Votre contrat de mariage est-il encore adapté à vos besoins?
Votre contrat de mariage prend la poussière depuis de longues années dans un tiroir ou un coffre à côté de votre carnet de mariage? Il est donc grand temps de le dépoussiérer et de vérifier s’il est toujours adapté à vos besoins.
Le mariage implique des droits et des obligations. À l’époque, vous trouviez peut-être que les règles prévues par le législateur – le régime légal de communauté – vous convenaient et vous vous êtes mariés sans contrat. Vous avez peut-être opté pour la communauté de biens, mais avez pris des dispositions particulières en cas de décès. Ou vous avez préféré un contrat de séparation des biens. Quels que soient leurs choix et motivations, les couples mariés ont une chose en commun: une fois qu’ils ont opté pour un régime matrimonial, ils ne s’y intéressent plus. Or, il y a moyen de mieux faire!
PAS DE CONTRAT
Si vous vous mariez sans avoir préalablement signé de contrat de mariage, vous avez d’office le régime légal. Celui-ci prévoit deux types de patrimoines: le patrimoine propre de chaque conjoint et le patrimoine commun. Globalement, votre patrimoine propre comprend vos biens strictement personnels, tels que vos vêtements et bijoux, tout ce que vous possédiez avant votre mariage et ce que vous avez reçu pendant votre mariage par héritage ou par donation. Dans le régime légal, tout ce qui n’est pas propre à un conjoint est considéré comme commun. Cela comprend vos revenus professionnels, votre épargne et vos investissements accumulés durant votre mariage. Mais aussi tout ce que vous achetez avec votre partenaire pendant votre mariage: la maison et son contenu, etc.
SI CE N’EST PAS CE QUE VOUS VOULEZ...
Le régime légal réserve toutefois des surprises. Saviez-vous, par exemple, que les revenus de vos biens propres tombent également dans la communauté matrimoniale? Si vous avez hérité d’une maison de vos parents et que vous la louez, les revenus locatifs sont communs. Si vous ne le souhaitez pas, vous pouvez signer chez le notaire un contrat afin d’adapter le régime légal de communauté.
Ou inversement: vous avez hérité avec votre soeur d’un appartement à la mer, chacun(e) la moitié en indivision. Vous rachetez la part de votre soeur et devenez ainsi seul propriétaire. Bien que vous ayez racheté la part de votre soeur pendant le mariage, avec des fonds issus de la communauté matrimoniale, cet appartement demeure votre bien propre. Il s’agit d’une exception à la règle selon laquelle tout ce que vous achetez pendant le mariage est commun. La raison est que vous possédiez déjà une part indivise de cet appartement. Vous ne trouverez peut-être pas cela juste, surtout si vous utilisez l’argent commun pour rénover votre appartement. Si vous voulez changer cela, vous pouvez apporter ce bien propre dans la communauté matrimoniale en modifiant votre régime matrimonial chez le notaire. Vous devrez vous acquitter de 50€ de droits d’enregistrement (et donc pas de droits de donation).
Et en cas de divorce? Devrez-vous négocier avec votre ex au sujet de cet appartement? En principe oui, car tout ce qui est repris dans la communauté matrimoniale appartient pour moitié aux deux conjoints. Vous devrez donc trouver un arrangement. Mais il existe une solution plus simple. Vous pouvez apporter l’appartement sous condition résolutoire de divorce, ce qui aura pour effet que le bien reviendra automatiquement dans votre patrimoine propre.
Malentendus sur les comptes
Si vous pensez que dans le régime légal, le nom du titulaire du compte est déterminant, vous avez tort. Que le compte soit à votre nom, au nom de votre conjoint ou à vos deux noms n’a aucune importance pour déterminer si l’encours du compte relève d’un patrimoine propre ou de la communauté matrimoniale. La seule chose qui compte, c’est l’origine, la provenance, de l’argent.
