Anouk Buelens - Terryn
Merci, le bouton d’alerte!
Dr. Anouk Buelens – Terryn est médecin généraliste en formation et écrit sur la pratique quotidienne.
C’est la première fois que je sonne à la porte de cette maison bel-étage. Le yucca posé sur l’appui de fenêtre reçoit, à l’évidence, bien trop de soleil direct et bien trop peu d’eau depuis pas mal de temps... Le hall d’entrée est vide et désert, jusqu’à ce qu’une paire de pantoufles apparaisse, en haut de l’escalier. Elles descendent au ralenti et dévoilent deux chevilles qui semblent aussi sèches que la terre de la plante en pot. Je remarque le coin retourné d’un grand tapis. Serait-ce le signe d’une chute récente?
L’avant-bras noueux qui ouvre une série de loquets en témoigne. Le peignoir ne cache pas certaines zones de peau bleues, vertes et jaunes. Toute une gamme d’ecchymoses visible à la lumière du jour… que cette personne ne doit plus voir très souvent. «Ah, enfin vous êtes enfin là,» souffle la femme. Cela fait quelques heures à peine qu’elle a téléphoné au cabinet pour le renouvellement de ses prescriptions. Je pense qu’il va aussi falloir aborder avec elle un risque accru de chutes.
Je remarque au passage plusieurs facteurs de danger: une paire de mules qui tiennent à peine aux pieds et des tapis partout dans le chemin, premiers sujets que nous abordons. Cette patiente s’alimente aussi trop peu. A cela s’ajoute la prise de somnifères qui peuvent provoquer étourdissements et confusion. Le risque de trébucher, la nuit, sur une pantoufle qui traîne est bien réel, lui dis-je. Devant son air dubitatif, je lui fais remarquer que cela n’a rien d’un scénario de fiction: plusieurs heures se sont écoulées entre sa chute et le moment où son aide-ménagère l’a retrouvée. Encore heureux que celle-ci avait la clé et soit venue le jour même! Elle lui doit une fière chandelle...
Plusieurs heures se sont écoulées entre sa chute et le moment où son aide-ménagère l’a retrouvée.
La patiente ne sait comment faire pour éviter de se retrouver, à l’avenir, dans un tel état de dépendance. Je lui suggère de s’équiper d’un bouton d’alerte en cas de chute. Ce serait au moins l’assurance pour elle de ne pas rester trop longtemps sur le sol si elle tombe et ne parvient pas à se relever. Mais le bouton d’alarme ne règle en rien les causes de sa chute. Pourrait-on envisager de réduire sa prise de somnifères? Ah ça non, plutôt arrêter d’un coup! D’ailleurs, elle a déjà été à court pendant quelques nuits parce que sa boîte était vide. Comme il s’agit de sa santé, je la laisse libre d’en décider et de trancher… non sans lui expliquer quels sont les risques et les effets secondaires possibles lorsqu’on arrête brusquement de prendre ce type de médicament.
Quelques semaines plus tard, je reçois un coup de fil de son fils. Il m’annonce que sa mère est hospitalisée pour une fracture de la hanche. La veille au soir, l’alarme s’est déclenchée. Il se félicite d’avoir réussi à convaincre sa mère de s’équiper du précieux appareil. Cela lui a permis de la trouver, à temps, immobilisée au sol, après une chute derrière une commode située dans la chambre à coucher. Elle-même n’aurait jamais eu la force nécessaire pour repousser le lourd meuble et se remettre debout. «Et vous savez pourquoi elle a jugé bon de s’agiter ainsi au milieu de la nuit? » me demande son fils. «Pour récupérer un somnifère qui avait roulé sous la commode!»
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