Bruno Coppens se dévoile : « L’humour, un bras d’honneur au pessimisme! »
Il fêtera, en juin, ses 60 printemps sur scène avec « Andropause ». L’humoriste se confie sur ses questionnements, son parcours, sa famille...
S’il jongle avec les mots depuis près de quarante ans sur les planches, sur les ondes et sur le papier, Bruno Coppens nous propose cette fois un spectacle beaucoup plus personnel que les précédents. Eh oui, à l’aube de la soixantaine, le Tournaisien d’origine a décidé de se dévoiler... Tout un programme !
Un spectacle sur l’andropause, le vieillissement... Est-ce quand même drôle?
Oui, très! C’est le gars qui évoque des symptômes mais ne sait pas si c’est l’andropause et qui s’interroge sur sa place dans la vie. Par exemple, est-ce qu’on va se lever pour me céder la place dans le bus ? Ca ne m’est pas encore arrivé mais c’est mon angoisse ! (rires) Lorsque je lance un spectacle, je me demande si les programmateurs vont encore venir me voir car il y a tellement de jeunes à booster, à mettre sur scène, comme on l’a fait avec moi quand j’avais 30 ans. Le jeunisme est un phénomène actuel... Par ailleurs, je demande qui a déjà fait une coloscopie ? Les gens répondent assez naturellement, c’est plutôt libérateur ! Puis, j’imagine la playlist pour ma messe d’enterrement, avec » Allumer le feu » de Johnny si c’est une crémation. (rires) Je parle de mon passé en racontant, par exemple, que c’était un seul bain pour les huit enfants à la maison. Aujourd’hui, si on demandait aux gens de faire un bain pour la famille, ce serait le tollé ! Je me dis qu’au fond, dans les années 60, on faisait des gestes pour la planète sans le savoir. Avec ce spectacle, il fallait que je me fasse plaisir et que le sujet interpelle tout le monde. Les spectateurs repartent avec des paillettes dans les yeux.
Vous la vivez, l’andropause?
Alors, écoutez, j’ai des symptômes... J’ai mal au coude parce que j’écris beaucoup à l’ordinateur. Mais l’andropause, ce n’est pas que physique, c’est aussi mental. Quand je parle à certains copains de mon âge, je ne les sens pas curieux, presque à dire que c’était mieux avant. Ce n’est pas mon cas ! Grâce aux spectacles, je dois être vigilant en permanence car dès que tu dis des choses qui font un peu vieux con qui parle sur le présent, la salle réagit, négativement, tout de suite.
Côté humeur, pas de changement, je suis toujours très optimiste ! Puis, j’ai eu la chance de rencontrer, il y a plus de dix ans, Françoise. Nous menons nos vies avec des énergies un peu similaires. Je suis encore dans une effervescence d’une sorte de jeunesse, de découvertes. Je ne sais pas si je suis déjà en » Andropausie « ... Mais le fait d’en parler apaise. Et j’agis préventivement en prenant du curcuma pour prévenir les inflammations possibles et en pratiquant du sport: mes cinq tibétains (des gestes d’assouplissement) le matin ainsi que du vélo, bon... électrique, vu mon âge ! (rires)
L’andropause est un sujet tabou ?
Non, mais les femmes parlent plus facilement et simplement de leur vie privée que nous les hommes. On parle de bagnole, de boulot... mais on a beaucoup de mal sur la vie sentimentale et privée. L’andropause pouvant être une sorte de faille ou de moment de fragilité, les hommes préfèrent ne pas en parler. En tout cas, j’ai trouvé un sujet dont personne ne parle ! D’ailleurs, je souhaite écrire un guide rigolo sur l’andropause : il contiendrait des éléments du spectacle, des chroniques, des tests...
MON ANGOISSE? QU’ON ME CÈDE LA PLACE DANS LE BUS!
L’humour est-il indispensable à notre époque ?
De tout temps ! Je crois que l’humour est une forme de lucidité car c’est d’office prendre un peu de recul sur le réel, sur ce qu’on vit. Le rire me donne toujours une énergie même dans des circonstances qui n’ont pas été faciles dans ma vie : j’ai souvent le réflexe, très rapide, de prendre du recul sur les événements et d’y trouver quelque chose pour en rire. Ce n’est pas pour tout tourner en dérision ou me dire que rien n’est important, c’est justement parce que les choses sont importantes qu’il faut une attitude de recul sinon tu es dans l’angoisse et, du coup, tu ne bouges plus de ta vie... L’humour, c’est un bras d’honneur au pessimisme car nous pourrions tous, tous les jours, nous effondrer. Rien qu’à écouter les infos, tu te tires une balle !
D’où vient cette créativité verbale ?