SE PROTÉGER EN CAS DÉCÈS
Pourquoi signer un contrat de mariage si la communauté de biens est déjà réglementée par la loi? Avant tout car de nombreux couples mariés sous un régime de communauté veulent se protéger mutuellement en cas de décès. Imaginons que vous êtes marié et avez deux enfants. La communauté matrimoniale englobe l’habitation familiale, un appartement à la mer, de l’argent sur un compte d’épargne et un portefeuille d’investissements. Si l’un de vous deux décède, le conjoint survivant ne conservera que la moitié du patrimoine commun en pleine propriété. Il n’héritera que de l’usufruit de la moitié du conjoint décédé. La nue-propriété de sa part revient directement aux enfants.
SI CE N’EST PAS CE QUE VOUS VOULEZ...
Même si vous vous entendez très bien avec vos enfants, vous pouvez estimer que tout ce pour quoi vous avez travaillé dur ensemble tout au long de votre vie doit revenir au conjoint survivant en pleine propriété. Il reste alors le seul responsable du patrimoine et peut par exemple décider plus tard d’en donner une partie aux enfants.
À cette fin, de nombreux couples qui se sont mariés entre les années 1970 et le début des années 2000 ont inclu dans leur contrat de mariage une clause que les juristes appellent une clause de survie. « Au dernier vivant les biens », elle garantit que le conjoint survivant hérite de la totalité de la communauté en pleine propriété.
Mais cette clause n’est pas très intéressante fiscalement, car le conjoint survivant devra payer de lourds droits de succession. Si votre contrat de mariage inclut une telle clause, contactez votre notaire pour la changer en clause d’attribution optionnelle. En cas de décès de votre conjoint, elle vous permettra de choisir quels biens de la communauté vous reviendront en pleine propriété et lesquels seront partagés avec vos enfants. Et ce, en fonction de votre âge, de vos besoins financiers et... de la fiscalité.
Les trois Régions prévoient une exonération de droits de succession pour la maison familiale. Mais cela ne s’applique qu’au conjoint survivant, pas aux enfants. En décidant de garder l’habitation familiale en pleine propriété grâce à une clause d’attribution optionnelle, vous profitez de cette exonération. Pour l’appartement à la mer, vous ne trouverez peut-être pas nécessaire de le posséder à 100%. Si la part de votre conjoint décédé (la moitié de la totalité) est répartie entre vous (usufruit) et vos enfants (nue-propriété), c’est également plus avantageux d’un point de vue fiscal.
Qu’en est-il de l’épargne et des investissements de la communauté matrimoniale? Il faut sortir la calculette et déterminer de quelle part de ces avoirs vous pouvez vous passer. Une clause d’attribution optionnelle bien élaborée permet d’affiner vos choix, c’est comme un « héritage à la carte ».
Panorama des régimes matrimoniaux en 2021
- 0,9%: Communauté universelle
- 10,2%: Régime légal
- 16,4%: Régime de communauté conventionnelle
- 72,5%: Séparation de biens
Situation durant le premier semestre 2021
AVEC SÉPARATION DES BIENS
Certains ont opté à l’époque pour un régime de séparation de biens. Souvent, le but était de se protéger mutuellement des risques liés à une activité professionnelle, les créanciers ne pouvant saisir que les biens du conjoint qui a contracté la dette. Le patrimoine de l’autre conjoint reste hors de portée.
Toutefois, deux remarques importantes s’imposent. D’abord, il apparaît que dans la pratique, de nombreux conjoints mariés sous le régime de la séparation de biens vivent en fait comme s’ils étaient mariés en communauté de biens. On peut difficilement attendre des gens qu’ils séparent soigneusement chaque revenu qu’ils acquièrent ou chaque bien qu’ils achètent et qu’ils conservent les documents probants nécessaires à cet effet. Même l’argent sur les comptes est souvent mélangé. Tôt ou tard, il peut être judicieux d’aligner la réalité juridique sur la réalité effective et de modifier votre contrat de mariage pour prévoir une communauté de biens.
