Burn-out: les quinquas plus vulnérables

On se sent vidé, épuisé, comme si on n’avait plus dormi depuis des jours. Voilà comment ceux qui l’ont vécu décrivent le burn-out. On le confond parfois avec la dépression, mais il s’agit de deux affections très différentes.

Depuis le 1er septembre, selon la loi, les employés souffrant de burn-out ont le droit de faire une demande d’intervention psychosociale individuelle. Nous avons rencontré Elke Geraerts, psychologue spécialisée dans la prévention et le traitement du burn-out.

Comment définir le burn-out ?

Elke Geraerts : To « burn-out » signifie littéralement se consumer. En clair, on épuise ses réserves d’énergie, mentales et physiques. Le burn-out est souvent précédé par une surcharge de travail. Il touche surtout ceux qui ont du mal à sentir leurs limites et les dépassent malgré les signaux d’alarme. Ils disent « oui » à tout. Or, à force de dépasser ses limites en permanence, on ne les perçoit plus. C’est pourquoi le burn-out semble frapper si soudainement : un matin, on n’arrive plus à sortir de son lit. S’habiller, prendre la voiture, assurer la routine quotidienne... cela devient trop. Le corps ne répond plus.

Ce n’est donc pas uniquement lié à une charge de travail trop importante ?

Non. En revanche, les conditions de travail jouent un grand rôle, comme le manque de reconnaissance, de mauvaises relations avec ses collègues, l’obligation d’accomplir des tâches pour lesquelles on n’a aucune affinité. Changer de fonction peut également jouer le rôle de déclencheur : un travailleur manuel qui doit, du jour au lendemain, gérer une équipe, par exemple. On voit aussi apparaître des cas de bore-out, ou d’épuisement professionnel par l’ennui.

Le patron du SPF Sécurité sociale, Frank Van Massenhove, qui a lui-même souffert de burn-out, assure que cela peut toucher des gens qui adorent ce qu’ils font...

Ce sont en effet souvent les travailleurs les plus loyaux envers leur entreprise qui sont les plus vulnérables. Il s’agit de perfectionnistes qui accordent trop de temps à une mission, par exemple. Il peut aussi s’agir de personnes qui n’aiment plus ce qu’elles font et s’accrochent pendant des années, jusqu’au trop-plein. Les 50 + sont particlièrement à risque.

Pourquoi est-on particulièrement vulnérable après 50ans ?

C’est lié à plusieurs facteurs. Dans le cadre de leur profession, les quinquas sont confrontés à la jeune génération qui maîtrise mieux les nouvelles technologies. Résultat : nombre de quinquas se sentent sous pression. Dans nombre d?entreprises, les 50 + sont les premiers à être licenciés en cas de restructuration. Cela génère bien entendu un stress supplémentaire. Difficile, dans ces conditions, d’être serein sur son lieu de travail. Certains en viennent même à se mettre en échec. Il est alors primordial de se focaliser sur ses points forts et son expérience, plutôt que d’entrer dans une spirale d’idées noires et dévalorisantes.

Dans la sphère privée aussi cette génération sandwich subit pas mal de stress, prise entre des enfants aux études et des parents âgés qui ont besoin d’aide.

Le burn-out est en général lié aux circonstances professionnelles mais on constate souvent des interactions avec la vie privée. Lorsque celle-ci est instable ou qu’on se sent trop peu soutenu, cela peut entamer la résistance et provoquer un burn-out.

Que peut-on faire pour éviter le burn-out ?

Lorsqu’on frise le burn-out, on rumine des idées noires qui reviennent sans même qu’on s’en rende compte. On ne les distingue plus de la réalité. On perd le contrôle de sa pensée et on adapte son comportement en fonction d’idées négatives. Au bout d’un moment, on finit par tout voir en noir sur son lieu de travail. On peut interrompre cette spirale en faisant une introspection et en analysant sa pensée. C’est à la portée de tout le monde !

Laisse-t-on souvent libre cours à ses pensées ?

Quand je demande aux gens à quoi ils pensent en allant au travail, il me lancent en général un regard ahuri. La plupart d’entre eux n’en ont aucune idée. A la réflexion, ils se rendent compte qu’ils sont soucieux. Il s’agit donc de détecter ces pensées et d’en prendre conscience afin d’agir. Pour certains, il s’agit d?une révélation, mais beaucoup ont du mal à ne pas retomber dans ce travers.

Comment entraîner son cerveau?

