Jargon psycho: apprenez à utiliser les bons mots
Psychopathe, nymphomane, hystérique... Nous employons quantité de termes psychiatriques dans nos conversations au quotidien. Mais les employons-nous correctement?
Psychopathe
DANS LE VOCABULAIRE COURANT: un psychopathe est un personnage effrayant, à la fois sadique et cruel, qu’on imaginerait facilement sous les traits d’un tueur en série. Un potentiel Hannibal Lecter, en somme!
EN PSYCHIATRIE: » La psychopathie est un trouble de la personnalité qui se caractérise principalement par un manque d’empathie, une impulsivité, un désir d’immédiateté (le psychopathe veut tout, tout de suite) et peu de considérations pour l’autre », explique le Dr Caroline Depuydt, psychiatre et cheffe de service à la clinique Fond’Roy.
Le psychopathe sait faire la différence entre le bien et le mal, mais ce qu’il veut a plus d’importances que ces considérations: s’il veut une montre mais qu’il ne peut pas se la payer, il pourra par exemple avoir tendance à la voler. Les actes de violence, le plus souvent impulsifs et non prémédités, ne sont pas systématiques: comme pour tout trouble ou pathologie mentale, la psychopathie regroupe un large spectre de comportements potentiellement problématiques. Il existe des psychopathes « légers » parfois adulés pour leur opiniâtreté et leur capacité à obtenir ce qu’ils veulent... notamment dans le monde politique ou des affaires.
Hystérique
DANS LE VOCABULAIRE COURANT:l’adjectif hystérique est employé pour qualifier une personne exaltée, surexcitée et impossible à canaliser. Il est le plus souvent utilisé pour désigner une femme.
EN PSYCHIATRIE: « Initialement, on parlait d’hystérie pour qualifier des personnes névrosées (lire encadré) allant assez loin dans la mise en scène dans leur rapport à l’autre, c’est-à-dire plutôt extraverties, et se recherchant des figures d’autorité, des relations amoureuses un peu dissymétriques, détaille le Dr Depuydt. Ceci dit, le terme vient du mot « utérus » et ne servait au départ à qualifier que des femmes – alors que de tels comportements existent aussi chez les hommes. » Une connotation profondément sexiste qui fait que le terme n’est aujourd’hui plus guère utilisé en psychiatrie. Et ne devrait plus l’être tout court?
Maniaque
DANS LE VOCABULAIRE COURANT:une personne maniaque s’attache excessivement aux détails au travail et dans la vie courante. Il faut que tout soit parfait à ses yeux.
EN PSYCHIATRIE: « C’est l’un des rares cas où un terme psychiatrique a complètement changé de sens dans le langage courant, pour en devenir quasiment l’opposé, s’étonne la psychiatre. Dans le cadre des troubles bipolaires, la phase maniaque n’a rien à voir avec des gestes très posés et carrés: elle correspond à la phase « haute », qui se caractérise par une désinhibition, une accélération de la pensée, une grande excitation. »
Paranoïaque
DANS LE VOCABULAIRE COURANT:une personne « parano » est une personne toujours persuadée d’être persécutée et agressée au moindre geste/propos.
EN PSYCHIATRIE: « Dans ce cas-ci, il y a du vrai: le grand symptôme de la paranoïa est effectivement un délire de persécution. Cela dit, la vraie paranoïa est un trouble psychotique (lire encadré) déconnecté de la réalité: à partir d’un phénomène réel – par exemple, les voisins laissent pousser plus haut leur haie qu’autorisé – la personne va échafauder tout un délire – c’est pour cacher le fait qu’ils se livrent à un trafic de drogue. » Il n’y a pas d’hallucination, mais une histoire initialement ancrée dans le réel...et qui part finalement en sucette. « Les propos du parano semblent souvent tenir la route d’un premier abord et il faut parfois du temps pour comprendre que cette cohérence est basée sur un raisonnement délirant. Le problème est que cette psychose peut parfois mener à des passages à l’acte. »
Nymphomane
DANS LE VOCABULAIRE COURANT: une nymphomane est une croqueuse d’homme à la sexualité débridée.
EN PSYCHIATRIE: « La nymphomanie est un problème psychiatrique bien plus lourd et grave qu’on a tendance à le penser, détaille Caroline Depuydt. Une femme qui en souffre est complètement obsédée par les relations sexuelles avec des hommes, à tel point que cela en est incontrôlable.C’est tout à fait différent d’une sexualité intense mais épanouie: ça la met dans des situations terribles, des relations non-protégées, instables, des viols, avec des abus en tout genre. En réalité, c’est même un pathologie très rare, je ne l’ai moi-même jamais rencontrée dans ma pratiquue. » à noter que ce trouble existe aussi au masculin, même si on en parle beaucoup moins: on parle alors de « satyriasisme ».
Névrose ou psychose?
Il existe deux grands types de troubles psychiques: les névroses, dans lesquelles les troubles sont ancrés dans la réalité (et les patients s’en rendent bien compte) et les psychoses, en partie déconnectées du monde réel (avec de potentiels délires, hallucinations, etc.). Un stress post-traumatique tient ainsi de la névrose, tandis qu’un homme ayant l’intime conviction d’être la réincarnation de Janis Joplin souffre très probablement d’une psychose.
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