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Diagnostic de démence : Savoir rassure

De la dévastation au soulagement : le diagnostic de démence occasionne un tsunami d’émotions contradictoires. Même si les moyens thérapeutiques sont limités, il est rassurant de savoir à quoi s’attendre.

Il s’écoule parfois plusieurs mois, voire une année entière entre cette première impression de « quelque chose qui ne va pas » et la démarche de consulter un médecin. « La personne se plaint habituellement de problèmes de mémoire ou de langage, de difficultés à se situer dans l’espace, précise le Pr Mathieu Vandenbulcke, neurologue et gérontopsychologue. Mais la maladie peut aussi induire des changements de comportement comme des réactions sociales inappropriées, une perte d’empathie, de l’indifférence ou de l’apathie. Ces symptômes ne sont pas toujours directement reliés à la démence alors qu’ils sont caractéristiques pour certaines formes de la maladie. Quand le patient est jeune, on a tendance à les imputer à un burn out ou à une dépression. »

LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DU DIAGNOSTIC

À la clinique de la mémoire, l’investigation est multidisciplinaire. Le dépistage est désormais plus précis et plus rapide grâce aux nouvelles techniques. « Les tests se font selon le système de cascade, explique le Pr Vandenbulcke. On commence par retracer l’anamnèse détaillée du patient sur base des informations fournies par le patient et sa famille. Dans le cas d’Alzheimer, j’entends souvent dire que, depuis un certain temps, le partenaire « était de plus en plus passif ». Un constat qui, au moment même, n’est pas mis en corrélation avec la démence mais qui, avec le recul, coïncide en tous points avec les symptômes habituellement observés.

Tous ces changements sont révélateurs d’une forme de démence. À ce stade, on effectue généralement un premier bilan des capacités cognitives. Différents tests permettent d’évaluer le fonctionnement de la mémoire, de la concentration et des fonctions du langage. Si les résultats s’écartent trop de la norme, on approfondit les recherches. »

IL FAUT COMPTER DEUX ANS EN MOYENNE ENTRE LES PREMIERS SYMPTÔMES ET LE DIAGNOSTIC DE DÉMENCE.

L’IMAGERIE

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau permet ensuite aux médecins d’identifier certaines caractéristiques des différentes formes de démence. « Avant, l’imagerie servait surtout à exclure d’autres problèmes, comme une tumeur, par exemple. Elle a aujourd’hui pour but de repérer une éventuelle détérioration de la structure de la mémoire dans le cerveau. »

Le neuropsychologue réalise ensuite toute une série de tests sur un large éventail de fonctions cognitives. Ces tests par écrit ou sur ordinateur consistent en une série d’épreuves que le patient doit efFectuer afin de sonder sa mémoire, sa capacité de raisonnement, sa concentration, sa capacité à trouver le mot juste, sa compréhension de la langue, ses émotions, son comportement en société, etc. « Ces tests sont importants pour confronter les résultats de l’imagerie (une altération des structures de la mémoire, par exemple) à la réalité. Nous comparons les résultats des tests neuropsychologiques à ceux des individus sains de même âge (le groupe de référence) et de même niveau d’érudition de manière à les remettre en perspective. »

La prise de sang a pour but d’écarter d’autres causes possibles. « Une carence en certaines vitamines, l’anémie, le diabète, les dysfonctionnements thyroïdiens, etc., peuvent également provoquer des troubles cognitifs sans qu’il ne soit question de démence. D’autres causes possibles sont également envisagées comme l’apnée du sommeil. »

Les résultats de tous ces tests suffisent parfois à poser le bon diagnostic mais pas toujours. « Si, par exemple, une légère altération de la structure de la mémoire est observée mais jugée insuffisante pour apporter une réponse définitive, des tests plus poussés s’imposent. »

DES ACCUMULATIONS DE PROTÉINES

L’imagerie fonctionnelle (scanner SPECT ou PET) fournit des renseignements encore plus détaillés sur le cerveau. « Le patient se voit injecter une substance légèrement radioactive qui sera absorbée par les différentes parties du cerveau. Il s’agit d’un traceur sensible à l’activité cérébrale, comme la mémoire. Les parties actives sont plus claires que les parties moins actives. » Il arrive que les résultats ne soient pas assez spécifiques pour déterminer s’il s’agit d’Alzheimer ou d’une autre maladie neurodégénérative.

« En cas de doute, un nouveau PET scan est effectué pour mesurer l’accumulation de protéines dans le cerveau. La protéine amyloïde est l’agent pathogène de la maladie d’Alzheimer. Une ponction lombaire peut également confirmer la présence de cette protéine dans le liquide céphalo-rachidien. Ces tests très spécifiques ne sont évidemment réalisés que lorsqu’on doute du diagnostic. »

QUELLE FORME DE DÉMENCE

« Un diagnostic précis présente de réels avantages, insiste le Pr Vandenbulcke. Le patient et la famille savent ainsi exactement de quoi il s’agit et à quoi s’attendre. Chaque forme de démence s’accompagne de symptômes différents. Ainsi, par exemple, certains problèmes comportementaux sont inhérents à la démence fronto-temporale et non à Alzheimer. Les troubles du comportement peuvent aussi être révélateurs d’autres causes sous-jacentes, qui peuvent parfois être traitées. Le traitement sera différent selon qu’il s’agit de démence fronto-temporale ou vasculaire, d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence. »

SAVOIR RASSURE

Comment réagit le patient quand il apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable, à l’évolution en grande partie prévisible ? « La quête pour identifier la maladie génère pas mal d’anxiété et d’incertitude. Une fois le diagnostic posé, aussi dévastateur soit-il, la plupart des patients se disent soulagés. Ils retrouvent une certaine tranquillité d’esprit et une certitude. Le diagnostic ne tombe pas du ciel, il ne fait que confirmer les soupçons de longue date. » Le partenaire sait à quoi s’en tenir et se montre plus compréhensif. Il sait à présent que le changement de comportement n’est pas lié à lui mais à la maladie et ce sentiment de culpabilité injustifié s’estompe.

