
Le jardin japonais d’Hasselt, un petit bout de Soleil-Levant à la belge
Le plus grand jardin japonais d’Europe se niche à deux pas du centre-ville d’Hasselt. Un écrin de quiétude et de poésie où rien, mais vraiment rien, n’a été laissé au hasard !
C’est un simple portail de bois au toit courbé, typique des constructions d’Extrême-Orient. Poétiquement, les Japonais appellent cela un » torii « , littéralement » là où sont les oiseaux « . Ces curieux perchoirs se dressent le plus souvent à l’entrée des sanctuaires shintoïstes, pour séparer mondes profane et sacré. Serions-nous à l’orée d’un temple de l’archipel nippon? Pas vraiment: nous venons de pénétrer dans le jardin japonais d’Hasselt, le plus grand de ce type en Europe. Pour autant, tout au long de notre parcours, le religieux et le spirituel ne seront jamais très loin... Une particularité qui s’explique par le curieux cocktail de pensée qui prévaut au Japon : à la fois animistes (shintoïstes) et bouddhistes, les Japonais estiment que les kamis, les » esprits » sont présents partout dans l’environnement qui les entoure. Ici, chaque arbre, chaque rocher est susceptible d’abriter une force créatrice ou un esprit.
Authenticité certifiée
L’histoire du jardin japonais d’Hasselt découle du jumelage de la ville avec Itami, petite localité proche d’Osaka, en 1985. A cette occasion, les Limbourgeois offrirent un carillon aux Japonais, tandis que ces derniers proposèrent de créer un petit jardin typique de leur pays aux abords d’Hasselt. L’occasion était trop belle : la ville décida de mettre la main au portefeuille et de faire appel à des mécènes pour faire de ce petit espace vert le » plus grand jardin japonais authentique en Europe « , spécialement conçu par des paysagistes nippons. La toute grande majorité des matériaux employés pour construire les bâtiments furent d’ailleurs directement importés de l’Archipel. Il faudra aux ouvriers 250 jours de travail pour créer ce parc de 2,5 hectares, ouvert en 1992.
Tsunamis & CO
Des esprits pas toujours nécessairement bienveillants, au vu de ce que les éléments font subir à l’archipel nippon! « La nature japonaise est une nature particulièrement hostile, m’explique Chris Moria, guide à Hasselt. Il y a des typhons, des raz-de-marée et 75% du territoire est constitué de montagnes. La grande majorité des Japonais sont obligés de se serrer là où c’est possible, dans quelques villes très peuplées. D’où leur besoin de pouvoir dompter la nature dans leurs jardins. Des oasis de paix où elle est idéalisée, miniaturisée, simplifiée. » Pas question pour autant de donner une allure trop artificielle à ces espaces verts: l’art du jardin japonais est de faire paraître les choses comme posées là naturellement, alors que ce n’est jamais le cas. Du moindre caillou à la carpe koï, en passant par chaque pin noueux, tout a été réfléchi, trituré, placé à dessein.

A Hasselt, si certains éléments sautent aux yeux, quantité d’autres sont très subtils. C’est bien simple : sans guide, le promeneur néophyte passe obligatoirement à côté de nombreux détails... allant même jusqu’à les piétiner. « Regardez par terre, au bord du chemin, conseille ainsi Chris Moria. Ce n’est pas du gazon, mais de la mousse qui pousse. Elle croît très lentement et met des années à former un véritable tapis vert. » Généralement combattue chez nous, elle possède ici une charge symbolique forte, évoquant la stabilité et le temps qui passe. Elle cohabite avec de grosses pierres immuables et de l’eau omniprésente, qui s’écoule tantôt paresseusement, tantôt de façon tumultueuse, rappelant les différents âges de la vie.
Au milieu des flots permanents et de l’immobilité minérale, seuls les arbres et les fleurs changent de manière visible, dans un ballet savamment orchestré. Au moment de notre visite, les cerisiers fleurissaient de partout ; à l’heure où vous lirez ces lignes, les iris d’un mauve profond et les tulipiers devraient les avoir remplacés. « Pour bien faire, il faut visiter un jardin japonais à cinq périodes de l’année : il est différent en chaque saison « , sourit la guide. Heu... Y aurait-il une saison supplémentaire au Japon? « Non, mais il faut aussi venir une fois lorsqu’il pleut ! «
Pleine conscience
C’est que le bruit des gouttes clapotant sur les mares ne laisserait pas indifférent. » Le jardin japonais fait volontairement appel aux cinq sens. Ici, quand vous marchez sur un pont, vous le ressentez car il est volontairement très bombé « . Un peu plus loin, le parcours devient un étroit passage de pierres en zig-zag, dominant l’eau en contrebas et jouxtant une cascade bouillonnante. » Tout cela vous oblige à vous concentrer sur vos pas : vous vivez vraiment l’instant présent. Finalement, cela se rapproche assez de la pleine conscience « .

A cela s’ajoute un art consommé de la dissimulation. Jusqu’au dernier moment, les sentiers sinueux cachent de petites surprises au visiteur : des lanternes de pierre, une petite plage de galets, une demeure de cérémonie en bord de l’eau, avec ses murs de papier, une petite maison de thé (à l’entrée très étroite, pour empêcher les samouraïs de pénétrer avec leurs katanas), un autel shintoïste...
Autant d’avant-goûts d’une culture mal connue et qui étonne par sa profondeur, sous des dehors d’une grande sobriété. Au moment de repasser sous le torii, on remarque que, l’espace d’une heure ou deux, le temps s’est arrêté. L’esprit, lui, a voyagé jusqu’à l’autre bout de la Terre!
La cloche et la grue
Pendant la visite, il vous sera possible de faire sonner la » cloche de la liberté « , une cloche traditionnelle japonaise inaugurée pour rappeler l’amitié belgo-japonaise et en hommage aux victimes d’Hiroshima et de Nagasaki. Elle fait écho aux petites grues en papier en origami que vous croiserez peut-être sur votre parcours. Selon une légende ancienne, plier mille grues en papier permet de recouvrer la santé : une fillette japonaise irradiée en 1945 tenta l’exploit, mais décéda avant d’avoir pu le réaliser. Depuis lors, les grues en origami sont devenues symboles de paix, et sont toujours offertes en voeu de guérison à des proches malades.
Pratique
Jardin japonais d’Hasselt, gouverneur Verwilghensingel 23, 3500 Hasselt. Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 16h30, les jours fériés de 13h à 17h.
Infos : www.visithasselt.be.
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