Dans le silence du Petit Brabant, délimité par les rives paisibles de l’Escaut et du Rupel
Au sein du tout récent Parc national de la vallée de l’Escaut, le Petit Brabant constitue une oasis de calme, entre plaines inondables, digues cernées de roseaux et jolis châteaux. La destination parfaite pour une escapade cet automne?
Quel bruit fait le silence ? Que reste-t-il lorsque se taisent les tondeuses, le brouhaha de la foule, le bruit de ressac des voitures sur le tarmac ? Aux abords de l’Escaut, au nord de Bornem et de Puurs, dans la région surnommée le « Petit Brabant », la réponse s’impose d’elle-même. C’est qu’ici, sur le trajet de deux promenades (voir encadré), un label « zone de silence » assure que le bruit ambiant ne dépassera pas les 35 à 40 décibels. Aucun son, ou presque, d’origine humaine. Alors on se tait. On écoute. Les feuilles mortes craquant sous les pas. Le bruissement du vent dans les saules et les roseaux, dont les épais taillis cachent le fleuve. Le « plouf » d’une créature invisible (et on l’espère, pas trop effrayante…), plongeant dans un marais.
On n’ira pas jusqu’à dire que le réchauffement climatique a du bon. Mais il a parfois, comme ici, des effets collatéraux plutôt heureux. Dans les années 70, la Belgique lance un ambitieux plan « Sigma » pour lutter contre les crues de l’Escaut. Si, dans un premier temps, l’objectif est simplement de rehausser les digues entre Gand et Anvers, le projet est plusieurs fois affiné, à mesure que la problématique climatique devient prégnante et qu’une hausse du niveau de la mer s’annonce inévitable. Petit à petit, une autre idée fait son chemin: plutôt que de canaliser toujours plus le fleuve impétueux, en cas de besoin, mieux vaut lui laisser l’opportunité de déborder dans des endroits prévus et adaptés, plaines inondables, tourbières, marais et prairies humides. Autant de zones naturelles susceptibles d’être inondées, autrefois en voie de disparition et désormais sanctuarisées, qui constituent depuis l’an passé une grande partie du « Parc national de la vallée de l’Escaut ».
Pavillon avec vue
Situés au beau milieu de ce parc national, les paysages calmes et détrempés du Petit Brabant font mouche auprès des promeneurs, et depuis bien longtemps. En témoigne le pavillon de Notelaer, élégant petit belvédère du XVIIIe siècle, posé juste derrière la digue. « Le Comte d’Ursel, dont le château est tout proche, y organisait des dîners dans la salle à l’étage, luxueusement décorée, avec vue sur le fleuve et ses abords », explique la guide nature Lieve Willaert. Le rez-de-chaussée et le soubassement, cachés par levée de terre, abritaient pour leur part une auberge et un service de bac, pour traverser le cours d’eau. Si les extérieurs sont déjà bien jolis, avec leurs allégories du fleuve et de ses principaux affluents, les intérieurs sont grandioses mais temporairement inaccessibles, pour cause de restauration. Qu’à cela ne tienne : la simple présence de ce pavillon sous-entend l’existence de luxueux châteaux de plaisance à découvrir dans les environs…
Plaines inondables et prairies humides font désormais partie de la stratégie pour lutter contre les crues de l’Escaut. Avec, à la clé, des paysages sanctuarisés à découvrir !
Et de fait, il en existe deux à proximité immédiate. Le plus proche, le château d’Ursel, a servi pendant quatre siècles de résidence estivales aux comtes éponymes. La famille ayant depuis lors émigré au Panama, et vendu le château à la province, ce dernier n’est aujourd’hui plus accessible que lors d’expositions temporaires ou de concerts. Pour y avoir accès, mieux vaut donc préparer sa visite à l’avance, en fonction de l’agenda… Il est en revanche toujours possible de se promener le long de ses abords, constitués de jolies drèves. La situation est un peu plus souple en ce qui concerne le château de Bornem, en bordure d’un ancien bras du fleuve : toujours occupé par le quatorzième comte de Bornem, John de Marnix de Sainte-Aldegonde (ça ne s’invente pas, un nom comme ça !), il est visitable accompagné d’un guide tous les vendredis, samedis, dimanches et lundis à 14h.
Il existe un petit plaisir coupable à pénétrer dans ce château richement meublé et à la longue histoire. Outre l’une des plus importantes collections privées au monde de gravures de Bruegel l’ancien (ça, c’est pour le volet plus sérieux), les murs sont tapissés de coupures de presse people et de photos de célébrités, mettant en scène un comte dandy et tout sourire, visiblement amoureux du patrimoine, de la chasse et des attelages, dont il fait aussi la collection. L’espace d’un instant, dans les salons, la salle à manger, le fumoir ou la sellerie aux odeurs fortes de cuir, on touche du doigt le gotha et on imagine sans peine les réceptions au château, les concours hippiques… Les lieux ne semblent pas totalement encroûtés dans leur passé, ce qui est plutôt rare dans les châteaux visitables ; c’est loin d’être déplaisant !
1/6
© Nicolas Evrard
2/6
© Nicolas Evrard
3/6
© Nicolas Evrard
4/6
© Nicolas Evrard
5/6
© Nicolas Evrard
6/6
© Nicolas Evrard
1/6
© Nicolas Evrard
2/6
© Nicolas Evrard
3/6
© Nicolas Evrard
4/6
© Nicolas Evrard
5/6
© Nicolas Evrard
6/6
© Nicolas Evrard
Guerre ou paix ?
Il vous en faut un peu plus, pour vous convaincre de découvrir la région ? Direction alors l’intérieur des terres : ceux que les conflits du XXe siècle laissent de marbre pourront pousser une pointe jusqu’à l’abbaye Saint-Bernard de Bornem, connue pour sa belle bibliothèque contenant manuscrits précieux et éditions rares. Pour les autres, on ne peut que conseiller de se rendre au Fort de Liezele. Il s’agit probablement du fort le mieux conservé de la Première Guerre mondiale (avec celui de Breendonk, d’ailleurs tout proche). C’est que le Petit Brabant qui, comme son nom ne l’indique pas, se situe en province d’Anvers, faisait partie de la ceinture défensive de la métropole flamande.
En cas d’invasion, Anvers devait en effet jouer le rôle de « réduit national ». Un ultime camp retranché, dans lequel devaient se réfugier le roi, le gouvernement et l’armée, le temps que les grandes nations garantes de la neutralité belge expulsent l’envahisseur. Récemment restauré, le fort retrace avec une muséographie très didactique et plaisante le quotidien de la garnison (sans surprise, pour le biffin, c’était plutôt spartiate), la stratégie belge pour faire face à un éventuel envahisseur en 1914 (sans vouloir tout divulguer, celle-ci n’a pas franchement fonctionné) et le quotidien des habitants aux abords des forts (il n’est visiblement pas recommandé de vivre à portée de tir de pièces de gros calibre). Plus sérieusement, le fort rappelle indirectement que pouvoir jouir du silence, sans canonnade en arrière-fond, est un luxe que d’autres n’ont pas. Ou pas eu. Raison de plus pour en profiter!
Plus d’infos: www.toerismekleinbrabant.be, www.kasteelvanbornem.be et www.fortliezele.be.
Chut ! On marche…
Le territoire du Petit Brabant propose deux parcours de randonnée dans des zones de silence, à Higene (6km) et Weert (8,4 km), à parcourir en compagnie d’un guide nature ou avec une brochure, téléchargeable sur www.toerismekleinbrabant.be ou en version papier à l’office du tourisme. Diverses activités y sont proposées pour réfléchir au concept de silence et réapprendre à s’écouter et à écouter la nature. Il y a même des hamacs pour se concentrer confortablement ! Pour profiter au mieux de ces promenades silencieuses, pensez à couper votre téléphone et à chausser vos bottes (c’est humide !).
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici