© Getty Images

Soins médicaux: le patient doit pouvoir décider de son traitement

PlusMagazine.be Rédaction en ligne

Difficile de prendre part aux décisions qui concernent notre santé dans un système où on est confronté à un jargon difficilement compréhensible et à des médecins pressés.

Je ne me suis pas sentie écoutée, ni comme patiente, ni comme être humain», déplore Elke sur la plateforme PatientEmpowerment, une asbl qui promeut une relation d’égal à égal entre soignants et patients. Elle raconte comment une maladie rare de l’oreille et de l’audition a provoqué des tensions avec son médecin traitant. «Ses convictions médicales ne laissaient aucune place à mon avis. Il parlait toujours du patient, mais jamais de moi!»

Une soumission

«Après quelques consultations, j’ai trouvé le courage d’exprimer mon point de vue. Nous avons alors décidé d’une opération qui a parfaitement réussi puisque les symptômes ont disparu. Avec le recul, je suis heureuse d’avoir persévéré et d’avoir osé dire ce qui était important pour moi. Notre relation s’est même améliorée. Mais d’un autre côté, j’estime anormal qu’un patient, vulnérable parce que malade, doive quasi exiger d’être écouté. Trop souvent, on se retrouve dans une position de soumission par manque de connaissances médicales.»

Annet Wauters, de PatientEmpowerment, comprend parfaitement le ressenti d’Elke. «Une relation d’égal à égal est essentielle. Les patients doivent pouvoir décider du type de soins qu’ils reçoivent. Avant, le médecin avait souvent le dernier mot alors qu’aujourd’hui, le consentement éclairé est l’un des droits du patient. Après un diagnostic, vous avez le droit de connaître toutes les options thérapeutiques, leurs avantages et inconvénients, leur prix, etc. Le médecin doit vous informer dans un langage compréhensible et envisager avec vous la meilleure option. Et la décision finale vous appartient.»

Des soins personnalisés

N’est-il pas préférable de laisser au médecin les décisions concernant notre santé? «La médecine n’est pas une science exacte, rappelle Annet Wauters. Vous avez tout intérêt à contrôler vous-même votre parcours de soins et donc à réfléchir à ce que vous souhaitez exactement. Jusqu’ici, la logique médicale prévalait: quel est le problème et quel traitement offre les meilleures chances de guérison? La question de savoir si le médecin répondait aux souhaits de son patient était secondaire.» Les droits du patients vont à l’encontre de cette vision du médecin tout puissant en introduisant la notion de soins personnalisés, au service des objectifs personnels du patient. Un passionné de vélo atteint d’un cancer de la prostate ne voudra peut-être pas d’un traitement qui l’empêchera de pratiquer son sport par la suite, même si le pronostic du traitement alternatif est moins favorable.

Après un diagnostic, vous avez le droit de connaître toutes les options thérapeutiques, leur prix, etc

Annet Wauters cite l’exemple d’un patient âgé atteint d’un cancer qui a reçu pendant deux ans tous les traitements possibles dans l’espoir de prolonger sa vie. «Il a finalement dû être admis dans une maison de soins où il est décédé des effets secondaires de son traitement. Avec le recul, je suis persuadée qu’il aurait préféré une vie plus courte mais de meilleure qualité. Ce choix devrait toujours exister. En théorie, les médecins souscrivent au principe de la liberté de choix mais, dans la pratique, la logique médicale l’emporte encore régulièrement sur les souhaits du patient. On notera toutefois que deux personnes présentant exactement la même pathologie et le même pronostic ont droit, si elles en expriment le souhait, à des traitements différents.»

Oser s’affirmer

Pour mieux affirmer vos droits en tant que patient, commencez par réfléchir à vos objectifs de vie. Quelles sont vos priorités? La forme physique, les facultés mentales, continuer à travailler le plus longtemps possible, vivre le plus longtemps possible? Dans quels domaines souhaitez-vous conserver votre indépendance, quelles sont les libertés auxquelles vous êtes attaché? Quels sont vos talents et qu’est-ce qui vous procure du plaisir? «Notre outil de recherche d’objectifs aide à répondre à ces questions, souligne Annet Wauters. Il définit également le soignant le plus qualifié par rapport à un objectif donné. Un kiné ou un ergothérapeute ne vous aidera pas de la même manière qu’un médecin ou un psychologue. Vous décidez de la combinaison de soins qui répond le mieux à vos priorités. Nous recommandons également les groupes de parole. Comment les autres vivent-ils leur diagnostic et leur traitement? Quels sont leurs objectifs? Leurs témoignages peuvent vous aider à déterminer votre propre position.»

