Les personnes de plus de 65 ans boivent-elles trop d’alcool?
La génération des 65+ a tendance à lever le coude facilement. Même si les femmes et les hommes ne boivent pas forcément pour les mêmes raisons...
Parmi les 65 +, plus de 8 personnes sur 10 ont consommé de l’alcool au cours de l’année écoulée, et plus d’un quart d’entre elles ont bu plus que la quantité maximale recommandée par semaine. Les femmes boivent autant que les hommes, mais leurs motivations sont différentes, comme Yannic van Gils, psychologue clinicienne, a pu l’établir au cours de sa thèse de doctorat.
« De nombreuses études ont été menées sur la façon dont les jeunes gèrent leur consommation d’alcool, mais très peu sur la manière dont les plus de 65 + le font, souligne Yannic van Gils. Dans le cadre de mes recherches, je me suis intéressée à cette vaste zone grise comprise entre l’abstinence totale et la forte dépendance à l’alcool. À l’intérieur de ce spectre, la consommation excessive d’alcool sans dépendance est également courante. Les plus de 65 ans d’aujourd’hui affrontent la vie de manière très différente des générations précédentes. Mentalement, ils ont tendance à se sentir plus jeunes et à poursuivre leur vie active d’avant la retraite, tandis que physiquement, leur corps vieillit bien sûr. Or, avec l’âge, un organisme réagit différemment à l’alcool, sur le plan tant physiologique que mental. Ainsi, des quantités modérées d’alcool peuvent déjà avoir un impact sur le corps, alors que mentalement vous ne le remarquez pas immédiatement. À plus long terme, la consommation fréquente d’alcool affecte aussi l’esprit, avec le risque de se lever moins en forme ou de se sentir plus irritable. Au fil du temps, cela peut avoir un impact à la fois sur la santé, car l’alcool favorise diverses pathologies, et sur le budget des soins de santé. »
Presque tout le monde boit
Dans le cadre de cette étude, près de 2.000 personnes de plus de 65 ans ont été interrogées de manière approfondie sur leur consommation d’alcool. Il en ressort que l’alcool reste très présent dans cette tranche d’âge. « Plus de 80% des gens boivent régulièrement un ou plusieurs verre(s). Un quart d’entre eux (26,6%) peuvent être classés dans un groupe à risque pour la santé, parce qu’ils boivent plus de trois unités par jour ou plus de sept unités par semaine. Et 15,8% des personnes interrogées peuvent être décrites comme des buveurs excessifs. C’est-à-dire qu’elles consomment plus de quatre verres (pour les femmes) ou cinq (pour les hommes) chaque jour. »
Des raisons différentes
Les femmes et les hommes de plus de 65 ans lèvent aussi fréquemment le coude les uns que les autres, mais invoquent des raisons différentes pour le faire. « Nous ne nous attendions pas à ce que les motivations du groupe qui boit excessivement soient si différentes. Lorsque les femmes boivent à l’excès, il s’agit le plus souvent d’un réflexe adaptatif qui les aide, pensent-elles, à atténuer leur mal-être ou des émotions négatives. Elles ont tendance à utiliser l’alcool comme une sorte de remède pour l’âme, dans le but de faire face à un coup de déprime, à de l’irritabilité ou des idées noires. Les sentiments dépressifs, en particulier, sont fortement liés à la consommation excessive d’alcool. Quand une femme se plaint d’un accès de déprime, on ne saurait trop conseiller aux personnels soignants et aux médecins généralistes de l’interroger sur sa consommation d’alcool... »
Plus de 80% des 65+ boivent régulièrement un ou plusieurs verre(s).
Les hommes qui boivent beaucoup disent être plus enclins à ouvrir une bouteille pour intensifier ou stimuler leurs émotions positives. « Pour les hommes, l’alcool sert très souvent de désinhibiteur, il les aide à être plus décontractés et plus sociables. Chez eux, c’est davantage une façon de poser un couvercle sur leurs soucis et de se mettre dans un mood positif. C’est une approche totalement différente. Une explication possible à ce phénomène est peut-être à rechercher du côté de la psychologie du développement. Nous en déduisons que les femmes qui ne vont pas bien sont enclines à se replier sur elles-mêmes, tandis que les hommes vont plus vers les autres », avance Yannic van Gils.
Précieuse résilience
Le degré de résilience ou de résistance des 65 + face à la vie semble être un élément déterminant dans le lien entre mal-être et consommation excessive d’alcool. « L’étude démontre que les plus de 65 ans qui sont résilients se tournent très peu vers l’alcool en cas de mal-être. Ce groupe-là boit occasionnellement dans un contexte social, mais n’utilise pas l’effet stimulant de l’alcool pour masquer ou atténuer des problèmes. La résilience est donc un atout précieux qu’il faut apprendre à renforcer, car ça ne peut être que bénéfique pour la santé. Aujourd’hui, on en parle beaucoup pour le mieux-être des enfants et des ados, mais les plus de 65 ans en bénéficieraient tout autant. »
Prise de conscience
Il y aurait également beaucoup à faire en matière de sensibilisation. Les 65+ sont encore trop nombreux à ne pas se rendre compte de l’impact de la consommation d’alcool sur leur santé: mal-être diffus, troubles du sommeil, douleurs diverses... Et gare à l’association d’alcool et de certains médicaments!
« Je pense que les plus de 65 ans ne sont pas assez informés. Tant que quelqu’un ne se plaint pas, presque personne ne prête attention à ses habitudes de consommation. Il en va de même pour les personnels de santé: lors des consultations, jamais ils n’abordent systématiquement ce sujet. C’est pourquoi, à travers cette étude, nous réclamons que la consommation d’alcool fasse l’objet d’un débat plus large et que les problèmes de santé qui peuvent y être liés soient davantage dépistés. Sans pour autant montrer du doigt ou interdire de boire de l’alcool. Nous voulons plutôt encourager les gens à réfléchir à la façon dont ils gèrent la situation. Combien de verres buvez-vous? Pourquoi le faites-vous? Comment votre corps réagit-il? Comment vous sentez-vous? Y a-t-il un lien avec des symptômes ou soucis éventuels? Cela permettrait d’intervenir plus rapidement en cas de problème. Un petit feu est plus facile à éteindre qu’un grand incendie. »
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