Réseaux sociaux, photos, musique: prévoyez votre succession numérique

A l’heure actuelle, outre une maison et/ou de l’argent, on lègue aussi toute sa vie virtuelle. Que peut-on laisser derrière soi ? Qui a le droit de gérer votre héritage numérique ? Et comment clôturer des comptes en ligne ?

Lorsque Marie a voulu clôturer le compte Facebook de la grand-mère de son compagnon, cela s’est révélé tout sauf évident. Facebook a mis en place une procédure qui empêche le premier venu de supprimer un profil. En l’occurrence, présenter une copie du certificat de décès n’a pas suffi. Marie a dû prouver qu’elle faisait partie de la famille proche de la défunte.

Mais où commence et où finit la « famille » ? On pourrait croire que Facebook le spécifie dans ses conditions générales d’utilisation mais il n’en est rien. Il subsiste une zone grise. « C’est exact« , confirme Bart Van Besien, avocat spécialisé en législation internet. Notre société évolue et cette évolution s’accompagne de problèmes d’un nouveau genre auxquels la loi n’a pas encore de réponses. D’ailleurs plusieurs problématiques peuvent se superposer. Au décès d’une personne, on s’en remet en principe aux règles de succession du Code civil. La loi détermine qui sont les héritiers. Mais dans le cas d’un profil Facebook, il faut tenir compte du contrat entre l’utilisateur décédé et le prestataire de services. Ce contrat cesse au décès de l’utilisateur et c’est le prestataire de service qui fixe les règles relatives à la clôture d’un compte en ligne. Or ces règles ne sont souvent ni très claires, ni très faciles à retrouver. »

Pourtant, il serait primordial de disposer d’un règlement clair et précis, afin de pouvoir fermer un compte (Facebook ou autre). « Quand on reçoit un message « Souhaitez un bon anniversaire à votre ami Pierre » alors que celui-ci est décédé, cela peut faire mal, confirme Bart Van Besien. C’est pourquoi Facebook permet de modifier le profil d’une personne décédée en statut commémoratif, mais ce n’est pas automatique. Et c’est logique, car le réseau social ne peut pas savoir si un utilisateur est en vie ou non. Les héritiers doivent donc agir... Concernant les biens classiques, c’est simple : vous héritez d’une maison et on vous en donne les clés. Pour les biens numériques, il faut disposer du nom d’utilisateur et du mot de passe. Si la personne disparue n’en a pas informé ses proches, il sera très difficile d’accéder à ses données. » Se pose aussi la question de la propriété numérique. On ne possède pas que des comptes en ligne, on fait aussi pas mal d’achats : musiques, jeux, e-books, vidéos... « Les héritiers ne peuvent pas y prétendre, puisque les licences d’utilisation cessent au moment du décès. »

Films, musiques, livres, jeux et vidéos

« En ce qui concerne les fichiers musicaux, tout dépend du mode de stockage, assure Bart Van Besien. On peut stocker de la musique sur son ordinateur, sur un autre support ou encore dans le cloud (ex. iCloud chez Apple ou Google Play Music). Dans les conditions générales d’iCloud (Apple), il est précisé que tous les droits liés à votre compte sont supprimés à votre décès. Ils ne sont donc pas transmissibles à vos héritiers. Les contenus vidéo sont protégés par une technique de gestion des droits numériques des auteurs (Digital Rights Management). L’accès aux e-books (livres numériques) est strictement personnel. Autrement dit, votre licence d’utilisateur chez Amazon vous est réservée et ne peut être transférée à quiconque. »

E-mails

Outlook et Gmail offrent la possibilité aux héritiers de demander les e-mails. Mais vos héritiers ont-ils le droit de lire vos e-mails ? « Oui, répond Bart Van Besien, car, après votre décès, vos droits et devoirs tombent. Il en va de même pour votre droit à l’intimité. Vos héritiers ont aussi le droit de veiller au respect de votre nom et de votre réputation. »

Photos et textes, blogs

« Imaginons que vous ayez pris des photos ou écrit un livre et que vous ayez stocké ce contenu dans le cloud. Vos proches n’y auront pas accès s’ils ne disposent pas de votre mot de passe, met en garde Bart Van Besien. En effet, en principe les réseaux sociaux ne communiquent pas les mots de passe aux héritiers. Si vos proches connaissent vos mots de passe, ils bénéficient des droits d’auteur sur vos textes/photos jusqu’à 70 ans après votre décès. Ces droits d’auteur peuvent être considérés comme une indivision entre les héritiers. Ceux-ci doivent se mettre d’accord avant de décider que faire des photos, du livre ou du contenu du blog. Imaginons que vos héritiers n’aient aucun autre moyen d’accès à ces contenus : ils doivent demander au réseau social de leur donner un accès direct, sans quoi ils ne pourront toucher les droits d’auteur. Pour le moment, on ignore comment les réseaux sociaux (et les tribunaux) réagiront à ce type de demande et si les héritiers pourront réellement faire prévaloir leurs droits en cette matière. »

Net-banking, PayPal...

