Bientôt tous allergiques?
Le nombre d’allergies et d’allergiques est en constante augmentation depuis des années. Si la prévention reste difficile il est possible d’agir assez efficacement sur les symptômes.
Le nombre de personnes allergiques ne cesse d’augmenter. « Chaque génération semble être plus allergique que la précédente. Si on additionne tous les types d’allergie qu’on connaît aujourd’hui, un Belge sur trois est touché », constate l’allergologue Didier Ebo (UZ Antwerpen – Jan Palfijn Gent).
On sait qu’une prédisposition génétique contribue à l’apparition d’une allergie. Si l’un de vos parents ou les deux sont allergiques, le risque que vous le soyez également augmente. Les premiers signes surviennent généralement pendant l’enfance ou à l’adolescence, mais peuvent aussi se manifester bien plus tard. « Il n’est pas rare qu’une allergie se déclare passé la soixantaine. Il s’agit généralement d’allergies respiratoires, comme le rhume des foins. »
De nombreux facteurs environnementaux jouent également un rôle. « On songe au changement climatique, notamment dans le cas de l’allergie au pollen. Une étude vient de démontrer que l’augmentaion de la température et la concentration de CO2 accélérait la croissance de pollens et leur quantité. »
Plus longue et plus intense
Alors qu’avant la saison pollinique se limitait au printemps (arbres et graminées) et à l’été (graminées et mauvaises herbes), elle s’étend désormais souvent de février – lorsque l’aulne et le noisetier sortent de leur léthargie hivernale – à septembre, période à laquelle fleurissent les dernières mauvaises herbes. « Une exposition aussi longue à différents pollens augmente les risques d’allergie. En outre, on observe depuis quelques années une augmentation du nombre de jours où les concentrations de pollen sont plus élevées dans l’air. »
Normalement, les années de forte production de pollen se succèdent selon un cycle de deux à cinq ans. Les observations à long terme de Sciensano suggèrent que les cycles ont tendance à se raccourcir, ce qui entraîne des saisons polliniques plus fréquentes et plus intenses, comme ce fut le cas en 2021. « Ces changements, nous avons pu les constater dans notre pratique quotidienne. De nombreux patients se sont plaints d’allergie au pollen des arbres alors qu’ils n’en avaient jamais souffert auparavant. Et ce n’est pas tout. Nous avons également constaté des symptômes beaucoup plus prononcés et observé, après la fin de la saison pollinique des arbres, une très forte augmentation des allergies croisées avec les denrées alimentaires.
En outre, le pollen contient aujourd’hui des protéines de défense plus puissantes, précisément celles qui déclenchent les réactions allergiques. Elles font partie des réponses développées par les arbres pour se défendre des agressions comme la pollution et les pluies acides notamment. Nous observons un phénomène similaire au niveau des allergies fongiques, avec une augmentation du nombre de spores et de protéines allergisantes. »
Autre conséquence du changement climatique: l’apparition de nouvelles espèces méridionales de plantes et de mauvaises herbes dont certaines sont allergisantes – comme l’armoise – et qui s’adaptent durablement au climat de nos régions. À terme, ces végétaux pourraient faire augmenter les cas d’allergie.
Attention à « l’asthme de l’orage »
Les jours de pluie sont des moments de répit pour ceux qui ont le rhume des foins mais ce n’est pas le cas des orages. « Un orage violent peut déclencher un « asthme de l’orage ». Le soudain changement de temps fait éclater les grains de pollen dans l’air, libérant de minuscules particules qui sont transportées par le vent et pénètrent profondément dans les poumons. Même les personnes qui n’ont jamais connu de problèmes peuvent développer des symptômes d’asthme, avec des difficultés respiratoires et des problèmes d’essoufflement. »
Les plantes d’intérieur
L’allergie au pollen fait immanquablement penser à trois grands groupes de végétaux: les arbres, les herbes et les mauvaises herbes. « Il existe pourtant un quatrième groupe qu’on a tendance à oublier: celui des plantes d’intérieur dont le pollen peut s’avérer problématique en automne ou en hiver. La solution est toute simple: choisissez des plantes sans pollen, qui ne fleurissent donc pas, ou demandez à quelqu’un de couper les étamines à votre place. »
L’hygiène et le système immunitaire
L’hygiène est l’une des pistes explorées pour expliquer cette épidémie d’allergies. En effet, de meilleures conditions de vie signifient que, dès le plus jeune âge, nous sommes moins au contact de germes pathogènes et de banales infections.
« À la naissance, le système immunitaire n’est pas encore à maturité. Tout comme on apprend à parler ou à marcher, on doit également développer son immunité, ce qui se fait progressivement au contact de bactéries et de virus. Si l’exposition est moindre voire inexistante, le système immunitaire peut ne pas atteindre une maturité suffisante ce qui l’amène à réagir de manière excessive ou allergique à des substances inoffensives. »
Le fait que nous vivions dans des maisons de plus en plus propres et bien isolées n’est pas non plus sans conséquences, notamment sur les allergies aux acariens, organismes qui se développent mieux dans un environnement humide et chaud. Une bonne isolation reste évidemment indispensable mais elle doit aller de pair avec une ventilation intelligente.
