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Apprendre à dire non sans culpabiliser

Sophie Mercier Conseillère conjugale et familiale

Apprendre à dire non exige un important travail sur soi pour repenser sa relation avec les autres. Mais après avoir dit non, encore faut-il ne pas culpabiliser...

Amélie : « Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai préféré dire  » oui  » pour ne prendre aucun risque. J’ai préféré supporter, suivre, attendre, accepter, remplacer, rester immobile, subir ... pour ne pas perdre quelque chose ou quelqu’un.

Lorsque mon père tombe malade et est rapatrié en Belgique, sans me poser aucune question, je m’en occupe tout comme mon frère et ma soeur. Il est placé dans une maison de repos. Il le vit mal. Il reprend des forces. Sa place n’est pas véritablement là. La maison de repos coûte cher. Je propose de l’héberger à la maison. Dans ma tête, je ne vois rien, je ne prévois rien dans l’avenir, j’agis sur le moment présent : je suis en mode soldat, j’agis et je ne me retourne pas pour écouter les réactions, commentaires, précautions, avertissements sérieux, intrusifs dans ma vie.

Et puis le téléphone sonne et je sens que cela va être difficile. Mon cerveau a déjà compris et envoie immédiatement des ondes négatives sur mon corps. Ma mère me dit que si mon père vient habiter chez moi, nous ne nous verrons plus. Dans mon esprit c’est fulgurant. C’est l’éruption. Du chantage affectif en pleine tempête. Plus de complicité, plus de rires, plus de dîner à l’improviste avec elle. C’est dommage ... Je ne dis pas non, je dis c’est dommage ! Nous ne nous reverrons pas mais je ne changerai rien à ma décision. Je tremble. Quelque chose s’écroule. Une perte de repère. Je refuse d’entrer dans ce chantage. Ma mère évoque sa solitude, le manque de reconnaissance à son égard.

Je me sens terriblement coupable et révoltée car elle me demande de choisir mon camp.

J’ai dit non à ma mère. Je me sens coupable de ce qu’elle a ressenti.

Je n’ai pas dit non à mon père. Petit soldat j’ai agi pour avoir sa reconnaissance. Aujourd’hui je sais que je me suis trompée. Je devais dire non. Je n’ai rien gagné. J’ai perdu mon énergie, ma bienveillance à mon égard. « 

LA CULPABILITÉ EMPÊCHE DE SE REMETTRE EN QUESTION

Nous sommes tous confrontés à devoir dire non à une situation qui dépasse nos limites. Dire non à quelqu’un que nous aimons, dire non à un service demandé qui ne nous convient pas, dire non à l’attente de l’autre. Pour beaucoup, c’est difficile et cela génère beaucoup de culpabilité et de peurs. Amélie n’a pas réussi à poser ses limites. Même si son corps lui envoyait des signaux, ses habitudes de fonctionnement et son éducation ne lui ont pas permis d’écouter son intuition. Si elle en a terriblement souffert, cette expérience a malgré tout été constructive puisqu’elle lui a permis de comprendre qu’elle doit avancer et changer sa façon de faire et de réagir dans ses relations, pour se respecter elle même.

L’ECOUTE DE SOI EST ESSENTIELLE

Lorsqu’on répond toujours positivement aux demandes des autres, on n’écoute pas toujours son ressenti ou ses désirs. A force de répondre de cette façon, on finit par être épuisé, par avoir l’impression de ne pas exister, de se sentir mal aimé, pas écouté... Tout donner à l’autre ou à la situation ou encore faire passer les autres avant soi peut mener au burnout professionnel ou familial, à la rupture ou même à la dépression dans les cas les plus aigus.

En effet, quand on a tout donné, que reste-t-il pour soi ? Où est passée notre essence vitale ? Dans notre for intérieur des pensées d’insatisfaction s’activent : Dois-je être bon pour moi ou pour le autres ? Quels sont mes besoins prioritaires ? Liberté, sécurité, appartenance, intégrité ? Il est temps de discuter avec soi pour trouver la voie prioritaire à prendre.

A force ne jamais s’opposer, on se retrouve plus souvent aux prises avec des relations toxiques, manipulatrices, abusives et destructrices. Être totalement dévoué à l’autre sans arriver à poser ses limites permet trop souvent l’abus. Une situation dont on est  » co-responsable  » car on n’a pas pu l’empêcher par un  » non « . En revanche, si on est plus juste avec soi, on est aussi plus juste avec les autres. Et la relation s’en porte mieux. En assumant sa voie et en n’étant pas déçu de ce qu’on fait, on se respecte, on pose ses limites et sa ligne de sécurité. Du coup, ce que pense l’autre appartient à l’autre.