Pour protéger les héritiers, on bloque les comptes de la personne décédée et on annule toutes ses cartes. Celles qui sont également au nom du conjoint restent valables mais les cartes liées à un compte bloqué ne servent plus qu’à consulter le compte en question. Il faut passer chez le notaire ou au bureau d’enregistrement (en l’absence de testament ou de contrat de mariage) pour débloquer les comptes bancaires. Exemple : si vous avez un compte PayPal et qu’il y a encore de l’argent sur votre compte, vos héritiers peuvent clôturer votre compte et demander que l’argent soit versé sur votre compte bancaire. Ils doivent toutefois fournir à PayPal une preuve du décès.

Factures électroniques

Les héritiers doivent payer les factures libellées au nom de la personne décédée qu’elles soient électroniques ou « papier ».

Abonnements numériques

Dans le cas d’un abonnement, les héritiers doivent prévenir du décès le support numérique auquel la personne était abonnée, afin de clôturer l’abonnement.

Comptes sur des médias sociaux

Les proches n’héritent pas automatiquement des comptes sur les médias sociaux. Ils ne peuvent pas les reprendre et y poster des contenus. Mais ils peuvent, en revanche, décider de ce qu’ils vont en faire : fermer les comptes ou non.

Il ressort du récit de Marie que ce n’est pas clair du tout puisque le fournisseur de service édicte ses propres règles. La plupart des fournisseurs, dont Facebook, demandent à la personne qui souhaite clôturer le compte d’une personne décédée d’apporter la preuve du lien de proximité qui les unissait (Facebook parle d’un membre de la famille directe), à moins que la personne décédée n’ait désigné nommément quelqu’un dans son testament en ligne (Facebook ou autre). Mais il n’est pas précisé ce qu’on entend par membre de la famille directe.

Pour éviter les problèmes, Facebook a récemment ajouté l’option Legacy contact. Cette option permet de désigner la personne qu’on souhaite voir gérer son profil quand on ne sera plus là. C’est en quelque sorte un exécuteur testamentaire numérique. Google offre aussi la possibilité de signaler par avance les personnes auxquelles on veut donner accès à ses comptes après son décès. Les héritiers peuvent demander à Google de leur envoyer certaines informations concernant la personne décédée et l’autorisation d’opérer certains transferts (financiers).

Facebook

Vous pouvez décider de votre propre chef si votre compte Facebook doit disparaître à votre décès. Comment ? En cliquant, en haut à droite, sur « Paramètres », puis « Sécurité », puis « Désactiver votre compte ». Vous pouvez aussi demander qu’après votre décès votre compte reçoive un statut commémoratif. Si rien n’a été prévu, les héritiers ont le choix :

de faire disparaître le profil Facebook. Les proches du disparu peuvent désactiver de manière permanente son compte Facebook (le profil et toutes les informations). Pour cela, ils doivent remplir un formulaire qu’ils trouveront sur www.facebook.com/help. Facebook réclame la preuve de la proximité du lien familial ou la preuve juridique que vous en avez la compétence (si le décédé vous a, par exemple, désigné comme son exécuteur testamentaire pour les réseaux sociaux). Il faut scanner et joindre le certificat de décès. Si vous ne l’avez pas, vous pouvez scanner l’avis nécrologique ou le faire-part de décès. Là aussi, vous devez prouver que vous en avez la compétence en y ajoutant une procuration, un certificat de naissance ou une copie du testament.

de transformer le profil Facebook en statut commémoratif. Dans ce cas, les réglages de confidentialité basculent sur « amis seulement », de sorte que seuls les amis existants peuvent consulter le profil ou le mur Facebook de la personne décédée. Les amis Facebook et la famille peuvent y poster des messages commémoratifs. Il n’y aura plus de suggestions de nouveaux amis. La demande de statut commémoratif se fait également via un formulaire en ligne. Mais, ici, point n’est besoin de faire partie de la famille proche, ni de joindre un certificat de décès.

de perpétuer le profil Facebook tel quel. C’est une option rarement choisie, car de nouvelles propositions d’amis peuvent survenir, la personne décédée peut être encore proposée comme nouvel ami(e) à d’autres, etc.