Ensuite, un régime de séparation pur et simple des biens a aussi des inconvénients, du moins en cas de divorce. Il n’est alors pas question de solidarité entre les époux, ce qui n’est pas sans conséquences. Pensez au conjoint qui resterait (un temps) à la maison pour élever les enfants. Dans le cas d’une séparation pure et simple des biens, il ne bénéficie pas du tout du patrimoine que l’autre conjoint a pu accumuler grâce à ses revenus.
SI CE N’EST PAS CE QUE VOUS VOULEZ...
Des solutions permettant de protéger le conjoint qui n’a pas constitué de patrimoine existent. La réforme du droit des régimes matrimoniaux (2018) a permis de donner une base légale à ces correctifs. La loi prévoit que le notaire qui rencontre un client pour discuter de l’établissement ou de la modification d’un contrat de mariage est tenu d’évoquer ces mécanismes correcteurs.
Par exemple, il est possible de prévoir un patrimoine commun interne adjoint (PCIA) dans le cadre d’un régime de séparation de biens existant. Vous restez mariés en séparation des biens (revenus séparés) mais vous y adjoignez un patrimoine commun limité. Vous y intégrez les biens ou l’argent que vous souhaitez apporter dans le pot commun. Dans le régime légal, la loi détermine ce qui atterrit dans la communauté, mais avec un PCIA, vous décidez vous-même. Exemple: le conjoint qui a continué à travailler et s’est constitué un portefeuille d’investissements important peut décider de l’apporter au PCIA. Il ne s’agit pas d’une donation, vous ne payez donc pas de droits, mais seulement des droits d’enregistrement de 50€. Souvent, les conjoints décident de faire apport de la maison familiale, même s’ils en étaient déjà copropriétaires.
600€: c’est le prix à payer pour ajouter une clause d’attribution optionnelle à un contrat de mariage.
En incluant la maison familiale dans le patrimoine commun, vous pouvez élaborer une clause d’attribution optionnelle pour le PCIA. Le partenaire survivant peut opter pour la pleine propriété de ce logement et ainsi profiter de l’exonération totale de droits de succession.
Autre mécanisme correcteur, l’ajout d’une clause de participation aux acquêts dans le contrat de mariage. Les époux restent propriétaires de leurs biens respectifs pendant le mariage, mais à un moment (décès, divorce), un décompte est effectué. Vous pouvez déterminer la clé de répartition (50/50 ou autre) et le patrimoine sur lequel elle s’applique.
Enfin, il y a la correction judiciaire en équité. En cas de divorce pour cause de désunion irrémédiable (consentement mutuel), un conjoint peut demander une compensation par l’intermédiaire du tribunal de la famille. Le tribunal peut accorder cette indemnité si, depuis la conclusion du contrat de mariage, les circonstances ont évolué défavorablement et de manière imprévue. Et si ces évolutions ont eu des conséquences manifestement injustes. L’indemnité du conjoint lésé ne peut être supérieure au tiers de la valeur des acquêts communs. Si vous ne souhaitez pas que cette clause s’applique, vous pouvez l’exclure contractuellement.
En résumé
- Si vous n’avez pas de contrat de mariage, tous les revenus sont communs. Si vous ne voulez pas que cela soit le cas pour les revenus locatifs de la maison dont vous avez hérité, contactez votre notaire.
- Si vous avez un contrat de mariage avec une clause prévoyant que tout revient au conjoint survivant (« au dernier vivant les biens »): demandez à votre notaire de la remplacer par une clause d’attribution optionnelle. Vous pourrez faire des choix plus avantageux fiscalement.
- Si vous êtes marié en séparation de biens, vous pouvez toujours adjoindre un patrimoine commun limité où vous pourrez apporter les biens que vous souhaitez garder en commun. Ou vous pouvez insérer une clause de participation aux acquêts.
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