme sera incluse dans l’héritage du défunt. Vous devrez donc acquitter des droits de succession en tant que conjoint survivant bénéficiaire de l’usufruit et vos enfants aussi, en tant qu’héritiers de la nue-propriété. Par contre, si vous parvenez à démontrer que cette somme appartient exclusivement à votre patrimoine personnel, elle ne sera pas incluse dans la succession et, par conséquent, aucun droit de succession ne sera applicable.
Ce ne sera possible que si vous avez conservé un historique détaillé de toutes les transactions effectuées. Et c’est là que le bât peut blesser si vous ne les avez pas ou plus. Vos extraits de compte, qui constituent pourtant des preuves de paiement, ne sont conservés par les banques que durant dix ans. Il s’agit d’une durée de prescription fréquemment utilisée en droit civil.
Au bout de dix ans, les banques sont tenues d’effacer ces informations, conformément aux exigences du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Après, il est impossible de les recommander. Ils sont tout simplement effacés des archives.
Les extraits avaient été volés!
Ce qui peut poser des problèmes en matière de fiscalité, mais aussi fréquemment quand il s’agit de gérer des conflits de séparation ou de succession. Un banquier nous relate son expérience: «une dame venait de décéder et laissait trois enfants, trois héritiers. Mais l’un d’eux s’estimait lésé lors du partage, car son frère et sa sœur avaient été avantagés du vivant du parent en recevant des sommes d’argent. Cela aurait dû être considéré comme une avance d’hoirie, c’est-à-dire une avance sur l’héritage qui devrait être imputée sur la part successorale des bénéficiaires au jour du décès du donateur. Du moins, si une preuve pouvait être apportée. Et là, malheureusement pour le plaignant, il n’y en avait plus de preuves. Les extraits de la maman décédée, qui étaient pourtant à son domicile, avaient probablement été subtilisés par un des enfants avantagés.
Le notaire chargé de la succession n’avait bien évidemment aucun acte notarié prouvant des transferts d’argent favorisant l’un ou l’autre héritier. Et comme les mouvements d’argent suspects remontaient à plus de trente ans, les extraits bancaires de cette période ne sont plus disponibles...
Le crime était parfait, les preuves effacées et sans le moindre aveu d’un des prétendus coupables, la masse successorale a été équitablement donc divisée en trois au moment du décès. Ce qui n’a pas manqué de créer un sentiment d’injustice et un grand froid dans la fratrie.»
«Actuellement, poursuit ce banquier, les institutions bancaires tiennent à disposition les extraits de compte durant dix ans via l’e-banking. Lors de l’annonce du décès d’une personne, les comptes sont frappés d’une opposition afin d’empêcher que des transferts de fonds ne se fassent pour éviter des droits de succession. Ce qui donne parfois au survivant des difficultés, voire l’impossibilité d’accéder à des liquidités pour les paiements de la vie de tous les jours.
Comme les comptes sont mis en opposition-décès dès l’annonce (via un acte de décès, une annonce d’un notaire, d’une caisse des pensions…), il n’est plus possible d’accéder aux extraits de manière digitale même en étant en possession de la carte et du code du défunt.
Si les héritiers veulent rechercher une opération spécifique sur un compte, ils vont devoir éplucher les relevés de compte à leur disposition. S’ils ne les ont pas, ils vont devoir demander à la banque de les réimprimer et c’est un service payant.
Il vaut donc mieux le faire dans les dix ans passés lors du vivant de la personne, pour autant qu’on ait accès à ses comptes via une procuration bancaire.»
Quels extraits garder?
Bien entendu, sur un relevé d’extraits de compte, qui se souciera encore de l’achat d’une baguette à la boulangerie du coin il y a plus dix ans. En revanche, il existe certaines transactions pour lesquelles, en vertu du bon sens, il est préférable de conserver une preuve toute une vie. Cela concerne essentiellement:
- les dépenses liées à votre domicile
- les transactions importantes notamment entre membres de la famille. On pense en particulier à un don indirect par virement bancaire ou toute autre dépense majeure, comme le fait de payer une salle à manger, des meubles...
