Offrir de l’argent, plutôt un cadeau ou une donation?
Pour la nouvelle année, vous avez décidé d’offrir une certaine somme d’argent à votre enfant. Mais s’agit-il d’un cadeau ou d’une donation? Où se situe la différence du point de vue juridique et fiscal?
D’un point de vue juridique, il est question d’une donation si trois éléments sont réunis. Vous devez avoir l’intention d’être « généreux ». Vous devez littéralement vous appauvrir, quelque chose doit disparaître de votre patrimoine. Et la personne à qui vous donnez doit effectivement accepter le don. Si on applique ces principes à un cadeau, au sens ordinaire du terme, on peut conclure qu’un cadeau est en fait un don. Mais ce n’est généralement – et heureusement – pas le cas! Pour déterminer si votre don est une véritable donation, deux éléments sont pris en compte: votre patrimoine et l’occasion.
PLUS VOTRE PATRIMOINE EST IMPORTANT
Le cadeau offert doit être proportionnel à votre patrimoine. Le montant nominal n’a donc aucune influence en tant que tel. Si vous disposez d’un patrimoine de 10 millions d’euros et que vous offrez une voiture de sport à votre fille pour son anniversaire, cela peut tout à fait être considéré comme un cadeau. Mais si votre patrimoine n’est « que » de 300.000€, il sera alors plutôt question d’une donation. Le même raisonnement est applicable si vous offrez à votre enfant une somme d’argent pour la nouvelle année (ou pour toute autre occasion). Déterminer si votre cadeau est proportionnel à votre patrimoine est donc une question de fait.
Les planificateurs patrimoniaux se basent parfois sur la règle empirique selon laquelle un cadeau ne doit jamais dépasser 1% par an du total de vos avoirs. Vous pouvez donc donner chaque année jusqu’à 1% de l’ensemble de votre patrimoine à une ou plusieurs personne(s) sous la forme de cadeaux. Cette règle n’a toutefois pas de base légale et ne découle que d’une pratique. Si vous vous entendez moins bien avec l’un de vos enfants, ce seuil de 1% n’est donc pas forcément applicable et le risque de litige ne peut être exclu.
L’OCCASION
La seconde condition est que le cadeau doit être remis à une occasion où il est communément admis qu’on offre un cadeau, par exemple une naissance, un mariage, un anniversaire, Noël, la nouvelle année, etc.
Si vous souhaitez offrir un montant raisonnable à l’occasion d’un événement particulier, vous pouvez donc simplement effectuer un virement bancaire et n’êtes pas obligé de remettre la somme en espèces. Vous pouvez parfaitement remplacer l’enveloppe de la nouvelle année par un virement à vos enfants ou petits-enfants. Mentionnez par exemple en communication: « Joyeux anniversaire », « Bonne année » ou « Félicitations pour ton diplôme ». Vous stipulez ainsi clairement qu’il s’agit d’un cadeau pour une occasion particulière. Par contre, le mot « donation » est à éviter absolument en communication. Cela pourrait suffire à requalifier un cadeau en donation.
Un montant raisonnable donné pour une occasion spéciale n’est pas considéré comme une donation.
EN DROIT SUCCESSORAL
La différence entre un cadeau et une donation n’est pas anodine. Une donation est soumise à un ensemble de règles suivant le droit successoral belge, un cadeau non. De ce fait, un cadeau coûteux pourrait être requalifié en donation à votre décès et être pris en compte pour le partage de votre succession entre tous vos enfants. Stricto sensu, chaque enfant doit en effet recevoir exactement la même chose. Les enfants peuvent donc se sentir désavantagés si un frère ou une soeur reçoit un « cadeau trop cher ». Mais cette question de fait devra finalement être débattue au tribunal. N’oubliez pas que les banques conservent les extraits de compte pendant dix ans et que les héritiers ont le droit de demander à la banque d’effectuer des recherches sur les comptes. En cas de suspicion, les frères et soeurs pourraient, par exemple, demander à la banque la liste de toutes les transactions supérieures à 10.000€ afin de vérifier si un autre frère ou une autre soeur a reçu une donation ou un cadeau excessif.
Vous pouvez éventuellement y déroger (partiellement) en effectuant une « donation hors part », mais vous devez alors le mentionner expressément dans l’acte de donation ou le document probant du don bancaire ou manuel. Dans le cas d’un cadeau, vous ne le mentionnez pas, de sorte qu’en cas de requalification en donation, il sera toujours soumis aux règles de rapport (décompte entre les enfants).
EN DROIT FISCAL
La différence est aussi importante sur le plan fiscal. Si un cadeau est requalifié en donation et que le donateur décède dans les trois années qui suivent le cadeau, des droits de succession seront dus. À noter que le secret bancaire ne s’applique pas aux droits de succession. Le fisc peut ainsi prendre connaissance d’importants virements qui auraient été effectués peu avant votre décès. En pratique, une telle enquête bancaire sur trois ans est plutôt rare et intervient principalement en cas de suspicions. Par exemple, si le défunt possédait plusieurs comptes bancaires et qu’il ne reste presque plus rien sur chacun d’entre eux.
ENTRE CONJOINTS
Si vous donnez une importante somme d’argent à votre conjoint, vous pouvez demander de la récupérer plus tard. Les donations entre époux constituent en effet une exception au principe général de l’irrévocabilité des donations. Mais si vous offrez un bijou à votre moitié pour son anniversaire, vous ne pouvez pas demander à le récupérer, car il est considéré comme un cadeau et non comme une donation.
Une fête de mariage coûteuse
Si vous payez la fête de mariage de votre fils ou de votre fille, le coût ne joue aucun rôle dans la qualification. Le législateur ne considère en effet pas les frais de noces comme une donation, mais comme une dépense. Cela est explicitement prévu dans la loi. Même si votre patrimoine n’est « que » de 350.000€ et que la fête de mariage vous a coûté 30.000€, c’est considéré comme un cadeau sans conséquence fiscale.
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