La chaleur, une menace pour la santé
Avec la hausse des températures, l’organisme est mis à rude épreuve, notamment au niveau cardiovasculaire. Les épisodes de dépression sont, eux aussi, plus fréquents lors des canicules.
Ah, l’été ! Alors qu’il y a encore une décennie, on l’attendait comme le messie, aujourd’hui nous sommes nombreux à le redouter... C’est le cas de Manuela, 65 ans. « Je n’ai jamais beaucoup aimé la chaleur, mais avec l’âge, c’est de pis en pis. Je dors mal, je me sens nerveuse... Désormais, quand j’organise un week-end ou des activités avec mes petits-enfants, je privilégie le printemps ou l’automne. L’été, c’est paradoxalement la période où j’hiberne avec mon ventilateur ! » Il y a quelques années, Manuela a fait un bilan thyroïdien : tout s’est avéré normal. Simplement fait-elle partie de cette frange de la population qui tombe la veste dès qu’il fait 15°C... et meurt de chaud à partir de 25 ! « Bien sûr, dans certains cas, avoir toujours chaud peut être lié à un problème de thyroïde puisque les personnes qui ont une hyperthyroïdie ont toujours trop chaud et celles qui ont une hypothyroïdie toujours trop froid, détaille le Dr Christian Massot, de l’Observatoire de la santé du Hainaut. Mais en général, ces différences sont liées au métabolisme de base. Tout en restant dans des limites hormonales normales, certaines personnes sont plus sensibles à la chaleur. »
Le fait de mal vivre les périodes de chaleur est aussi lié aux variations très rapides de température que nous connaissons désormais sous nos latitudes. « Si vous vous expatriez dans un pays chaud, il est probable que dans les premiers temps, vous souffriez des températures, poursuit le Dr Christian Massot. Mais progressivement, le corps va s’adapter. Le problème c’est qu’en Belgique, on peut avoir 15°C et se retrouver tout à coup à 30... et là, évidemment, ça demande à l’organisme un très gros effort d’adaptation. » Car quel que soit l’endroit où on se trouve et la saison, notre corps conserve le même objectif : maintenir sa température à 37°C.
Des environnements peu adaptés
La chaleur constitue d’ailleurs parfois une menace réelle pour la santé. « Lorsque les températures augmentent fortement, on observe une augmentation de la mortalité, particulièrement parmi les personnes les plus fragiles : les personnes âgées mais aussi les femmes enceintes et les très jeunes enfants », explique le Dr Christian Massot. Les études montrent que si dans des villes comme Rome ou Madrid, la mortalité n’augmente qu’au-delà de températures très élevées, dans les villes plus au nord de l’Europe, comme Stockholm ou Londres, la mortalité commence déjà à augmenter dès 26-27 °C. « Cela s’explique par le fait que les gens du sud sont plus habitués à vivre sous des températures plus élevées, mais aussi par l’aménagement du territoire. »
Depuis des siècles, les villes méditerranéennes ont été conçues pour faire face aux fortes chaleurs en plein été.
Depuis des siècles, les villes méditerranéennes ont été conçues pour faire face à la chaleur en plein été (orientation des bâtiments, type de matériaux, tailles des fenêtres...). En revanche, les villes du nord ont été davantage pensées pour faire face au froid en plein hiver et peu à la chaleur, puisque cette situation ne les concerne que depuis très récemment. « Le problème est particulièrement présent en zone urbaine, avec des îlots de chaleur liés au manque de verdure et à l’ombre que peuvent apporter les arbres, commente le Dr Christian Massot. Par ailleurs, les bâtiments en dur accumulent la chaleur, la restituent et augmentent cet effet. » Moralité : nous sommes globalement assez mal équipés pour faire face aux périodes de canicule dans nos pays ! Bien sûr, si on possède un jardin, qu’on vit dans une habitation bien isolée, voire qu’on bénéficie de l’air conditionné, l’été sera plus facile à supporter que si on vit dans une passoire thermique sans accès à un espace vert...
