Les ruines de la forteresse de Montaigle comptent parmi les plus jolies du pays.

Une journée à Montaigle et Bouvignes

Une belle journée d’hiver s’annonce? Profitez-en pour partir à la découverte d’un patrimoine méconnu, à proximité de Dinant!

C’est une petite cité mosane, coincée entre le fleuve et une falaise escarpée, sur laquelle veille une forteresse. Au fil de ses rues, quelques hôtels particuliers, de rares maisons à colombages, des couvents et une église massive laissent deviner un riche passé. Et de fait, au Moyen-Âge, la ville est très prospère, réputée pour son industrie du laiton, ses « dinanderies », et le savoir-faire de ses artisans. Vous pensiez que nous parlions ici de Dinant? Perdu! Bienvenue à Bouvignes-sur-Meuse, sa rivale historique, située à moins de deux kilomètres, juste sur l’autre rive de la Meuse.

La coexistence de deux cités médiévales si proches ne laisse pas d’étonner. Pour le comprendre, une petite remise en contexte s’impose. Au Moyen-Âge, Comté de Namur et Principauté de Liège n’ont de cesse de se déclarer la guerre. Il faut dire que les deux entités sont alors profondément entremêlées, avec quantité d’enclaves et de frontières tarabiscotées, qui ne semblent avoir aucune logique. C’est notamment le cas de Dinant, riche cité liégeoise, célèbre pour la qualité de sa métallurgie, mais pratiquement englobée de possessions namuroises. Pour contrer la prospérité dinantaise, les Comtes de Namur décident, au XIIe siècle, d’implanter une nouvelle ville juste de l’autre côté du fleuve et d’y développer un important centre artisanal du métal et du cuir, protégé par un château. Pendant des siècles, Bouvignes devient ainsi la concurrente directe de Dinant.

Au Moyen-Âge, des escarmouches et des vendettas sont régulièrement organisés de part et d’autre de la Meuse – gare aux distraits attrapés au dehors des remparts! -, quand ce ne sont pas des seigneurs qui établissent le siège devant les murailles. Les forteresses médiévales sont d’ailleurs nombreuses dans cette région sensible: Poilvache, Montaigle, Crèvecoeur, Freyr, Château Thierry... La situation est loin de s’améliorer avec l’émergence des premiers grands états, puisque Namur devient bourguignonne, puis habsbourgeoise, tandis que Liège prend ostensiblement le parti des Français.

En 1554, le Roi de France Henri II, combattant Charles Quint, sème la désolation en passant dans la région, n’hésitant pas à mettre Bouvignes et de nombreux châteaux à feu et à sang. De cette époque troublée demeurent quelques témoignages à découvrir lors d’une belle journée d’hiver, lorsque le ciel se pare d’un beau bleu métallique et le sol, de givre ou de neige. Voici une petite suggestion de programme à suivre, ou à adapter selon vos envies!

Le matin: Montaigle

Situées à une dizaine de kilomètres de Bouvignes, nichées au confluent de la Molignée et du Flavion, les ruines de la forteresse de Montaigle sont parmi les plus jolies du pays. Initialement, le château est destiné à protéger un important domaine foncier des Comtes de Namur, avant de devenir un lieu de résidence cossu: à la fin du Moyen-Âge, son corps de logis semble davantage destiné à loger une princesse de conte de fée qu’une garnison inexpugnable... Trop loin de la Meuse que pour avoir un intérêt stratégique lors des guerres du XVIe siècle, il est déclassé par Charles Quint: sa faible garnison fuit à l’approche des troupes d’Henri II, qui ne manquent pas de bouter le feu aux lieux. Ils ne seront jamais reconstruits.

En hiver, les ruines sont rarement accessibles, mais c’est de loin qu’elles ont le plus d’allure. Pour accéder au panorama, il existe une promenade bucolique de 10 km, au départ de Haut-le-Wastia. Le romantisme des lieux a bien évidemment donné naissance à une légende de fantôme. Il n’est donc pas impossible que votre regard accroche une ombre bizarre se baladant sur les remparts... À moins que ce ne soit votre imagination?

