Sept techniques pour déshériter un enfant
Il peut y avoir bien d’autres raisons qu’une dispute pour souhaiter déshériter ses héritiers. Parce que son enfant a des dettes par exemple. Mais jusqu’où peut-on aller et comment agir au mieux ?
Le législateur a délibérément choisi de limiter la possibilité de déshériter ses enfants. Ceux-ci sont, en effet, ce qu’on appelle des héritiers réservataires et, à ce titre, ont toujours droit à un minimum. Minimum qui dépend du nombre d’enfants. Ainsi, un enfant unique a droit à la moitié de l’héritage, deux enfants ont droit chacun à un tiers et trois enfants ont droit chacun à un quart. S’ils sont quatre ou plus, ils ont droit, ensemble, aux trois quarts.
Il faut savoir, et ce n’est pas sans importance, que cette réserve se calcule non pas sur ce que le défunt laisse après son décès mais ce qu’aurait été la succession s’il n’avait pas fait de dons. En effet, tous les dons effectués de son vivant entrent également en ligne de compte. Ce qui signifie que faire don d’une grande partie de ses avoirs à un enfant pour le favoriser au détriment d’un autre n’est pas une bonne solution.
Il est tout aussi déconseillé de remettre une somme à un enfant en convenant qu’il n’héritera plus par la suite. Les accords passés à propos de successions futures sont actuellement sans valeur même s’il n’est pas impossible que la loi soit modifiée fin de cette année. Il est également question d’augmenter la part réservataire.
1. Une rente à vie
De nombreuses banques et compagnies d’assurance proposent des produits rentiers : en échange d’une somme donnée, elles vous versent une rente à vie. Cela signifie que vous transférez un capital à votre banque ou à votre compagnie d’assurance et qu’elle s’engage à vous verser un intérêt mensuel (une rente) jusqu’à votre décès. Plus l’assuré est âgé au moment de la conclusion du contrat, plus important sera le montant versé périodiquement. C’est logique, puisque le risque pour l’organisme financier de payer sur une longue durée diminue.
Exemple : si vous avez 60 ans et placez 100.000€ sous forme de rente viagère, vous recevrez un montant mensuel de l’ordre de 350€ nets. Si vous en avez 70, il sera de l’ordre de 480€. Cette méthode est souvent utilisée lorsqu’on n’a qu’un seul héritier et qu’on souhaite le déshériter. La rente est minime mais les taux actuels sont extrêmement faibles.
2. Un testament
Un testament est un moyen simple et peu coûteux de déshériter en partie un enfant, mais la marge de manoeuvre est assez étroite. Et plus vous avez d’enfants, plus elle se réduit. Si vous avez quatre enfants ou plus, vous ne pourrez disposer librement que d’un quart de vos avoirs.
3. Un don avec réserve d’usufruit
Si vous souhaitez favoriser l’un de vos enfants (un enfant handicapé qui aurait besoin de soins permanents, par exemple) vous pouvez, avec leur accord, déshériter ses frères et soeurs. Il y a cependant des conditions : les enfants qui seront (partiellement) déshérités doivent marquer explicitement leur accord mais il doit également s’agir d’un don avec réserve d’usufruit (ou du versement d’une rente) au profit de l’enfant que vous souhaitez favoriser. Les parents peuvent alors continuer à bénéficier des intérêts ou des dividendes jusqu’à leur décès.
4. Ne détenir qu’un minimum d’avoirs
Cette méthode est souvent utilisée quand un couple est marié sous le régime de la séparation des biens et que l’enfant qu’il souhaite déshériter est issu d’un mariage précédent ou d’une relation précédente. Elle peut également être utilisée en cas de séparation, légale ou de fait. Le parent de l’enfant à déshériter transfère (fictivement) ses avoirs à son conjoint de sorte qu’il n’en possède que très peu en nom propre.
