Direction les montagnes suisses, sur les traces du Gruyère...
Depuis le XIIe siècle, la recette artisanale du Gruyère AOP se transmet de génération en génération. Direction les montagnes suisses, en compagnie de deux chefs belges doublement étoilés, pour découvrir ses secrets de fabrication, déguster ses déclinaisons et visiter sa région.
Un sentier de randonnée nous mène à 1.650 mètres d’altitude, sur les hauteurs du village de Charmey (canton de Fribourg). Le panorama est à couper le souffle! Seul le son des cloches des vaches brise le silence. La famille Piller nous accueille, chez elle, dans un des authentiques chalets d’alpage qui fabriquent le fameux Gruyère AOP. Un immense chaudron chauffé au feu de bois occupe les lieux aussi rustiques qu’exigus. La fumée pique les yeux pendant que Béat, 37 ans, explique la tradition de la fabrication du fromage. « Nous habitons ici de juin à septembre pour produire du Gruyère d’alpage grâce à nos 52 vaches nourries aux herbes fraîches en été. Je me lève à 4h20 pour aller chercher les animaux au pâturage et les traire. » Saviez-vous qu’une vache mange 100kg d’herbe et boit 85 l d’eau par jour pour produire en moyenne 25 l de lait quotidiennement ? Le lait du matin rejoint le lait du soir dans la cuve en cuivre, des ferments sont ajoutés pour la maturation et de la présure pour le caillage du lait. Aidé par sa mère, Béat plonge à bras nus, de grandes toiles dans le chaudron pour récupérer les grains et ainsi transvaser la potion magique helvétique dans des moules. Un travail très physique ! Le fromage est alors mis sous presse, pour prendre sa forme définitive, pendant quasi 24h durant lesquelles il faudra le retourner plusieurs fois. « C’est comme un enfant, je lui change les couches, enfin les toiles! », s’amuse Béat. Une opération qui permet d’apposer le marquage assurant la traçabilité et l’inscription « Le Gruyère AOP » avant l’envoi des meules dans une cave d’affinage où elles seront bichonnées pendant 5 à 18 mois. Les Piller produisent trois meules (pesant jusqu’à 33 kg) par jour. A table ! La maman de Béat nous propose un petit-déjeuner composé de Gruyère évidemment, de crème double à tartiner comme du beurre sur du pain, de sérac (fromage frais), d’un alcool de pomme... Soudain, Béat est appelé par son employé : nous assisterons, émerveillés, à la naissance d’un veau. Waw, quelle expérience !
LA MAISON DU GRUYÈRE
L’odeur ne laisse aucun doute sur l’endroit, nous voici à la Maison du Gruyère ! Dans cette fromagerie de démonstration, où les paysans livrent le lait deux fois par jour au maître fromager, on peut découvrir la production des meules qui seront affinées, sur place, en cave. L’exposition interactive fait appel à tous les sens via des sonnailles, beuglements, ustensiles, parfums de flore des alpages et de foin, et bien sûr des dégustations de Gruyère AOP à différents stades de maturation.
Un goût de trop peu? Installez-vous au restaurant attenant. La carte pourrait d’ailleurs s’intituler « 50 nuances de Gruyère » ! On testera un peu de tout dont une costaude quiche campagnarde avec jambon et lard, plusieurs variétés de beignets, 100% Gruyère ou avec de la courge, ainsi que des raviolis frits au Gruyère, notre coup de coeur! A côté, la boutique permet de se fournir en souvenirs gourmands : assortiment de fromages, mélanges pour fondue, meringues, bricelets, à savoir des gaufrettes fines et croustillantes...
UNE FONDUE TYPIQUE
Incontournable dans la région de la Gruyère : la fondue « moitié-moitié », soit une part de Gruyère, pour amener le goût, et une de Vacherin fribourgeois, pour l’onctuosité. Des fromages à chauffer dans un caquelon préalablement frotté à l’ail. Nous en avons savouré une dans une buvette d’alpage. « Chez Boudji », c’est l’anti-piège à touristes ! Le chef emmène ses deux confrères belges aux fourneaux. Ils suivent minutieusement la recette, touillent dans les fromages, en ne manquant pas d’ajouter du vin blanc. Et, à la surprise de Lionel Rigolet et Viki Geunes, pas de kirsch mais bien... de l’eau, le secret du chef pour une fondue parfaite. Quel délice ! Autour du caquelon, nos fourchettes s’affairent pour tremper leur bout de pain dans ce mélange crémeux jusqu’à la religieuse (la fine croûte de fromage qui se forme au fond du caquelon, ndlr) dont se régaleront nos deux chefs belges. Autre enseignement, la fondue se mange traditionnellement sans accompagnement, juste le fromage et le pain. Pas grave, nous aurons de la place pour le dessert phare de la région: de la meringue accompagnée de crème double et de fruits rouges. Mmmh...
UN REPAS ÉTOILÉ
Envie de faire une petite folie ? Poussez la porte du « Pont de Brent ». Affichant 2 étoiles au guide Michelin, le chef Stéphane Décotterd propose une cuisine privilégiant les circuits courts. « Avec la montagne et le lac, on a un terroir incroyable ici ! J’ai tissé un réseau de pêcheurs, d’éleveurs de canards, de cueilleurs d’herbes, de vignerons... » Et c’est un menu gastronomique sublimant le Gruyère, forcément, qu’il nous a concocté. D’alléchants bricelets et beignets parmi les dégustations apéritives, suivis entre autres d’un dos de sandre, de ravioles de Gruyère AOP aux truffes et d’un épatant plateau de fromages. Côté vins, le chasselas est le roi des cépages en Suisse, c’est un vin de convivialité, comme on nous l’a expliqué lors d’une dégustation au Domaine de la Crausaz. Une adresse offrant un panorama époustouflant sur le fascinant vignoble en terrasses millénaire de Lavaux (classé à l’Unesco), le lac Léman et, en arrière-plan, les Alpes.
LA CITÉ MÉDIÉVALE
Perchée sur une colline verte, la petite bourgade de Gruyères évoque un paysage de carte postale. Un magnifique décor à 360° ! Le château du XIIIe siècle, érigé par les comtes de Gruyère, invite à une balade (certainement digestive ! ) à travers huit siècles d’architecture, d’histoire et de légendes. Dans la cité pittoresque, entièrement piétonne, les touristes apprécient aussi flâner le long des remparts et dans les charmantes auberges servant des spécialités régionales.
L’UNIVERS D’ALIEN
Contraste improbable ! Entre le château et la charmante place de Gruyères se trouve le musée de Hans Ruedi Giger (1940-2014), l’artiste qui a imaginé une des créatures les plus effroyables du cinéma : Alien. Le Suisse a d’ailleurs décroché, en 1980, l’Oscar des meilleurs effets visuels pour sa participation artistique dans le film de Ridley Scott. Là, on peut admirer des peintures, du mobilier et des sculptures biomécaniques. Des oeuvres surréalistes qui ne laissent pas indifférent... Face au musée, un bar insolite vous propulse au coeur d’un décor fantastique donnant l’impression d’être au coeur des entrailles d’un monstre. Les curieux se risqueront à un shot « Sang d’Alien » par exemple, accompagné d’une planchette... de Gruyère, évidemment!
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