L’alimention et les médicaments
De nouvelles habitudes alimentaires augmentent également la sensibilité aux allergies. Les ingrédients exotiques que nous consommons de plus en plus entraînent l’apparition de nouvelles allergies alimentaires. « Fréquente aujourd’hui, l’allergie au kiwi n’existait pas autrefois. Si on se reporte quelques générations en arrière, il n’y avait tout simplement pas de kiwis dans la panade de fruits des bébés. Mais notre nouveau modèle alimentaire n’explique pas tout car nous constatons également une augmentation des allergies aux aliments traditionnels comme le blé ou les pommes de terre pour n’en citer que deux. »
Autre mystère: l’augmentation des réactions allergiques à certains composants des médicaments. « Il s’agit souvent de médicaments courants, comme les antibiotiques. Si une telle réaction peut être démontrée, nous essayons toujours de trouver un médicament alternatif ne contenant pas l’allergène concerné. »
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Les allergies croisées
Une allergie au pollen d’arbres ou de graminées s’accompagne de plus en plus souvent d’une réaction similaire à la consommation de certains fruits ou légumes. On parle alors d’une allergie croisée. Près d’une personne sur deux souffrant du rhume des foins est concernée. C’est ainsi que l’allergie au pollen du bouleau s’accompagne souvent d’une allergie aux pommes, aux poires et autres fruits à pépins et à noyau mais aussi aux noix. Les symptômes sont des démangeaisons, des irritations ou des gonflements autour de la bouche ou de la gorge. Prenons l’exemple de la pomme: le système immunitaire semble être trompé par les protéines du fruit qui sont très similaires à celles du bouleau. En outre, les deux types d’allergie ne se manifestent généralement pas simultanément. Il faut parfois des années avant qu’une personne souffrant du rhume des foins ne présente également une allergie croisée due à une protéine similaire d’un aliment donné.
Les allergies croisées
1. Le pollen de bouleau avec, entre autres, les pommes, les poires, les cerises, les carottes, le céleri, les noix.
2. Le pollen de graminées avec, entre autres, les céréales, les légumineuses, le soja, la tomate, le kiwi.
3. L’allergie au latex avec la papaye, le kiwi, la banane, l’avocat.
Un traitement en trois étapes
Il faut évidemment identifier précisément l’allergène avant d’envisager un traitement. Pour poser un diagnostic correct, on procède à des tests épicutanés ou à des analyses de sang à la recherche d’anticorps IgE. Dans de nombreuses allergies, l’organisme produit des anticorps IgE qui se fixent sur les mastocytes dans le nez, la gorge, les poumons ou sur la peau. Au contact de l’allergène, les mastocytes libèrent des substances chimiques, comme l’histamine par exemple, responsables de symptômes pénibles, écoulement nasal, démangeaisons, éternuements ou encore yeux rouges ou larmoyants.
« La première étape du traitement consiste à éviter l’allergène, ce qui est possible avec les chats, les chiens ou les aliments, mais beaucoup plus difficile avec les acariens et impossible avec les pollens. » Si on ne peut pas éviter l’allergène, il faut envisager un traitement pour soulager les symptômes. Un traitement symptomatique classique consiste à prendre des antihistaminiques complétés d’aérosols et de sprays nasaux, généralement à base de cortisone à action locale.
« Il est important de commencer le traitement à temps, c’est-à-dire quelques semaines avant le début de la saison pollinique. Les médicaments sont à prendre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de pollen dans l’air. On commet régulièrement l’erreur d’arrêter ou d’interrompre trop tôt son traitement lorsque, par exemple, le temps est à la pluie. Mais les symptômes réapparaissent avec le soleil. »
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L’immunothérapie
Si le traitement médicamenteux n’apporte pas le soulagement espéré, reste la solution ultime: l’immunothérapie. Cette technique permet de lutter contre le pollen des arbres, des herbes, des mauvaises herbes et des acariens (entre autres). Elle existe sous trois formes: injections sous-cutanées, gouttes et comprimés à faire fondre sous la langue. L’objectif est de s’attaquer à la cause de la réaction allergique. Par une exposition répétée à l’allergène, d’abord à faible dose puis progressivement à des doses plus importantes, on cherche à endormir le système immunitaire afin qu’il cesse de réagir par la production d’anticorps IgE.
« L’immunothérapie est généralement réservée à un groupe limité de personnes allergiques, celles que ne soulagent aucun traitement conventionnel. La plupart se sentent mieux après six mois, mais cela ne fonctionne pas pour tout le monde et il est impossible de prédire pour qui cela fonctionnera. Il faut noter que, en Belgique, la plupart des immunothérapies ne sont ni enregistrées ni remboursées. Pour le pollen de graminées, le coût peut facilement atteindre 500€ par an et jusqu’à 1.000€ pour les acariens. Sachant qu’une thérapie complète s’étend sur une période de trois à cinq ans, le coût est élevé. »
Plus d’infos: Consultez le site airallergy.sciensano.be
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