A la maison, mes frères aînés jouaient un peu avec les mots à table. Et ma mère, flamande d’origine, essayait de parler comme mon père qui lui était francophone. Puis le fait de vivre près de la frontière française, dans un petit village près de Tournai, et de découvrir les problèmes linguistiques, j’ai senti que le français était pour moi un moyen d’exister. La découverte de Jacques Prévert, Boris Vian et Raymond Devos fut un grand déclic.
Comment a commencé votre carrière ?
Par hasard, quand j’étais à l’université i de Louvain-la-Neuve, on m’a proposé de raconter une histoire dans un cabaret d’étudiants en philo et lettres. Même si j’avais envie de faire du théâtre, c’était inimaginable pour moi! J’ai commencé à y prendre goût, des filles rigolaient devant moi puis on allait boire un verre. Je me disais : » Waw! ». Au début, il s’agissait de seuls en scène, avec des jeux de mots, qui ne duraient que cinq minutes.
Vous comptiez devenir professeur de français...
Oui, l’amour de la langue a toujours été là et j’ai eu la chance d’avoir un professeur de français qui, vers mes 15 ans, m’a vraiment donné le goût de la lecture. J’ai enseigné pendant quatre ou cinq ans à temps partiel et, du coup, j’écrivais à côté pour jouer le soir dans des cafés-théâtres à Bruxelles. Ça m’énervait de donner cours car, à l’époque, c’était trop cadré et je me sentais coincé par le programme. En revanche, j’adorais le contact avec les élèves parce que, en fait, une classe c’est un peu comme une scène, un public.
Vos proches viennent-ils à vos spectacles ?
Ce n’est pas toujours possible pour ma compagne qui est journaliste et voyage beaucoup. Mes trois enfants viennent me voir. Comme ils me connaissent bien, il leur est difficile d’avoir un vrai avis constructif ou destructif. En tout cas, ils rigolent de ce que je raconte, c’est sûr !
Suivent-ils votre voie ?
Non mais Valentin est quand même ingénieur du son, il fait des régies de spectacles. De temps en temps, il fait un remplacement pour moi mais il préfère des événements plus sophistiqués au niveau de l’éclairage et du son parce que moi je suis seul sur scène. Emily a une créativité héritée de ma mère, elle fait des pâtisseries à Tournai et à Mons. Et enfin, Lucie est psychologue et criminologue. J’ai raconté plein d’histoires à mes enfants quand ils étaient petits. Ils lisent un peu mais ce n’est pas leur truc...
Mais vous avez transmis votre passion à votre maman!
Ah c’est possible ! Après la mort de mon père, il y a une dizaine d’années, elle a commencé à voyager seule, en bus, et comme les trajets étaient longs, elle prenait le micro à côté du chauffeur pour raconter des blagues cochonnes ! Mais plutôt gentillettes, hein, du genre » Martine fait sa coquine « . Une sorte de stand-up, en fait ! Dans mon spectacle, je parle de ma mère qui, à 93 ans, est énergique à mort et qui prend le bus pour visiter des cimetières avec des personnes du 4e âge. Mais elle ne part plus trop en excursions en » octocar » parce qu’elle commence à en avoir marre de tous ces vieux plus jeunes qu’elle... Souvent, en été, elle passe une semaine à la mer et, au restaurant, elle va à des tables raconter des choses extravagantes à des inconnus. Elle n’a aucun filtre, aucune retenue. Ma mère aime fanfaronner !
Et vos deux petits-enfants vous appellent « happy « ...
Oui, avoir peur d’être appelé papy, c’est peut-être un petit symptôme de l’andropause, de vouloir rester jeune... (rires) J’ai voulu me démarquer et comme je joue avec les mots je me suis dit que ce sera » happy « , ainsi c’est aussi joyeux.
Devenir sexagénaire, un cap ?
Dans ma tête, je ne sais pas quel âge j’ai et je ne sais pas encore comment je vais m’appeler... Sexagênant ou alors sexagénial voire sexygénaire ? Non, ce serait prétentieux de dire ça de soimême, je vais laisser les gens trouver la formule!
Bruno Coppens
- 1960: Naissance à Tournai
- 1978-1982: Etudes de philologie romane
- 1982-1987: Professeur de français
- 1982: Première scène officielle, au Festival du rire de Rochefort
- 1986: Naissance de sa fille Emily
- 1989: Naissance de sa fille Lucie
- 1991: Intègre l’émission le Jeu des Dictionnaires
- 1993 : Naissance de son fils Valentin
- 2008: Depuis 2008 en couple avec Françoise Wallemacq Spectacle « Loverbooké » Livre « Pour s’élever, il faut d’abord se planter! »
- 2017 : Spectacle » Loverbooké «
- 2019: Livre « Pour s’élever, il faut d’abord se planter ! «
« Andropause ». Les 4 et 5/6 à Wolubilis, Bruxelles. www.wolubilis.be
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