LE DIAGNOSTIC APPORTE SOUVENT UN SOULAGEMENT PARCE QU’IL CONFIRME CE QUE LA PERSONNE SENTAIT.

« Lors de l’entretien de diagnostic, nous proposons d’emblée une sorte de plan d’action ainsi qu’un traitement médicamenteux. Des mesures d’accompagnement sont également envisagées. Selon nos observations, la période qui suit directement le diagnostic est déterminante pour l’évolution de la maladie. Si la régression s’aggrave la première année d’accompagnement, le pronostic quant à l’évolution future sera moins bon que pour un malade qui reste plus ou moins stable. »

Le diagnostic est aussi l’occasion de prendre toutes sortes de dispositions. « De l’organisation des soins aux aménagements à effectuer en passant par l’enregistrement des dernières volontés. » Les patients ont également l’occasion de participer à des études scientifiques. « Ils reprennent ainsi espoir et retrouvent une certaine motivation. Ils ont l’impression d’apporter leur contribution à la lutte contre la maladie. Ils savent que les progrès réalisés ne changeront pas grand-chose à leur sort mais qu’ils seront bénéfiques pour les générations futures. »

L’AVANTAGE DE LA FRANCHISE

Revers de la médaille : le terme « démence » suscite toujours une certaine méfiance. Une fois déclarée démente, la personne n’est sont plus considérée comme un individu à part entière. On ne s’adresse plus à elle mais à son/sa partenaire. « Cela tient à la méconnaissance de la maladie et de son évolution. On ne retient généralement que le stade final de la démence.

Chacun réagit différemment au diagnostic mais, en règle générale, la franchise vis-à-vis du patient ne présente que des avantages. Le fait de cacher longtemps le problème, ce qui arrive encore dans certaines familles, génère souvent des malentendus, voire des disputes. »

Comme le constatent régulièrement le dément et les aidants proches, la maladie entraîne une forme d’exclusion. Les visites et les invitations se font rares. « Alors que les études montrent à quel point il est important de maintenir une vie sociale, de relever de nouveaux défis. La stimulation des réseaux cognitifs par l’interactivité avec d’autres impacte l’évolution de la maladie et la qualité de vie. »

L’IMPORTANCE DU TIMING

« Un diagnostic trop précoce, posé avant avant l’apparition de symptômes, n’est pas une bonne idée. Tant qu’il n’existe pas de traitement qui s’attaquent aux causes, cela n’a aucun intérêt. Certaines techniques permettent effectivement de détecter, à un stade très avancé, l’accumulation de protéines dans le cerveau. Mais ce phénomène ne conduit pas nécessairement à la démence et permet encore moins de prédire quand la maladie pourrait ou non se déclarer. L’an prochain ? Le jour de vos 90 ans ? Cela n’a pas de sens. »

PAUL, 67 ANS – « JE SUIS CONTENT DE SAVOIR »

« Cela a commencé quand je travaillais encore à l’école où, comme ingénieur, j’accomplissais diverses missions, raconte Paul Goosesens, à qui on a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer. Plus le temps passait, plus j’avais du mal à avoir une vision globale de mon boulot. J’oubliais certaines tâches, j’avais du mal à suivre les réunions, je faisais des erreurs dans mes comptes rendus. J’avais conscience que quelque chose clochait. J’avais moins d’énergie, je laissais tomber ma tasse de café, je perdais l’équilibre...

Le verdict est tombé après le premier examen : Parkinson. Mais cela n’expliquait pas tout. Au début, ma femme et moi préférions ne pas trop en parler. Jusqu’au jour où le neurologue a confirmé qu’il y avait peut-être autre chose et nous a demandé si nous voulions savoir. Nous avons répondu par l’affirmative, sans hésiter, pour nous et pour nos enfants.

Le diagnostic d’Alzheimer, c’était comme si le ciel nous tombait sur la tête. Un coup de tonnerre dans un grand ciel bleu. Avec l’aide de l’équipe médicale, je me suis fait une raison assez vite. Pas question de faire l’autruche. Au contraire, je voulais vivre le plus normalement possible. Et cela marche. Depuis que je sais, j’entraîne mon cerveau autant que je peux : jeux de cartes, lecture, apps de quizz... Je pense que cela m’aide car les résultats des tests annuels restent stables.

Le fait de savoir me rassure. Je sais ce qui m’attend, je peux m’y préparer et en parler. Sans le diagnostic, toutes sortes de manifestations resteraient inexpliquées et cela m’angoisserait. Ma femme et mes enfants comprennent ce qui se passe les jours où je vais moins bien. Tous ensemble, nous avons planifié mon avenir, je leur ai fait part de mes dernières volontés. Je suis désormais en paix avec moi-même.

Je parle ouvertement de ma maladie car j’estime qu’il est important de montrer que les patients qui ont Alzheimer sont encore des êtres humains à part entière, capables de faire encore beaucoup de choses. Il arrive malheureusement qu’on ne les prenne plus au sérieux. Certains de mes amis refusent d’aborder le sujet de la démence, d’autres réagissent de façon très positive et s’intéressent à mon vécu. Cela m’a déjà valu de belles rencontres. »

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