J’ai testé : une balade gourmande au coeur d’une mine
Imprégnez-vous du quotidien des mineurs tout en dégustant des mets de terroir au fond d’une ardoisière ardennaise...
Aujourd’hui fermées en Belgique, les mines d’ardoises sont les vestiges d’un passé industriel glorieux. Un patrimoine oublié mais pas tout à fait... Un tronçon d’une veine de schiste ardoisier, qui traverse la région de Bertrix, est accessible aux visiteurs curieux et aussi... gourmands ! Au fil d’un parcours de près d’un kilomètre, cette mine propose, en effet, de découvrir le rude métier des scailtons (les mineurs d’ardoise donc), tout en profitant d’un menu, servi par étapes, sous la forêt ardennaise. Un concept original et, d’ailleurs, présenté comme unique en Europe !
A 25 m sous terre
« Si cette mine, ouverte en 1890, a cessé son activité en 1976 à cause de la concurrence espagnole, il ne faut pas oublier le travail, difficile, des scailtons. Le but de cette visite est de partager leur histoire », explique notre guide Francis, ancien fendeur d’ardoises, devant un mur de ciseaux, battoirs, maillets et autres ustensiles d’époque. Alors que notre groupe se coiffe d’un casque de sécurité, nous empruntons le puits principal de la mine : une descente par un escalier métallique, assez raide mais confortable, de 138 marches, vers les galeries... Nous voici à 25 mètres sous terre. L’humidité atteint 100 % et la température ne dépasse pas 12°. « Il y a des roches de plus de 300 millions d’années autour de nous ! » C’est sûr qu’on se sent en plein coeur de l’ardoise : la galerie est étroite et le plafond de schiste, pointu, très bas pour les grandes personnes. Des petits « ouille » amusés et des légers « toc » de cognements de casques se font entendre de temps à autre dans l’obscurité. On réalise vite que les journées devaient être longues, lourdes, dans ce souterrain éclairé aux lampes à carbure faible... « On avalait la poussière ici et on attrapait la schistose, mais il n’y a heureusement jamais eu de mort dans cette mine », se souvient Francis avant de s’arrêter devant une gigantesque salle ouverte à l’explosif, illuminée par un jeu de lumières...
Un apéro chaud
Au milieu d’une galerie, notre groupe arrive à la première étape de la balade gourmande : l’apéritif. On nous propose un gré d’orange, soit des écorces de ce fruit macérées dans de l’alcool avec du vin rosé et une pointe de caramel. Pendant que nous profitons de cette boisson chaude, Francis nous montre l’équipement des scailtons : une gourde, un gant, un pantalon, des chaussures à clous pour s’agripper aux échelles qui reliaient les trois niveaux de la mine. Car c’est à dos qu’ils portaient les pierres, soit cinq tonnes quotidiennes par personne, afin de les acheminer vers la galerie principale ! Les blocs étaient alors chargés dans des chariots sur rail, poussés jusqu’au grand escalier d’où ils remontaient, par treuil électrique, à la surface. Là, les fendeurs taillaient l’ardoise à 3 mm d’épaisseur. « Il fallait faire mille ardoises par jour pour gagner sa vie ! » A l’époque, la mine comprenait une vingtaine de salles d’extraction réparties à – 25, – 45 et – 60 mètres. Les deux derniers niveaux sont désormais inondés et quelque 50.000 m3 d’eau sont pompés annuellement pour préserver l’étage supérieur. Tête souvent baissée, jambes parfois pliées, nous poursuivons la visite des étroites galeries et des salles, au fil des souvenirs et anecdotes de Francis. Notez que la visite de la mine peut aussi s’effectuer librement avec un audioguide en français, en néerlandais et même... en wallon !
Un potage local
Dans une salle abritant un impressionnant bloc de schiste de 300 tonnes, abritant sûrement l’équivalent de 15.000 ardoises, nous passons à table (attention, les chaises sont peut-être parsemées de quelques gouttes d’infiltration d’eau de pluie). L’entrée consiste en une bonne soupe aux légumes et au canard, servie dans le creux d’un pain rond. Une dégustation insolite, sous un parasol, à la lumière d’une bougie ! Un dîner presque romantique malgré cette coiffe en plastique... Nous continuons notre balade guidée avant de remonter quelques volées d’escalier. C’est un peu essoufflés quand même que nous arrivons, dans une petite pièce pour regarder une courte vidéo présentant le parcours de la pierre du fond de la mine au sommet des maisons ardennaises. Instructif.
Le plat des scailtons
Un peu plus loin, nous nous installons, dans un espace aménagé en modeste mais confortable salle de restaurant, pour boire de l’eau (très bonne d’ailleurs) de l’ardoisière mais surtout pour découvrir les « canadas aux rousses », plat traditionnel du dimanche des scailtons. Toujours typique de la région, il se compose de pommes de terre roussies par des oignons, accompagnées d’une saucisse de campagne, d’un carré de porc et de lard fumé. Bref, un plat costaud mais délicieux ! Heureusement, la sortie de la mine ne se trouve qu’à un jet d’ardoise de là. C’est en terrasse que nous prendrons le dessert : un café ardennais, soit un mélange sucré de café, de genièvre et bien sûr d’eau de la mine, servi avec un feuilleté aux pommes, à la cannelle. Une pâtisserie gourmande présentée sur... une ardoise, pardi !
Au coeur de l’Ardoise, domaine de la Morépire, 1 rue du Babinay, 6880 Bertrix.
Programme « La mine gourmande » : 45 € (comprend la visite guidée de l’ardoisière, le repas et les boissons). Tous les dimanches midi (sur réservation) pour les individuels, tous les jours pour les groupes à partir de 10 participants. Durée : 2h30 environ. Visite individuelle avec audioguide: 9,50 €. Possibilité de visite guidée.
Infos : 061 41 45 21 www.aucoeurdelardoise.be
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