Optimiser intelligemment son testament
A première vue, eu égard aux droits de succession dont les héritiers doivent s’acquitter, on pourrait penser que le testament n’a pas sa place dans le cadre d’une planification successorale. Erreur, car un testament intelligent peut s’avérer utile, à condition qu’il soit bien rédigé et qu’il tienne des comptes des contraintes légales et du contrat de mariage.
Il existe trois types de testaments : olographe, authentique et international. Ils ont la même force juridique – en d’autres termes, la même valeur – si ce n’est que c’est le dernier en date qui prime. Si, par exemple, le défunt a fait établir un testament authentique par son notaire un an avant son décès mais que, par la suite, il a rédigé un testament olographe, c’est ce dernier qui prévaut.
Le testament olographe. Pour être valable, ce testament sous seing privé doit satisfaire à trois conditions : il doit être écrit à la main, être daté et être signé. Les formalités sont donc très réduites. Peu importe le papier utilisé, même écrit sur l’envers d’un carton de bière il est parfaitement valable. Mais dans tous les cas, il doit être manuscrit. Ce qui signifie qu’un testament rédigé sur un ordinateur n’est pas valable. Il est extrêmement important que la date soit très précisément indiquée – le jour, le mois et l’année – puisque que le dernier testament en date a la primauté sur tous les autres. Enfin, il faut bien évidemment qu’il soit signé de la main du testateur.
Le testament authentique est dicté au notaire en présence de deux témoins ou de deux notaires. Il est ensuite signé par le testateur (la personne qui le fait établir), le(s) notaire(s) et les témoins. Ce type de testament n’offre pas seulement toute garantie quant à la forme et au fond, il bénéficie également des conseils du notaire et de l’assurance d’être effectivement appliqué le moment venu.
Le testament international est assurément le type de testament le moins courant. Le testateur le remet au notaire qui établit une attestation en présence de deux témoins.
Comment optimiser son testament ?
L’intérêt essentiel d’un testament est qu’il permet d’optimiser fiscalement ce qui reste de la succession après la planification successorale. Car même après avoir conçu la meilleure planification possible, il reste toujours des biens dont le sort n’est pas défini au moment du décès. Voici un bref aperçu des techniques les plus efficaces.
Le saut de génération. Dans la distribution (d’une partie) de leur héritage, des grands-parents peuvent déshériter leurs enfants en transmettant directement leurs biens à leurs petits-enfants. Ils sautent ainsi une génération, appliquant ce qu’on appelle en anglais le generation skipping.
Prenons un exemple. Jean est veuf et, après avoir vendu le domicile familial, vit en maison de repos. Il a un fils et deux petits-enfants. Il possède un portefeuille de placements d’une valeur de 500.000 ? qu’il s’est constitué grâce à la vente de sa maison et au paiement de son assurance de groupe. Si Jean n’établit aucun testament, son fils devra s’acquitter de droits de succession : 84.404 ? en Wallonie, 83.454 ? à Bruxelles et 84.923 ? en Flandre. Par contre, si Jean lègue par testament la moitié de ses biens à son fils et l’autre moitié à ses petits-enfants (chacun un quart), les droits de succession seront bien moindres. Respectivement 41.423 ? en Wallonie, 39.761 ? à Bruxelles et 35.308 ? en Flandre, soit une économie, selon la région, de 42.981? (Wallonie), 43.693 ? (Bruxelles) et 49.615 ? (Flandre).
En outre, les biens transmis directement aux petits-enfants ne seront pas grevés une seconde fois de droits de succession au décès de leurs parents ce qui aurait été le cas si Jean avait transmis l’ensemble de son patrimoine à son fils.
Le testament est un outil intéressant pour l’optimisation fiscale d’une succession.
Un saut de génération sur mesure. Mais il y a moyen de faire mieux encore. Jean pourrait également établir un testament dans lequel il transmettrait l’usufruit de l’ensemble de ses biens à son fils et leur nue-propriété à ses petits-enfants. Le fils recueillerait sa vie durant tous les fruits – loyers, intérêts, dividendes – du patrimoine et, à son décès, ses propres enfants en deviendraient pleinement propriétaires sans avoir à payer quoi que ce soit.
