Massages, maquillage, soins... L’esthétique sociale au service des malades
Se faire une manucure malgré la chimio qui abîme les ongles? Maquiller un visage transformé par la maladie? Autant de gestes qu’enseigne l’esthétique sociale. Tout sauf superficiel...
« Dans la vie de tous les jours, les soins esthétiques ont plus d’impact sur mon bien-être que la chimio qui me soigne, mais me rend malade« , confie Christelle, 48 ans, atteinte d’un cancer du sein. Sur les conseils de son infirmière coordinatrice, Christelle a commencé à fréquenter l’espace bien-être L’Essentiel à Namur, une maison de ressourcement qui accueille les personnes (patients et proches) confrontées au cancer. Massages, soins esthétiques, conseils coiffure et maquillage, hypnose, mais aussi ateliers collectifs (sophrologie, cuisine, art-thérapie, soutien à la reprise du travail...) y sont proposés dans une approche de médecine intégrative, qui travaille sur la personne dans sa globalité.
« Au début, cela m’a paru tout à fait secondaire, poursuit Christelle. Puis, j’ai commencé à me demander comment j’allais prendre soin de ma peau. La peau est fragilisée par les traitements et les nausées liées à la chimio rendent les produits parfumés difficiles à supporter. La chimio attaque aussi la matrice des ongles, qui ont tendance à se décoller, avec des bactéries qui peuvent se développer, entraîner des mauvaises odeurs, un décollement, une chute... Il faut donc les protéger avec des soins adaptés et appliquer un vernis foncé. »
Des gestes spécifiques
Cédrine Gorreux est l’une des pionnières de l’esthétique sociale en Belgique. Elle dispense des soins à l’espace L’Essentiel, une initiative du CHU de Namur soutenue par le Fonds Emile Salamon. Cédrine est également fondatrice de l’asbl Le Temps d’un Instant, qui vise à rendre les soins esthétiques accessibles à tous, qu’il s’agisse de femmes atteintes d’un cancer, victimes de violences conjugales ou en réinsertion professionnelle. « Il faut prendre des précautions quand on fait des soins esthétiques à une personne sous traitements, analyse-t-elle. Par exemple, en cas de réaction inflammatoire liée à la chimiothérapie, lorsqu’on emploie une râpe classique lors d’une pédicure médicale, on peut blesser la personne.« C’est aussi vrai pour l’épilation à la cire, qui peut causer des dommages sur une peau affinée par les traitements. Ou encore pour les massages, lorsque certaines zones du corps sont rendues douloureuses par la maladie. « C’est tellement agréable d’avoir un moment où quelqu’un s’occupe de nous sans qu’on doive tout lui expliquer, raconte Virginie, 38 ans, également atteinte d’un cancer du sein. Quand on est sous traitement, le rapport au corps est très médicalisé. Ici, c’est un cocon, avec un toucher qui est de l’ordre du soin mais qui n’est pas technique. »
Entre la personne qu’on était avant et après la maladie, on est parfois méconnaissable
Mère de deux enfants, Virginie a découvert son cancer du sein il y a trois ans, le jour de ses 35 ans. « Au début, j’étais dans le déni. J’ai d’ailleurs un black-out total sur la période où j’ai perdu mes cheveux. Je ne pouvais tout simplement pas voir mon reflet, même au détour d’une vitrine... Dans le cancer du sein, toute la féminité est atteinte. » « C’est d’autant plus difficile à vivre que nous sommes dans des sociétés où l’apparence compte énormément et où les femmes sont en général très dures avec elles-mêmes, rappelle Cédrine Gorreux. Je n’en connais pas beaucoup qui se lèvent en se disant Oh je suis belle aujourd’hui. Mais avec la maladie et les traitements, on peut maigrir, grossir, avoir le teint gris, les cheveux, les cils et les sourcils qui tombent... Entre la personne qu’on était avant et après la maladie, on est parfois méconnaissable. » Pourtant, pour certaines femmes, ce tournant crée aussi un renversement des priorités: enfin, elles cessent de se faire passer en dernier... « Beaucoup de femmes ne prennent pas soin d’elles parce qu’elles passent leur temps à s’occuper de leur mari, de leurs enfants, de la maison, du boulot... Se mettre une crème avec douceur et respect, c’est déjà apprendre à s’accorder quelques minutes pour soi chaque jour« , suggère Cédrine Gorreux.
Un impact psychologique
Si les traitements contre le cancer ont beaucoup progressé, la maladie affecte toutes les dimensions de la vie: sociale, professionnelle, familiale, amoureuse... C’est pourquoi les professionnels de santé s’accordent aujourd’hui à dire que les traitements médicaux ne suffisent pas: il est tout aussi important de conserver une bonne image de soi, un bon moral, des liens sociaux, un mode de vie sain... Le bien-être global aide d’ailleurs à mieux supporter les traitements et à limiter les risques de récidives. « Au moment où j’ai commencé à travailler comme esthéticienne sociale, il y a plus de dix ans, beaucoup se demandaient encore ce qu’une esthéticienne pouvait venir faire en milieu hospitalier, se souvient Cédrine Gorreux. Par rapport aux risques vitaux, on considérait que c’était superficiel. Or, on sait aujourd’hui que cela peut apaiser l’anxiété, avec moins de prise en charge médicamenteuse à ce niveau-là. »
Aux yeux de Virginie, les soins esthétiques sont aussi indispensables que la prise en charge psychologique... « J’en ai bénéficié aussi et c’est très bien car on peut dire ce qui ne va pas, mais au fond, il n’y a pas de solution. Tandis qu’en esthétique, il y a des solutions concrètes: de l’huile pour faire repousser les cheveux plus vite, des conseils pour trouver des produits hypoallergéniques... Ce sont de petites choses, mais qui nous aident à reprendre la main. Mon seul regret? Ne pas en avoir bénéficié plus tôt! »
Liste des espaces de bien-être sur https://www.cancer.be/aide-aux-patients/la-fondation-votre-service/maisons-de-ressourcement
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