Infos: Départ place des Français, 5537 Haut-le-Wastia. Suivre les balises « rectangle rouge ». Compter environ 3 h de promenade, niveau intermédiaire. Itinéraire détaillé sur walloniebelgiquetourisme.be

L’après-midi: Bouvignes

Pénétrer dans Bouvignes, c’est immédiatement se rendre compte que la ville n’a pas connu la même destinée que Dinant. Presque totalement détruite en 1554, la ville comtale n’a par la suite jamais réussi à retrouver sa splendeur d’antan. Rattachée à Dinant lors de la fusion des communes, elle s’apparente aujourd’hui à un faubourg un peu délaissé, assoupi, bien moins animé que son ancienne rivale. Il serait pourtant dommage de ne pas y jeter un oeil, car l’ancienne cité médiévale garde une ambiance bien à elle, surtout en hiver, et quelques beaux restes...

La splendide
La splendide « Maison espagnole » qui trône sur la place de Bouvignes.© WBT – Vincent Ferooz

Impossible, par exemple, de ne pas s’arrêter sur la splendide « Maison espagnole » qui trône sur sa place depuis le XVIe siècle. Elle abrite aujourd’hui la Maison du Patrimoine médiéval Mosan (MPMM): ce musée aborde de nombreuses thématiques du Moyen-Âge (vie quotidienne, religion, châteaux...) en ayant comme fil rouge la Moyenne Meuse (grosso modo de Sedan à Maastricht), artère commerciale capitale à l’époque médiévale. On y retrouve de nombreuses pièces originales, comme ce lustre en défenses de morse retrouvé à Bouvignes, intelligemment remises en contexte au moyen de maquettes et de tableaux numériques.

Toute proche, l’église Saint-Lambert, qui jouxte les ruines de l’ancien château de la ville, paraît aujourd’hui disproportionnée, mais rappelle bien le dynamisme passé de la ville. Rarement ouverte au public, n’hésitez pas à demander à la MPMM s’il est possible de contacter le curé pour y pénétrer: elle cache en son sein un retable anversois du XVIe siècle, véritable chef-d’oeuvre. Le reste de la ville se parcourt en quelques minutes et abrite encore quelques maisons à pans de bois et reliquats de murailles, dans un tracé de rues résolument médiéval. Il existe un parcours commenté sur smartphone, à débuter à la MPMM.

Infos: Maison du patrimoine médiéval mosan, Place du Bailliage 13, 5500 Bouvignes (Dinant). www.mpmm.be ou 082 22 36 16

Pour terminer: le château de Crèvecoeur

S’il vous reste un peu d’énergie, grimpez jusqu’aux ruines de Crèvecoeur, ancien château situé juste à l’aplomb de Bouvignes, sur la falaise. Les ruines en elles-mêmes sont assez peu lisibles, mais le joli point de vue qui s’ouvre à leur sommet permet de se rendre compte de la proximité extrême de Dinant et de la forteresse de Poilvache, toutes deux sur l’autre rive.

Prévoyez de bonnes chaussures, car le sentier est escarpé et potentiellement boueux en hiver. Et si vous vous demandez d’où vient le nom « Crèvecoeur », sachez qu’une légende (encore une! ) prétend qu’il découle d’un siège bien réel, mené par les Liégeois en 1430. à cette occcasion, le château étant sur le point de tomber, trois dames auraient préféré se jeter des murailles plutôt que de se rendre. Un geste héroïque qui ne manqua pas de crever le coeur des habitants...

Infos: ruines de Crèvecoeur, parcours fléché et balisé depuis Bouvignes.

Le restaurant les Mougneûs d'as à Bouvignes.
Le restaurant les Mougneûs d’as à Bouvignes.© WBT-Dominik Ketz

À table!

Marcher dans le froid, c’est bien, mais se réchauffer ensuite avec un gueuleton réconfortant, c’est encore mieux! Heureusement, il existe des endroits où se restaurer à Bouvignes. Pour manger sur le pouce ou boire un pot, rendez-vous au Campagnol (35 rue Richier). Pour un repas plus consistant, direction le 3×15 (45, rue Richier), spécialiste du ris de veau, ou Les Mougneûs d’as (place du Baillage 24), notre coup de coeur à la déco rustique et à la carte roborative.

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