En faisant des exercices qui vont, par exemple, apprendre à mieux jongler entre différentes tâches ou à mieux évaluer le flot d’informations qui nous inondent en permanence. Le cerveau et la mémoire finissent par filtrer plus rapidement ce qui est utile ou pas. On se sert de sa mémoire professionnelle pour traiter la vie active et sociale. Elle nous aide à ne pas nous disperser, c’est une sorte de frein aux informations non-pertinentes. Par exemple : nous sommes en train de parler du burn-out mais vous êtes peut-être en train de penser à ce que vous devez faire ce week-end. Votre mémoire professionnelle se charge de bloquer cette information car elle n’est pas pertinente à l’instant présent. Cela renforce votre mental qui résiste mieux aux distractions. Quand on est au bord du burn-out, on n’y arrive plus car la mémoire professionnelle sature.

Il faut aussi cesser d’être multitâches. C’est inefficace. De nombreuses entreprises s’imaginent que leurs employés doivent pouvoir accomplir trois ou quatre tâches en même temps. En réalité, ils ne font que sauter d’un projet à l’autre, sans véritablement avancer dans leur travail. Des études ont démontré que cette manière de fonctionner fait chuter le QI de 10 points. Non, il ne faut pas répondre immédiatement à ses mails. Si notre GSM sonne, c’est rarement pour nous annoncer un incendie à la maison. Or, on se dit : quelqu’un a pensé à moi, il faut que je réponde sans délai. C’est lié au circuit de la récompense du cerveau qui libère des neurostransmetteurs. A la longue, on développe une accoutumance. Or répondre au moindre stimulus rend le cerveau paresseux. En prenant conscience de ces stimuli, on retrouve sa concentration.

Les tâches uniques sur lesquelles on se concentre pleinement sont bien meilleures pour le cerveau. C’est un bon moyen de prévenir un burn-out. Une fois que le burn-out est installé, il faut beaucoup plus de temps pour récupérer (en moyenne 189 jours ouvrables).

Comment se traite un burn-out ?

Il faut envisager une approche globale : modifier ce qui peut l’être sur le lieu de travail, afin de rendre la fonction à nouveau supportable. La personnalité du travailleur joue un rôle : la façon dont on structure sa journée, dont on gère travail et vie privée. Les premières semaines, on conseille un repos total. Puis, on se remet progressivement au travail. Le perfectionnisme et la loyauté sont des traits de caractère qu’on ne peut pas changer. Nous apprenons à ce type de travailleurs à distinguer ce qui doit être parfait de ce qui peut l’être moins.

Après un burn-out peut-on reprendre le même emploi ?

C’est possible, mais il ne faut pas oublier qu’il y a une raison au burn-out. On doit envisager l’aménagement du travail : passer à 4/5, apprendre à déléguer... Reprendre le travail comme si de rien n’était n’est pas une solution !

Les signaux du burn-out

1. On réduit progressivement ses contacts sociaux. On n’a plus le temps et l’énergie pour voir ses amis, sa famille...

2. On tombe malade les premiers jours de vacances. Le corps subit une pression énorme au travail. Dès que la pression se relâche, le système immunitaire est à la merci des infections.

3. On souffre de maux de tête le week-end en réaction à un excès de stress. S’y ajoutent parfois des douleurs cervicales, dorsales ou aux épaules.

4. On souffre d’insomnies, on est facilement irrité, en colère.

Nous sommes nombreux à reconnaître ces signaux, mais on les attribue en général à d’autres causes, au lieu de songer qu’ils peuvent indiquer un risque de burn-out.

Burn-out, dépression ou surmenage ?

1. La dépression est un trouble de l’humeur ou émotionnel. Le burn-out est un trouble de l’énergie. Le surmenage aussi, mais il est plus limité dans le temps. C’est le cas, par exemple, si on exige trop de vous au travail pendant quelques mois pour respecter un délai. Après un surmenage, quelques semaines de repos suffisent en général à retrouver son équilibre.

2. Une personne dépressive est capable d’agir, mais elle ne le veut pas. Dans le cas d’un burn-out, on voudrait agir mais on ne le peut plus à cause d’un épuisement total. Il arrive que le burn-out débouche sur une dépression.

3. Lors d’un burn-out, on se sent épuisé tant sur le plan psychique que physique. Le surmenage s’accompagne de violentes sautes d’humeur, on se sent acculé. Dans le cas d’une dépression, on broie du noir, on culpabilise, on a des sautes d’humeur, on nourrit des pensées suicidaires...

4. La dépression mine tous les aspects de la vie. Le burn-out se limite à la sphère responsable des soucis : le travail. On peut souffrir de burn-out tout en se sentant heureux dans la sphère privée.

5. Le surmenage et le burn-out peuvent être traités par le repos et une thérapie destinée à aider à reprendre sa vie en mains. En cas de dépression grave et prolongée, on prescrit +des antidépresseurs associés à une psychothérapie.

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