La Reine Louise-Marie, par Alexandre Robert, 1851, Bruxelles.

Le destin romanesque de Louise-Marie, première reine des Belges

Le Musée des Arts anciens du Namurois (TreM.a) propose une exposition temporaire consacrée à Louise-Marie d’Orléans, épouse de Léopold Ier. Une reine injustement oubliée par l’Histoire, à la vie pourtant étonnante, entre drames et bals de cour, art et aspirations brisées.

Louise-Marie d’Orléans, reine des Belges. Dans la litanie des noms de souverains autrefois appris à l’école, son nom dit vaguement quelque chose. Les plus physionomistes se rappellent peut-être son portrait, visage fin au teint diaphane, encadré de boucles à l’anglaise. Mais c’est à peu près tout : près de deux siècles après sa naissance, l’épouse de Léopold Ier reste une inconnue pour le grand public. Et pourtant… Louise-Marie (1812-1850) aurait pu devenir une icône féminine, à l’instar de Sissi ou de Marie-Antoinette, tant sa brève destinée (elle décède à 38 ans seulement) s’avère romanesque.

Princesse… et artiste

À ce titre, l’exposition qui lui est actuellement consacrée au Musée des Arts anciens de Namur parvient à lui redonner un peu d’éclat. Initialement présentée dans le cadre prestigieux du Château de Chantilly, elle se penche sur le parcours et la facette intime de Louise-Marie, que rien ne prédestine à devenir reine. Fille de Louis-Philippe d’Orléans, futur roi des Français, elle reçoit une éducation éclairée dans un cercle familial soudé et intellectuellement stimulant. Férue d’art et elle-même douée un pinceau à la main, elle compose dès cette époque des albums regroupant ses propres œuvres et celles des artistes qu’elle admire. « Dans le cadre de l’exposition, nous avons fait retirer plusieurs dessins ou gravures de ces albums pour les encadrer et les rendre accessibles, explique Mélodie Brassinne, l’une des coordinatrices du projet. » L’occasion de découvrir marines, paysages orientaux ou scènes animalières parfaitement exécutés, tantôt par elle, tantôt par de grands noms, et typiques du courant romantique de l’époque.

Derrière ces quelques feuillets, on devine une femme aux goûts sûrs. D’autres documents, tirés de sa correspondance intime, laissent aussi entrevoir son esprit affûté, aux opinions politiques subtiles. « Cela remonte à sa jeunesse : tous les jours, autour de leur mère, elle et ses frères et sœurs tenaient un club où l’on discutait de l’actualité. Louise-Marie d’Orléans était très heureuse dans ce cercle familial très soudé ; elle n’avait d’ailleurs aucune envie de le quitter pour se marier… »

Vue d’une ville espagnole, par Adrien Dauzats, 1834. Tiré du « Petit album romantique » personnel de la Reine.

Pour raison d’État

Las… Quelques années plus tard, un petit royaume fait son apparition, après une brève révolution : la Belgique naît en 1830. Soucieux de se faire une place dans les dynasties d’Europe, le pays cherche pour son souverain une reine digne de son rang. De son côté, la fragile monarchie française n’est pas contre l’idée de lier son destin avec la famille de Saxe-Cobourg-Gotha, dont les membres règnent alors sur de nombreux États, de l’Allemagne à l’Angleterre.

Un arrangement est trouvé : Louise-Marie d’Orléans épousera Léopold Ier, de vingt ans son aîné. «Il s’agit donc avant tout un mariage diplomatique, poursuit Mélodie Brassinne. Ceci dit, dans ses lettres, la future reine se dit tout de même chanceuse, car elle s’entend fort bien avec son époux – qu’elle surnomme affectueusement Le Léopitch. Ce n’est pas de l’amour à proprement parler, mais tout de même une sorte d’amitié amoureuse qui finit par s’installer. »

Reste que la séparation d’avec sa famille constitue une lourde épreuve, pour elle comme pour sa fratrie. Cette déchirure s’exprime notamment par l’art : l’exposition affiche ainsi des dessins touchants, réalisés par la sœur de Louise-Marie, représentant la reine s’en allant, de dos, les épaules voûtées par le poids du chagrin.

Léopold Ier avait vingt ans de plus que Louise-Marie. Avant leur mariage, il lui fera parvenir un portrait de lui bien plus jeune… qu’il avait auparavant offert à feu sa première épouse Charlotte de Galles. Coquetterie ou muflerie ? – Le Prince Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld par Sir George Hayter, 1816.

Un rôle à créer

À son arrivée à la cour de Bruxelles, le couple royal doit inventer sa fonction et tout le cérémonial qui lui est attaché : bals, réceptions... La période est alors assez chahutée pour le jeune royaume – la menace néerlandaise reste bien prégnante dans les premières années de règne de Léopold Ier – et le roi tient à préserver sa femme, de toute façon tenue à un certain devoir de réserve. Peut-être est-ce pour cela que Louise-Marie semble ne pas avoir marqué l’Histoire… Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, son influence n’est pas totalement absente : au niveau des arts, elle initie puis développe la Collection royale. Un geste fondateur pour une monarchie en quête d’identité culturelle : la reine se fait chantre d’artistes, qu’elle présente au gotha européen sur les murs du palais royal ou grâce à ses albums. Si, initialement, elle se montre surtout admirative de peintres français ou anglais, elle se recentre petit à petit sur les artistes belges, qu’elle contribue à faire connaître.

Parallèlement, Louise-Marie donne naissance à quatre enfants. « Là encore, elle n’avait aucune aspiration à la maternité, fait remarquer Mélodie Brassinne. Elle va pourtant devenir une mère attentionnée, douloureusement ébranlée par la mort de son aîné Louis-Philippe, décédé à l’âge d’un an. » L’exposition permet ici de découvrir des éléments éminemment personnels et touchants, comme une boucle de cheveu ou un ruban ayant appartenu au défunt, précieusement conservés sous enveloppe par la reine. De nature fragile et atteinte d’une certaine langueur, celle-ci finira par décéder d’une pneumonie à Ostende en 1850, laissant des enfants au destin contrasté : le futur Léopold II, Philippe, père d’Albert Ier, et Charlotte, future impératrice du Mexique au destin lui aussi tragique. Mais ceci est une autre histoire…

Charlotte de Belgique enfant, atelier Franz Xaver Winterhalter, vers 1844.

À la recherche des bijoux perdus

Si de nombreux bijoux personnels de Louise-Marie d’Orléans ont été conservés, d’autres ont aujourd’hui disparu. Certains possédaient pourtant une valeur sentimentale particulière, renfermant des portraits miniatures, des messages, des gravures ou des mèches de cheveux. Tout au plus en reste-t-il quelques traces dans l’inventaire après décès de la reine. Sur la base des descriptions de cet inventaire, de recherches historiques et de réflexions artistiques, l’artiste Charlotte Vanhoubroeck a recréé une sélection de ces bijoux sentimentaux avec une approche contemporaine, en partie présentée au public au sein de l’exposition.

Infos pratiques

Louise d’Orléans, première reine des Belges, un destin romantique. Exposition du 21 mars au 15 juin 2025 au TreM.a – Musée des Arts anciens du Namurois, Rue de Fer 24 – 5000 Namur.

– Plusieurs activités sont proposées dans le cadre de l’exposition : conférences, workshops, visites théâtralisées, journées familles…

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