Le cœur mis à l’épreuve
Outre ces inégalités sociales, certains problèmes de santé peuvent augmenter les risques de complications liées à la canicule. « C’est le cas des personnes qui présentent des problèmes vasculaires, psychiatriques, pulmonaires, rénaux, neurologiques ou encore endocriniens », détaille le Dr Christian Massot. Soit un bon nombre de maladies chroniques. Deux mécanismes expliquent en particulier l’impact de la chaleur sur le risque cardiovasculaire. Premièrement, la déshydratation, qui a tendance à épaissir le sang et favorise donc la formation de caillots susceptibles de boucher une artère. Deuxièmement, la vasodilatation, qui nécessite une augmentation du rythme cardiaque d’environ 10 à 15% afin que le cœur puisse alimenter tous les organes et permettre l’évacuation de la transpiration. « Au niveau respiratoire, c’est l’ensemble de ce qui se passe par temps de canicule qui pose problème, ajoute le Dr Christian Massot, c’est-à-dire aussi le taux d’ozone, les poussières dans l’air, les pollens... » Ces paramètres font d’ailleurs partie aujourd’hui des bulletins météo. Avant de s’adonner à certaines activités physiques en plein air, comme le vélo ou la course, mieux vaut s’informer.
Santé mentale et chaleur
Récemment, plusieurs recherches scientifiques ont par ailleurs montré que les températures élevées affectaient de manière significative la santé mentale. Aux États-Unis, en 2022, une équipe a mis en avant une augmentation de 8 % des admissions à l’hôpital pour raisons de santé mentale lors des journées les plus chaudes. En 2022 toujours, une équipe de l’Inserm a montré, en étudiant le registre des causes médicales de décès depuis 1968, que la mortalité par suicide était corrélée aux augmentations de température. Enfin, en 2023, une étude publiée dans The Lancet a confirmé que l’augmentation de la température et les canicules étaient statistiquement associées à une hausse des admissions à l’hôpital pour des troubles de la santé mentale, ainsi qu’à une augmentation des suicides.
La hausse des cas de dépression est particulièrement documentée et semble avoir une explication physiologique. L’augmentation de la température affecte en effet les niveaux de certaines hormones comme la sérotonine et la dopamine, impliquées dans la régulation de l’humeur. Ces neurotransmetteurs interviennent par ailleurs dans les fonctions cognitives, ce qui peut être particulièrement difficile à vivre pour les plus âgés : par temps chaud, on se sent plus lent, moins vif, embrouillé... L’augmentation de la température dans le cerveau crée également une neuro-inflammation générale, qui affecte la santé mentale. Enfin, le manque de sommeil lié à des températures nocturnes élevées pourrait entrer en ligne de compte. Tout comme l’isolement social associé à ces périodes où les sorties et les interactions sont plus limitées. Par temps chaud, il est donc plus que jamais important de se ménager, physiquement et psychologiquement...
La chaleur a aussi du bon...
• Contre l’ostéoporose et les maladies infectieuses. La vitamine D joue un rôle majeur dans la santé osseuse, mais aussi dans l’immunité. De récentes études suggèrent qu’elle intervient aussi dans la prévention du diabète de type 2 et de certains cancers. Or la vitamine D est produite essentiellement grâce à l’exposition au soleil, tandis que l’alimentation ne fournit que 20 % des apports recommandés. Pendant l’été, il est tout à fait possible d’atteindre des taux satisfaisants de vitamine D en passant du temps dehors... à condition de montrer ses bras ou ses jambes. Il est en effet nécessaire d’exposer une surface de peau suffisante pour synthétiser la vitamine D.
• Contre le psoriasis. Chez la majorité des patients, les rayons UV du soleil réduisent l’inflammation cutanée et atténuent les plaques de psoriasis. Il est cependant important de s’exposer progressivement, de protéger sa peau avec une crème solaire et d’éviter l’exposition aux heures les plus chaudes de la journée. Une exposition trop rapide et trop intense peut en effet avoir l’effet inverse et aggraver le psoriasis.
• Contre l’arthrose. Le froid, l’humidité et le vent ont tendance à accentuer les douleurs dues à l’arthrose. Un climat ensoleillé et chaud marque souvent au contraire une diminution des douleurs. L’été est l’occasion de « réchauffer ses vieux os »...
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici