© FRÉDÉRIC RAEVENS

Petit coup d’oeil derrière les façades de la Grand-Place

Tout le monde a déjà usé ses semelles sur les pavés de la « plus belle place du Monde ». Mais en avez-vous déjà poussé les portes?

C’est tôt le matin, avant que ne débarquent les cars de visiteurs, que la Grand-Place offre son visage le plus typique. Le temps d’un café, les mains se réchauffent près du feu de cheminée crépitant de la Brouette, l’un des plus vieux cafés de la place, établi dans l’ancienne maison de la corporation des graissiers. « Nous sommes le seul café de la place à ouvrir encore dès 7heures du matin, se rengorge Paloma, directrice marketing des lieux. Le midi, nous acueillons bien sûr des touristes, mais pour le moment, nous n’avons que de vieux habitués bruxellois. De ceux qui viennent boire un café tôt, et reviennent manger un toast cannibale ou boire un Italiano, comme dans le temps. »

Il est vrai que le temps, ici, semble s’être quelque peu arrêté. Montant des vieux planchers, on jurerait qu’il règne encore des effluves de fêtes breugheliennes et des échos de vieille zwanze. « En réalité, la déco du café date des années 40, sourit Paloma. Mais elle n’a jamais changé depuis. » Comment? Le café, malgré son charme certain, ne serait pas 100% authentique!? Autant se faire à l’idée: sur la Grand-place, la plupart des intérieurs ont été profondément restaurés, voire carrément réaménagés.

À l'intérieur de La Brouette.
À l’intérieur de La Brouette.© FRÉDÉRIC RAEVENS

C’est qu’il s’en est écoulé du temps, entre l’âge d’or des corporations bruxelloises, affichant leur bonne fortune sur la place, et aujourd’hui! « Durant la Période française (1792-1814), les différentes maisons des corps de métier vont être vendues en tant que bien public, explique ainsi Joël Decerf, de l’asbl de guides Arkadia. Une mauvaise opération immobilière, puisqu’un tel volume de vente va faire diminuer la valeur des biens... » Au XIXe siècle, la Grand-place est donc un endroit populaire, aux maisons passablement mal entretenues: l’exilé Victor Hugo trouve d’ailleurs à s’y loger pour pas grand-chose, tandis que Karl Marx y rencontre une association de travailleurs allemands.

Si, dès la Belle Époque, les façades bénéficient d’une sérieuse restauration salvatrice, il n’en va pas de même des intérieurs. Ceux-ci sont parfois reconstruits et modifiés au gré de leurs affectations: appartements, restaurants, banque... Et ce, jusqu’à une époque récente, puisque les quelques vestiges encore existant ne sont classés que depuis 2002!

L'escalier d'honneur de l'Hôtel de Ville.
L’escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville.© FRÉDÉRIC RAEVENS

Le retour des brasseurs

Heureusement, quelques intérieurs ont tout de même su préserver leur cachet. C’est notamment le cas de la Maison de l’Arbre d’Or, ancienne maison de la corporation des brasseurs, occupée depuis 1951 par l’Association des brasseurs de Belgique. Elle abrite, au sous-sol, un discret musée consacré à l’art du brassage. Surtout fréquenté par les touristes, on ne peut que vous conseiller d’aller y jeter un oeil en dehors de leurs heures de passage. Pas tellement pour le musée en lui-même, mais le billet d’entrée donne droit à une petite mousse, à déguster dans un discret caberdouche à l’ambiance très typée, éclairé par un soupirail! De quoi se donner du coeur au ventre avant de pénétrer dans l’hôtel de ville. Ce dernier, le plus ancien bâtiment des lieux (XVe siècle), a lui aussi bénéficié d’une « restauration » en profondeur au XIXe siècle... Une rénovation soignée, quoique assez aléatoire au niveau la réalité historique.

« En ce temps-là, la Belgique est un des pays les plus riches du monde, mais elle se cherche une histoire, un passé et des personnages glorieux, qu’elle va notamment mettre en scène dans l’hôtel de ville », explique Joël Decerf. La principale salle de réception communale, dite « gothique », a beau être impressionnante, elle n’a rien de médiéval et met en scène un Moyen-Âge fantasmé, reconstitué. On y accède encore aujourd’hui par un escalier d’honneur, jalonné des bustes des différents bourgmestres de la ville ayant officié depuis 1830.

Le petit caberdouche de la Maison des Brasseurs.
Le petit caberdouche de la Maison des Brasseurs.© FRÉDÉRIC RAEVENS

L’enfant et le géant

Juste en face, de l’autre côté de la place, se dresse la Maison du Roi. Encore une fois, ne vous fiez pas à son style flamboyant: il s’agit d’un bâtiment entièrement construit au XIXe siècle, sur les ruines de l’ancienne halle au pain. Il abrite aujourd’hui le beau Musée de la Ville de Bruxelles: ses plus de 7.000 pièces retracent l’histoire de la capitale. C’est notamment là que se cachent le véritable Manneken Pis et le Saint Michel qui ornait jusqu’en 1993 le clocher de l’hôtel de ville. Un chef d’oeuvre du XVe siècle, de près de six mètres et de 400 kilos, autrefois hissé à 100 mètres de haut! « Quand on voit le mal qu’on a eu à le descendre, on a du mal à concevoir comment ils ont pu le monter avec les moyens de l’époque, s’étonne encore Bérengère de Laveleye, conservatrice du musée. De près, les traits de la girouette peuvent paraître grossier, mais c’est voulu: ils devaient être accentués car Saint Michel n’était visible que de très loin! »

En sortant du musée, la journée est déjà bien avancée. Il est encore temps de rencontrer Yvan, dont la famille possède depuis des générations la Maison du Sac et dont les étages ont été transformés en appartements. Sans surprise, d’en haut, le panorama est somptueux. Et si la « plus belle place du Monde » l’était vraiment, même vue de l’intérieur?

La cage d'escalier de la Maison du Roi.
La cage d’escalier de la Maison du Roi.© FRÉDÉRIC RAEVENS

Pratique

La girouette de Saint Michel.
La girouette de Saint Michel.© FRÉDÉRIC RAEVENS

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