Pourquoi dépense-t-on autant pour nos vacances?
L’envie de partir est souvent bien plus forte que les contraintes budgétaires. Certains sont même prêts à s’endetter pour leurs vacances.
Les tour-opérateurs ont vendu, ces dernières semaines, de 15 à 20% de séjours en plus qu’en 2019, année de référence avant la pandémie. Quitter son quotidien à tout prix, est-ce donc si vital? Cette question nous l’avons posée à Stéphanie Leroux de l’Université catholique de Lille. Elle est géographe et spécialiste des questions touristiques.
Pourquoi est-on prêt à dépenser autant d’argent pour partir en vacances?
Les congés sont considérés comme un droit, une valeur, dans une société du travail comme la nôtre. Et ce, même quand on est pensionné ou qu’on ne travaille plus pour diverses raisons. On ne s’en rend pas toujours compte, mais notre vie est complètement conditionnée par cette valeur qu’est le travail. Le tourisme est une parenthèse spatio-temporelle qui va nous situer en dehors de ce quotidien.
Une parenthèse spatio- temporelle?
Oui, car le tourisme est le meilleur moyen d’avoir du temps pour soi, d’avoir du temps de liberté. Et donc quand on parle de parenthèse spatiale et temporelle, il faut comprendre partir de chez soi et se libérer des travaux domestiques. Quand on reste à la maison, il faut réparer cette porte cassée, laver ces grandes vitres... Il y a toujours quelque chose à faire. C’est une véritable pression intérieure qu’on s’impose. D’une certaine manière, nous ne sommes plus totalement libres de nos actes. C’est pourquoi les vacances sont tellement sacrées. C’est l’échappatoire.
J’ai connu des militants en écologie qui fustigeaient le fait que la population était beaucoup plus préoccupée par sa capacité à partir en vacances que de vivre dans un environnement peu pollué ou de manger sainement. Ce n’est pas anecdotique, cela illustre la place que représente le tourisme dans la vie des gens. C’est une soupape pour accepter le quotidien. Il y a inévitablement un énorme investissement psychologique et parfois financier.
Mais, semble-t-il, cette volonté d’évasion a rarement été aussi forte qu’aujourd’hui, non?
Les confinements ont effectivement accentué cette tendance. Le fait de se projeter vers des destinations touristiques, même dans une région proche de la sienne, est redevenu synonyme de liberté. Notre bien-être est conditionné par notre relation aux espaces considérés comme plus sains. Il s’agit d’une dimension propre à la nature humaine.
Donc, plus que jamais, l’envie de quitter son chez-soi devient une nécessité. Tout simplement car cela nous fait du bien. Cela nous ressource et nous permet de nous recréer. On est donc prêts à accepter quelques sacrifices financiers.
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