En outre, il y aura d’emblée moins d’impôts à payer au décès de Jean puisque son patrimoine aura été réparti entre son fils et ses petits-enfants auxquels s’applique le tarif avantageux des droits de succession en ligne directe. Nous n’irons pas plus loin dans la démonstration car le sur mesure est bien entendu très différent selon les situations. Retenons que cette technique est régulièrement utilisée quand le patrimoine est composé de biens immobiliers en location : le fils dispose toute sa vie des revenus locatifs tandis que les petits-enfants sont propriétaires des bâtiments.
Le legs électif est une clause d’un testament qui s’apparente à la clause optionnelle d’attribution d’un contrat de mariage mais il présente l’avantage de pouvoir porter sur l’ensemble du patrimoine et pas seulement sur les biens acquis en commun. Les partenaires ne doivent d’ailleurs pas nécessairement être mariés et, au contraire d’un contrat de mariage, un testament peut toujours être révoqué unilatéralement. Dans la pratique, le legs électif est souvent utilisé pour la maison ou l’entreprise familiale. Le conjoint survivant peut choisir d’en hériter d’un pourcentage en pleine propriété, de 1 à 100 %.
Au moment de faire ce choix, il doit bien sûr être conscient des conséquences fiscales. Par exemple, l’exemption de droits de succession sur la maison familiale pour le conjoint survivant est limitée à 160.000 ? dans les trois Régions. En léguant la maison familiale à votre conjoint, vous lui épargnez donc de payer un impôt sur » sa » maison. Le legs électif constitue la meilleure solution car le conjoint survivant peut encore faire son choix au moment du décès en fonction des circonstances.
Il pourrait par exemple choisir d’en être propriétaire à 99 % de sorte que les enfants en soient les copropriétaires. Ceux-ci pourront racheter plus tard la part du conjoint survivant en s’acquittant d’un droit de partage (1 % à Bruxelles et en Wallonie et 2,5 % en Flandre), nettement inférieur aux droits d’enregistrement dus lors d’un achat classique (respectivement 10 et 12,5%).
Le legs en duo est surtout utilisé lorsqu’une personne souhaite léguer ses biens à des héritiers éloignés ou sans lien de parenté car il permet d’éviter une forte taxation. Le testateur lègue une part importante de son patrimoine à une association, à charge pour elle de délivrer une partie de la succession aux héritiers éloignés ou sans lien de parenté après s’être acquittée de la totalité des droits de succession.
Etant donné qu’une association est nettement moins taxée, le testateur fait coup double, laissant un capital substantiel et à son héritier désigné et à l’association. Il faut cependant être attentif à ce que, l’association gérant le côté administratif et fiscal de la succession, son avantage soit suffisant, de l’ordre de 20.000 ? par exemple.
Les limitations
Les héritiers réservataires. Lors de la rédaction d’un testament, il faut considérer les héritiers réservataires. Le conjoint survivant a toujours droit à l’usufruit de la maison familiale, meubles compris, c’est la réserve qualitative. Il recueille en outre la moitié de la succession en usufruit, c’est la réserve quantitative.
La réserve des enfants se monte à la moitié s’il y a un seul enfant, aux deux tiers s’il y en a deux et trois quarts s’il y en a trois ou plus. Cette réserve porte sur la nue-propriété et sur l’usufruit du conjoint survivant. La loi devrait cependant être modifiée prochainement, limitant à la moitié de l’héritage la réserve des enfants, quel qu’en soit le nombre.
Un testament ne peut pas faire fi du contrat de mariage car cela équivaudrait à une modification unilatérale dudit contrat. Le contrat de mariage détermine la composition de la succession et donc qui reçoit quoi selon la loi. Si votre contrat de mariage contient une clause d’attribution de communauté (au dernier vivant, les biens), il faut en tenir compte lors de la rédaction du testament, à moins que les conjoints décident de la modifier de commun accord (coût de 600 à 1200 ?). Une clause d’attribution optionnelle (le conjoint survivant choisit lui-même les biens dans la communauté) offre au conjoint survivant une bien plus grande latitude puisqu’il peut faire son choix comme il l’entend (sans y être obligé) mais, bien entendu, tout en tenant compte des dispositions testamentaires.
Pratique abusive ?
Face à un testament fiscalement intelligent, le fisc ne peut arguer d’une volonté de pratique abusive. La circulaire relative à la mesure anti-abus stipule expressément que les dispositions testamentaires ne relèvent pas du champ d’application ladite mesure. Selon la loi, l’abus doit en effet exister dans le chef du contribuable lui-même et, dans le cas d’un testament, ce contribuable est l’héritier et non le testateur car l’héritier ne participe pas à l’élaboration du testament.
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