Une drogue, le fromage ?
Une étude menée par des scientifiques de l’université du Michigan concluait récemment que le fromage est aussi addictif qu’une drogue. A Paris, d’autres spécialistes crient au scandale.
Première constatation : de quel fromage parle-t-on ?, s’interrogent dans le magazine Sciences et Avenir Bertrand Nalpas, directeur de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et chercheur en addictologie, et Philip Gorwwod, psychiatre spécialiste des addictions à l’Hôpital Sainte-Anne à Paris.
Ils estiment ensuite qu’on ne peut raisonnablement parler d’addiction au fromage quand on sait que ce terme désigne » une réalité médicale précise « . » C’est un mode d’utilisation inadapté de substances qui conduit à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative « , selon la définition proposée par le manuel de l’Association américaine de psychiatrie. Il est donc inconcevable d’assimiler les effets du fromage sur le cerveau à ceux des opioïdes.
Une addiction obsessionnelle
L’étude américaine, publiée par la US National Library of Medicine, a été réalisée sur base des comportements alimentaires de 500 étudiants. La pizza, composée majoritairement de fromage, semble être l’aliment qui rend ces jeunes le plus dépendant. Le fromage contient une protéine appelée caséine, présente dans tous les produits laitiers. Lors de la digestion, la dégradation de la caséine libèrerait de la casomorphine, un composant chimique, qui elle-même activerait les récepteurs du cerveau liés à la dépendance. Selon les chercheurs américains, la caséine aurait donc un effet sur notre organisme comparable à celui des opiacés, mais aussi du tabac et de l’alcool. On ignore cependant si une part importante de casomorphines traverse la paroi intestinale pendant la digestion pour se répandre dans le système sanguin et parvenir jusqu’au cerveau. Mais » cela reste une hypothèse puisque la dépendance à la caséine n’est scientifiquement pas prouvée « , affirment Bertrand Nalpas et Philip Gorwood.
Le fromage serait une addiction qui tourne à l’obsession tout en étant moins nocive, reconnaissent les chercheurs du Michigan. Ils précisent toutefois que l’addiction alimentaire est notamment la conséquence de comportements inscrits dans nos gènes qui, pendant des dizaines de milliers d’années, nous ont fait préférer les aliments composés de grandes quantités de graisses animales pour des raisons de survie. Mais pour les spécialistes parisiens, les aliments ne provoquent pas d’effet de manque et de perte de contrôle sur soi, « sauf cas exceptionnels ».
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