QUELQUES PISTES POUR POUVOIR DIRE NON

Prenez le temps de réfléchir à la réponse que vous allez donner. Ne vous précipitez pas : vous avez le temps d’analyser cela. Demandez un délai. Observez ce qui se passe en vous, pesez le pour et le contre. Laissez vous guider par votre intuition.

Exprimez vos raisons, vos opinions, vos sentiments :  » Je préfère...  »  » J’ai moi aussi envie de ...  »  » J’ai la sensation d’être abusé (e)  »  » Je me sens mal « ...

Vous êtes en droit de refuser, ne vous excusez pas. Si vous avez exprimé vos raisons, il n’y a aucune justification ou excuse à donner sinon vous risquez l’embarras. Cela ne fait pas de vous une mauvaise personne mais quelqu’un qui se respecte !

Pour être une bonne personne pour les autres, pensez à vous en premier, de façon à être pleinement satisfait. Dans ce cas, vous êtes rempli de choses à partager, et prêt à donner votre énergie et votre temps aux autres : ne faites donc pas passer leurs besoins ou leurs objectifs avant les vôtres, et restez votre priorité.

ET LA CULPABILITÉ?

Après avoir dit non, le sentiment le plus gênant sera sans doute la culpabilité. Un état d’esprit déstabilisant qui mène à une perte d’objectivité. Elle nous cristallise dans l’action (on a l’impression de ne pas pouvoir changer le cours des choses, on se sent nul, inexistant). La culpabilité empêche de se remettre en question et crée une vision pessimiste de soi et de l’avenir. Pour sortir de ce tourbillon infernal, mieux vaut s’axer sur la notion de responsabilité : à chaque situation difficile, il y a un apprentissage sur soi et sur la vie à faire doublé de la possibilité de devenir acteur de changement en osant adopter une attitude différente. Il faut aussi se donner le droit de faire appel à un coach ou un thérapeute qui peut aider à mettre poser ses limites et éloigner les sentiments de culpabilité Il ne faut pas oublier non plus qu’accepter de prendre des risques ou de vivre des échecs permet de se libérer de la culpabilité. C’est pourquoi le renforcement de l’estime de soi et de la foi en ses propres capacités de rebondissement sont des forces à développer!

AIDER LES AUTRES A DIRE NON AUSSI

Dans nos relations, nous sommes tous confrontés à une personne qui ne sait pas dire non, nous pouvons aussi donc lui faire prendre conscience qu’elle a ce droit. Demandez lui :

de bien réfléchir, de prendre le temps pour donner une réponse

de donner son avis et son ressenti sur cette demande. Dites-lui que ce n’est pas un problème si elle refuse, que vous êtes responsable de la situation et que vous trouverez une alternative.

Dites-lui que cela ne change rien à votre relation pour éviter qu’elle se sente coupable de ne pas répondre ou ait peur de vous décevoir et de perdre votre affection.

Oser un  » non  » pour se dire  » oui  » à soi permet de renforcer sa sécurité intérieure et son amour propre, se donner une autorisation, se faire exister là où l’autre n’a peut être pas conscience d’abuser. Cette personne va devoir trouver une autre solution... Ce n’est pas grave, c’est peut être même essentiel pour son apprentissage ! En s’en rendant compte et en ajustant notre comportement pour le bien de toutes nos relations, noous sommes plus forts, plus libres et plus fiers de nous.

DÉVELOPPER LA COMMUNICATION ASSERTIVE

Pour cela, on s’inspire de l’auteur mexicain Don Miguel Ruiz et de ses fameux accords toltèques :

  • UNE PAROLE IMPECCABLE : C’est toujours dire ce que nous pensons de façon authentique, en parlant de nous-même. C’est être en amour pour soi, sans jugement, avec vérité.
  • NE RIEN PRENDRE DE FAÇON PERSONNELLE : Nous ne sommes responsables que de nous-même. Ce que disent les autres leur appartient, appartient à leur histoire, à leurs constructions. Ne pas se sentir concerné par la réaction de l’autre nous permet de ne pas nous sentir victime.
  • NE PAS FAIRE DE SUPPOSITIONS : C’est avoir le courage de demander des explications sur la réaction de l’autre face à ce que vous proposez. C’est demander ce qu’il ressent, ce qu’il vit et ajuster le discours pour le rendre le plus respectueux possible. Ne pas comprendre à la place de l’autre permet de sortir du soin à l’autre sans qu’il l’ait demandé, et de ne pas être sauveur.
  • FAIRE TOUJOURS DE SON MIEUX : Et s’en persuader, permet de sortir de la culpabilité, de la frustration et des regrets. S’en persuader, c’est aussi se convaincre que nous sommes une belle personne même si nous n’avons pas répondu positivement à une demande. Nous ne sommes pas égoïstes, nous ne pouvons pas répondre pour de multiples raisons qui sont justes pour nous donc pour autrui aussi.

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