Papier ou numérique?
Certes, il est vrai que les extraits de compte papier deviennent de plus en plus rares. Jusqu’à une époque pas si lointaine, les banques envoyaient les extraits de compte par courrier à leurs clients, une pratique payante qui concerne encore environ 10% des clients des banques. Ensuite, il est devenu possible d’imprimer soi-même ses extraits dans les agences bancaires dotées d’imprimantes. La plupart des banques ont cessé d’offrir ce service d’impression, Belfius reste l’exception. Aujourd’hui, il incombe au client de s’occuper de cette tâche en imprimant ses extraits à domicile et de supporter les coûts d’impression.
Encore faudra-t-il par la suite conserver ces extraits. Un extrait de compte papier peut être perdu, volé, s’envoler en fumée lors d’un incendie ou se désagréger dans l’eau. Les banques abandonnent petit à petit la location de coffres-forts. Il y a bien les coffres à installer chez soi, mais cela comporte aussi des risques. Des acteurs privés reprennent la location de coffres dans des salles sécurisées comme CitySafes, qui a passé la barre des 10.000 clients, preuve qu’il existe une vraie demande en la matière.
Téléchargez à temps!
En réalité, aujourd’hui, plus personne n’est obligé d’imprimer ses extraits de compte. On peut les conserver dans un dossier sur son ordinateur et en plus sur une clé USB ou un disque dur externe par mesure de précaution. Notons que ces relevés de compte numériques possèdent la même valeur juridique que les versions papier. Toutefois, il est nécessaire qu’ils soient téléchargés selon la procédure requise, en format PDF. Se contenter d’imprimer la liste des opérations affichées à l’écran ou d’en faire une capture ne constitue pas une preuve suffisante.
Il est crucial de télécharger vos extraits de compte en temps opportun. Bien qu’un duplicata d’extrait de compte ait la même valeur légale qu’un original, la politique varie selon les banques. Généralement, un client peut obtenir gratuitement un duplicata sous format électronique pour des opérations remontant jusqu’à dix ans. Cependant, certaines banques ne conservent les extraits électroniques en ligne que pour une durée de cinq ans, et parfois même quelques mois seulement.
Si vous omettez de les télécharger dans les délais et que vous avez besoin d’une preuve de paiement datant de plus longtemps, vous serez contraint de demander des duplicatas auprès de votre banque. Et cette démarche peut être coûteuse. Le tarif pour ce service peut monter jusqu’à 250 € par compte, selon l’établissement bancaire.
Notre conseil
Multipliez les canaux de sauvegarde pour les documents importants, par exemple grâce à une copie papier et une copie électronique. Et profitez des avancées technologiques, en particulier les coffres-forts numériques hyper sécurisés comme Doccle ou Izimi, le coffre-fort numérique gratuit des notaires pour stocker et gérer vos documents importants. Même si vous changez de téléphone ou que votre ordinateur est défaillant, vous pourrez toujours vous connecter avec votre nom d’utilisateur et votre mot de passe.
En cas de séparation aussi
Quand on se sépare, il est important de savoir à qui appartient l’argent. Si vous êtes mariés sous le régime de la communauté de biens, si vous n’avez pas fait de contrat de mariage, tous les biens que vous achetez durant le mariage sont en principe communs. Seule exception à ce principe de propriété en commun: les biens qui sont acquis au moyen de fonds exclusivement propres. Par exemple, l’un d’entre vous achète un petit studio avec les fonds issus de la vente d’un immeuble dont il avait hérité d’une tante.
Si vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens, les biens que vous achetez seul durant le mariage vous appartiennent à vous seulement. Les biens achetés «en indivision» vous appartiennent à tous les deux. Si vous ne pouvez pas prouver que vous avez acheté seul un bien, ce dernier sera présumé appartenir aux deux. D’où l’importance d’une facture à votre nom ou d’un extrait de compte.
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