Twitter

Twitter est un réseau social sur lequel on poste des messages (tweets) de 140 signes maximum, dont la teneur peut être variée : info, actu, opinion, activité... Sur Twitter, un proche (famille) ou toute autre personne qualifiée peut demander la suppression du compte Twitter d’une personne décédée. La communication avec Twitter se déroule exclusivement en anglais. Twitter demande à la personne qualifiée de fournir les documents suivants :

le nom d’utilisateur Twitter de la personne décédée

une copie du certificat de décès

une copie de la carte d’identité du membre de la proche famille

une lettre signée avec le nom complet de la personne qui fait la demande de suppression de compte + ses coordonnées et adresse e-mail, son lien avec la personne décédée et la requête claire : please deactivate the Twitter account. Tout cela doit être envoyé par fax ou courrier postal à : Twitter, Inc., c/o Trust & Safety, 1355 Market St., Suite 900 San Francisco, CA 94103, United States. Fax 1-415-222-9958 Vous pouvez envoyer vos questions à : privacy@twitter.com

Instagram

Sur Instagram, les règles sont les mêmes que sur Twitter. Au décès d’une personne, son compte est supprimé. Les proches survivants doivent apporter la preuve du décès et de leur lien (membre de la famille ou personne qualifiée) pour pouvoir clôturer le compte.

Pinterest

Les proches envoient un e-mail à care@pinterest.com en demandant que le profil Pinterest soit clôturé. Pour ce faire, ils ont besoin de connaître l’adresse e-mail que la personne décédée utilisait en lien avec son compte Pinterest, ainsi que d’une preuve du décès.

LinkedIn

LinkedIn est un réseau dédié aux contacts professionnels. Sur LinkedIn aussi il faut introduire (en anglais) une demande pour clôturer un compte. Pour supprimer un compte, il faut connaître l’adresse e-mail via laquelle la personne décédée s’est inscrite sur LinkedIn. Il suffit ensuite de remplir un formulaire en ligne.

Google

Google propose une page sur laquelle on peut donner ses préférences d’inactivité. On peut aussi décider ce que deviennent les données de la personne. Quelqu’un d’autre peut reprendre le compte mais on peut aussi choisir de le faire disparaître.

Outlook

Le Processus Microsoft pour le plus proche parent permet de gérer le compte Outlook.com d’une personne décédée. Par ce biais, les proches peuvent recevoir tous les emails, les attachements, le carnet d’adresses et la liste des contacts Messenger. Il suffit d’une courte procédure de vérification. Pour prouver que vous êtes la personne légalement la plus proche et que l’utilisateur du compte est décédé, vous devez vous munir des documents suivants :

un certificat officiel de décès

un document attestant que vous êtes un parent proche et/ou l’exécuteur testamentaire ou que vous avez une procuration

une photocopie de votre carte d’identité avec photo

Vous devez envoyer ces documents par e-mail, par fax (001425708-7851) ou par courrier postal endéans les 12 mois. Après quoi le compte est clôturé. Les données liées au compte vous seront envoyées sur DVD.

Il n’est jamais facile pour les proches de tout retrouver au décès d’une personne. Ne serait-ce que de remettre la main sur des mots de passe. Mieux vaut y penser à l’avance.

Rédigez un testament « média social »

Mettez régulièrement à jour un document Exell avec le nom des réseaux sociaux ou l’adresse des sites internet liés, en précisant ce que vous voulez qu’on en fasse après votre décès. Si vous avez plusieurs adresses e-mail, ajoutez une colonne dans laquelle vous pouvez mentionner via quelle adresse e-mail vous vous êtes inscrit sur tel ou tel réseau social. Vous pouvez garder ce document dans votre ordinateur ou l’imprimer et le classer avec vos papiers importants. Vous pouvez aussi joindre ce testament numérique à votre testament papier et confier le tout à votre notaire qui, à son tour, stockera l’ensemble dans le Registre central des testaments. Une solution coûteuse, car il faut y apporter des modifications à chaque changement de mot de passe.

Utilisez un coffre-fort numérique

Il s’agit d’une solution gratuite ou payante, qui permet de sécuriser les mots de passe de vos profils en ligne, des documents tels que polices d’assurance, une copie de votre testament, vos souhaits personnels quant à votre dernier voyage, des messages personnels pour vos proches sur vidéo... Désignez une (ou plusieurs) personne(s) de confiance qui, sans y avoir accès de votre vivant, pourront ouvrir ce coffre-fort virtuel à votre décès.

Désignez une personne de confiance

Même en l’absence de coffre-fort digital, désignez une personne de confiance qui connaît vos mots de passe.