Ce transfert n’est pas une réelle solution car la part réservataire de l’enfant sera calculée sur un héritage fictif, c’est-à-dire qu’il sera tenu compte des dons faits du vivant de la personne décédée. Il va de soi qu’en l’espèce il convient de procéder par petites étapes successives. Car il y a un revers à la médaille. En vous rendant en quelque sorte insolvable, vous vous livrez pieds et poings liés à votre conjoint et perdez tout contrôle sur vos finances. Dans la pratique, il est prudent de constituer une société dont les statuts prévoient que, même avec un apport minime, vous avez un pouvoir de contrôle sur les agissements de votre associé, en l’occurrence votre conjoint.
5. Des dons épisodiques
Il n’est pas rare de faire de temps à autre des dons à ses enfants. Ces dons peuvent d’ailleurs prendre la forme » d’avance sur héritage » (vous tenez à un strict équilibre entre vos enfants) ou être faits » hors héritage » (dans le but de favoriser le bénéficiaire). Vous pouvez évidemment disposer comme vous l’entendez de la partie » libre » de votre héritage sachant qu’il sera procédé à un inventaire du patrimoine fictif (y compris les dons) afin de vérifier que la part réservataire est intacte. C’est pourquoi les dons ne sont, en principe, pas un bon moyen de déshériter puisqu’on ne peut pas toucher à la part réservataire. Cependant, dans la pratique, des dons faits de la main à la main ou même par virement bancaire sont difficilement traçables s’ils s’étendent sur une longue période, quinze, vingt voire même trente ans.
6. Une clause d’accroissement
La clause d’accroissement, souvent appelée tontine, est une méthode efficace pour qui entend déshériter ses héritiers. Les cohabitants ou les personnes remariées y ont régulièrement recours. L’objectif est de déshériter ses (beaux-) enfants au profit de son conjoint. L’exemple type est celui de cohabitants qui souhaitent acheter une maison, chacun pour moitié avec stipulation que la part du prédécédé viendra » accroître » celle du survivant. Cette technique est également applicable à d’autres types d’avoirs : l’épargne, un portefeuille de placements, des actions de société, etc. Cependant, l’un et l’autre conjoint doivent être exposés au même » facteur de risque » : dans la pratique, ils ne devraient pas savoir avec certitude que l’un décédera avant l’autre. Notons encore qu’une clause d’accroissement est impossible en cas de régime matrimonial de communauté des biens.
Exemple : Jean, 67 ans, et Catherine, 65 ans, sont mariés sous le régime de la séparation des biens. Ils possèdent chacun un portefeuille de placement d’une valeur de 100.000€ environ. Jean et Catherine ont tout intérêt à établir un contrat avec une clause d’accroissement, chacun apportant 100.000€. Le » facteur de risque » – le prédécès de l’autre – est sensiblement le même, compte tenu de ce que, statistiquement, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. En l’espèce, un apport 50/50 est une décision cohérente. On comprend tout l’intérêt de ce contrat : au décès de l’un des conjoints, le portefeuille de 100.000€ sort complètement de la succession et revient au survivant.
7. Un déménagement à l’étranger et/ou via disposition testamentaire
Si vous décidez de vous installer à l’étranger, vous n’avez, en principe, plus à vous préoccuper des dispositions de la loi belge en matière de successions dont, entre autres, la part réservataire qui n’existe pas en Grande Bretagne, par exemple. Cependant, vous devez effectivement résider à l’étranger (vos consommations d’eau, de gaz et d’électricité en attesteront). Même s’il y existe également une part réservataire, les Pays-Bas offrent des possibilités aussi.
Il faut savoir qu’un nouveau règlement européen sur les successions internationales s’applique depuis le 17/8/15. L’ensemble des biens est soumis à la loi du pays de résidence habituelle au moment du décès. Ce qui signifie que la loi belge s’applique à un résident belge même pour, par exemple, la seconde résidence qu’il posséderait en France. Toutefois, vous pouvez, par testament, refuser ou choisir que votre succession soit soumise au pays dont vous avez la nationalité. Cette faculté est surtout utilisée par les Néerlandais vivant en Belgique. En effet, sur base de leur nationalité, ils peuvent choisir que leur succession soit soumise au droit néerlandais.
Par Johan Adriaens, planificateur successoral
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