Petit précis des vins de l’été
Avec le retour des beaux jours s’ouvre doucement la saison des apéros en terrasse, planchas, barbecues et autres salades estivales. Mais que déboucher, pour l’occasion?
Il n’y a pas de règle absolue en ce qui concerne le choix des vins: la meilleure bouteille est celle qui vous plaît. Fabrizio Bucella, professeur à l’Université libre de Bruxelles, oenologue et directeur de l’école d’oenologie Inter Wine&Dine, donne toutefois quelques pistes pour dénicher et servir les vins qui (vous) feront plaisir.
Osez le rouge frais et le mousseux!
Quand il fait bien chaud, on a plutôt tendance à se tourner vers les blancs et les rosés. Or, certains vins rouges peuvent aussi se boire frais, et ce n’est pas qu’une question d’appellation. « Historiquement, les vins de France des régions septentrionales peuvent se servir plus frais, explique Fabrizio Bucella. C’est le cas des vins de la Loire ou, moins connus, des rouges d’Alsace ou des coteaux champenois. C’est aussi le cas, bien que plus au sud, des vins du Beaujolais. Mais en réalité, aujourd’hui, grâce aux techniques modernes, il existe aussi des vins plus méridionaux qui peuvent se boire rafraîchis. »
La règle est simple: l’abaissement de la température de service renforce les tannins. Un vin tannique trop froid a vite fait de se transformer en décoction amère et astringente imbuvable. Un vin peu tannique (et il y en a beaucoup dans les catégories dites « vins de copains » ou « naturels »), s’accommode en revanche à merveille d’une température de service plus basse et accompagne idéalement les viandes blanches, saucisses, etc. L’idéal est alors d’opter pour une température de service aux alentours de 14°C, la même que pour les grands blancs.
Si vous désirez jouer un peu plus la carte de l’originalité et que la canicule fait des siennes, vous pouvez aussi donner un coup de peps à votre repas en optant pour un vin effervescent, qui peut se servir encore plus frappé. « Les Crémants de Wallonie, de Luxembourg, de Loire, de Bourgogne ou encore de Savoie s’accordent avec presque tout, légumes, charcuteries, préparations de viande... à l’exception notable de la viande saignante. »
La bonne affaire du rosé
« Le rosé véhicule une image qui ne correspond pas à sa place dans le circuit commercial », explique le professeur d’oenologie. Il est un peu délaissé en Flandre, mais en France et en Belgique francophone, c’est clairement le type de vin le plus vendu. Pourtant, il est snobé et a la réputation de ne pas être un produit de grande gamme. « Le côté positif de cette mauvaise image, c’est que vous pouvez trouver de très bons rosés, très bien fichus, pour moins cher qu’un bon blanc. Aux alentours de 10-12€ la bouteille, il y a déjà d’excellents rosés alors qu’avec l’inflation, c’est compliqué de trouver un blanc très valable dans ces prix-là. »
C’est d’autant plus intéressant, ajoute Fabrizio Bucella, que le rosé n’est jamais qu’un « blanc déguisé de rose ». « C’est un vin blanc coloré par une très brève macération, qui n’extrait pas de tanins: dans les accords mets-vins, la règle est que tout ce qui va avec le vin blanc s’accorde aussi avec le rosé, même le poisson. »
Il existe tout de même un détail nécessitant un minimum d’attention: la question du sucre résiduel, la saveur du rosé pouvant aller du sec au très (trop? ) doux. « A ce niveau, la couleur du vin n’est pas un gage de qualité mais peut parfois donner un indice: les rosés plus ternes, avec des reflets gris ou pelure d’oignon, sont souvent des rosés d’un style ancienne génération, ils ont tendance à être plus secs. » Attention: il ne s’agit bien sûr que d’une tendance, tous les rosés « flashys » ne constituant pas automatiquement un poison pour diabétique...
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Les accords de l’extrême
Qui dit repas estival dit bien souvent crudités ou plats exotiques épicés. Deux plats qu’il est parfois difficile d’accorder avec le vin. « Pour les crudités, c’est l’acidité qui pose un problème, explique le professeur d’oenologie. Pour peu que vous les assaisonniez avec une vinaigrette ou du citron, il est juste impossible de trouver un accord. Toute gorgée de vin après une bouchée de salade aura un goût déplaisant. » La solution? Opter pour un assaisonnement « à la méditerranéenne » à base d’huile, de poivre et de sel et éventuellement d’herbes. C’est tout. « Dans ce cas-là, vous pouvez même opter pour des vins rouges tanniques: c’est le bonheur. »
Trouver le bon vin pour les plats exotiques épicés n’est pas toujours évident, mais il est tout de même possible de jouer sur deux tableaux. « Un vin un peu sucré a un effet balsamique qui atténue la brûlure du plat: c’est d’ailleurs pour cela que les rosés avec du sucre résiduel sont courants dans les restaurants asiatiques. L’autre solution est d’aller sur des vins riches en alcool (dans les 15°), de taille à lutter avec la vigueur des épices. » Peur de rouler sous la table avec des vins si forts? Reste une troisième option: opter pour une bière fraîche, comme en Asie ou en Amérique centrale, qui s’accorde à point avec les plats épicés.
Osez la capsule!
« Schpops! » En Belgique, en France et en Italie, on estime encore aujourd’hui qu’une bonne bouteille se doit d’être fermée par un bouchon, ôté avec cérémonie. La capsule à vis, elle, serait réservée aux infâmes piquettes. « Mais partout ailleurs dans le monde, ce n’est plus le cas: j’ai récemment goûté un très grand vin autrichien et un syrah australien hors de prix qui étaient tous deux en bouteille fermée par une capsule, raconte Fabrizio Bucella, oenologue. Il est faux de penser qu’un vin ne peut pas bien vieillir avec une capsule: celle-ci n’est pas étanche au passage de l’air. Avec l’avantage d’éviter les maladies du bouchon. » Inutile, donc, de jeter un regard assassin au caviste qui vous en proposerait: peut-être a-t-il là un excellent cru!
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