La présence d’une personne de confiance est bienvenue lorsque le médecin a une mauvaise nouvelle

«Certains patients taisent leurs souhaits ou leurs inquiétudes de peur d’offenser leur médecin. Mais ils ne devraient pas le faire! Tous les soignants, y compris les médecins, sont tenus d’écouter vos objectifs personnels et d’en tenir compte dans leur proposition de traitement. Demander un deuxième avis ne devrait même pas poser problème. Il suffit de dire, en toute honnêteté, que vous préférez ne pas vous précipiter et que vous souhaitez un deuxième avis, pour lequel vous n’avez d’ailleurs besoin d’aucune autorisation. Un médecin qui refuserait votre demande ne serait probablement pas le bon soignant pour vous.»

Enfin, vous pouvez choisir une (ou plusieurs) personne de confiance pour vous accompagner, qui sera présente lors des consultations, parlera pour vous si vous ne vous en sentez pas la force et aura accès à votre dossier. «Choisissez une personne qui vous connaît bien. Elle sera utile pour, par exemple, passer en revue les avantages et inconvénients du traitement proposé, vous aider à exprimer vos souhaits et vos préoccupations et enregistrer les informations que vous n’auriez pas saisies. Sa présence est particulièrement bienvenue lorsque le médecin a une mauvaise nouvelle.»

Pas une question de temps

C’est bien joli en théorie mais les médecins ont-ils le temps de prendre en compte les souhaits de leurs patients? «Ce n’est pas une question de temps, mais de qualité des soins, estime Annet Wauters. Répondre aux objectifs de vie d’une personne, c’est lui dispenser des soins de meilleure qualité. Les patients qui participent à la définition de leur parcours de soins sont plus susceptibles de bien observer leur traitement. Un objectif défini de commun accord réduit également la probabilité que les patients cherchent un coupable en cas d’échec du traitement.»

Certains médecins craignent de consacrer trop de temps à un patient au détriment de leurs autres patients. «Je comprends cette préoccupation, mais elle est inutile. Les soins personnalisés améliorent la qualité de vie des patients. L’entretien préliminaire prend peut-être un peu plus de temps, mais on entre plus rapidement dans le vif du sujet et on évite les traitements non souhaités. Tout le monde y gagne. S’inquiéter des souhaits du patient n’est pas très compliqué. Il suffit d’une simple question du genre «Qu’est-ce qui est important pour vous dans la vie ?». La réponse permet parfois au médecin d’en apprendre plus que par le diagnostic lui-même.»

Préparer son rendez-vous

Notez tout ce que vous voulez savoir sur votre maladie, les examens complémentaires et les traitements possibles. Comment le traitement et ses effets secondaires peuvent affecter votre travail, votre famille, vos loisirs, vos relations sociales...

Donnez toutes les informations dont vous disposez. Dressez une liste des médicaments que vous prenez, des diagnostics et des traitements précédents. Ayez également avec vous le formulaire de recherche d’objectifs de vie complété.

Demandez des explications supplémentaires si vous ne comprenez pas quelque chose ou si vous avez des doutes. Dites, par exemple, que vous ne comprenez pas le jargon médical ou que vous voulez en savoir plus sur les effets secondaires d’un traitement et sur la façon d’y faire face. Demandez s’il existe des alternatives, leur coût et dans quelle mesure elles vous permettent d’atteindre vos objectifs. En cas de doute, osez demander un deuxième avis.

Faites-vous accompagner par une personne de confiance. Un membre de la famille ou un ami peut vous apporter un soutien émotionnel. Fréquentez un groupe de parole. Les personnes souffrant de la même maladie sont également un soutien et leurs expériences peuvent vous aider à faire des choix.

Auteur: Thomas Detombe

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire