Fatigue au volant, mort au tournant?
S’assoupir sans même s’en rendre compte, c’est le micro-sommeil. Les conséquences sont fâcheuses si vous passez en mode « pilote automatique » sur une autoroute.
Lors des combats, la peur, la concentration, la détermination à l’emporter et l’adrénaline les tenaient éveillés, indépendamment de leur niveau de fatigue. Mais lorsqu’il n’y avait plus que le vrombissement monotone des moteurs sur le chemin du retour vers l’Angleterre, certains pilotes étaient submergés par le besoin de dormir et s’écrasaient avec leur avion. C’est ce que raconte Jim Horne, neuroscientifique britannique du sommeil dans « Sleepfaring: a Journey Through the Science of Sleep », (voyage à travers la science du sommeil).
Lorsque vous piquez du nez, vous faites un micro-sommeil d’une durée de 1 à… 15 secondes. Si vous êtes le conducteur lambda d’une automobile, ce sont aussi des secondes qui comptent. Dans le cerveau, le micro-sommeil se caractérise principalement par un passage des ondes alpha aux ondes thêta, le type d’ondes qu’on observe au cours de la première phase du sommeil. Une personne en état de micro-sommeil peut garder les yeux ouverts, mais son cerveau cesse de traiter les informations normalement. Les accidents dus à la somnolence sont donc souvent sévères. Et le conducteur endormi réagit en freinant peu ou pas du tout avant l’impact. Selon la police fédérale, la somnolence au volant serait responsable de 10 à 20 % des accidents mortels de la circulation et de 20 à 30 % des accidents mortels sur autoroute. « Un conducteur sur cinq reconnaît conduire en ayant tellement sommeil qu’il a du mal à garder les yeux ouverts», avance Belinda Demattia, la porte-parole de l’Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR).
Et si un conducteur sur trois pense être capable de résister à la fatigue au volant, il s’agit probablement d’une erreur d’appréciation. Car les phases de micro-sommeil échappent à l’attention des automobilistes. Des chercheurs ont ainsi réveillé des volontaires en laboratoire après de très petites siestes diurnes. Il est apparu que seulement une infime partie des cobayes humains qui s’étaient endormis jusqu’à 60 secondes de suite ne s’en étaient pas rendu compte. Ce type de sommeil très court se manifeste typiquement lorsqu’une personne est très fatiguée et effectue des tâches monotones, comme rouler sur une autoroute déserte où peu de concentration est nécessaire.
Rouler fatigué, c’est comme rouler alcoolisé
Plus le manque de sommeil s’accumule, plus les risques de fatigue au volant augmentent. Par exemple, un conducteur qui n’a pas dormi pendant 17 heures présente des capacités de conduite comparables à celles d’une personne ayant un taux d’alcoolémie de 0,5 g/l, soit l’équivalent de 2 ou 3 verres d’alcool. Le déficit de sommeil chronique est également préoccupant: dormir seulement 5 heures par nuit pendant plusieurs jours multiplie par 6 le risque d’accident. Des études montrent que les personnes dormant six heures par nuit pendant deux semaines consécutives ont autant de micro-sommeils que celles ayant passé une nuit blanche.
Le regard fixe, mauvais signe
Lorsqu’un conducteur est fatigué, son obsession est généralement d’arriver le plus rapidement possible à destination pour se mettre sous la couette, alors qu’il serait bien plus prudent de s’arrêter dès les premiers signes de fatigue. Le risque de s’endormir au volant est en réalité terriblement présent quand le conducteur, pour lutter contre la somnolence, se stimule en se touchant le visage pour maintenir la tête droite ou le corps. Ce sont les gestes autocentrés. Des signes tels que les yeux qui piquent, la tête lourde et le regard fixe sont aussi des indicateurs hyper clairs qu’il est temps de faire une pause et de dormir. C’est qu’a clairement révélé une étude menée auprès de 15.000 chauffeurs d’une société de transport au Japon. Après, il est trop tard, il suffit de seulement deux secondes de micro-sommeil pour qu’un poids lourd se déporte vers l’autre bande circulation ou le bas-côté.
Pas utile d’ouvrir la fenêtre
Pour combattre la fatigue au volant, des astuces comme ouvrir la fenêtre, discuter avec un passager ou écouter de la musique à fond sont finalement peu efficaces. En particulier, entre 2h et 6h du matin ainsi qu’entre 13h et 16h, le corps est biologiquement plus enclin à la somnolence. En réalité, la seule solution consiste à faire une courte sieste de 15 à 20 minutes dans son véhicule avant de reprendre la route, de préférence après avoir bu une boisson stimulante comme du café pour bénéficier de ses effets au réveil. Mais attention, il ne faudrait pas dormir plus et tomber dans un sommeil trop profond qui pourrait aussi avoir des effets négatifs sur la capacité du conducteur à rester éveillé par la suite. Pour les longs trajets, comme sur la route des vacances, il est crucial de planifier des pauses de 15 minutes toutes les deux heures. Certes, cela allonge le trajet, mais c’est au final un bien faible effort à fournir pour arriver entier et à bon port.
Les 55+ moins concernés
L’AWSR a interrogé 1.000 conducteurs et a révélé que la fatigue au volant affecte davantage les jeunes. Près de 58 % des conducteurs âgés de 18 à 34 ans ont admis qu’il leur arrive de conduire en étant fatigués ou somnolents, contre environ 30 % des conducteurs de 55 ans et plus. Cela s’explique surtout par le fait que les jeunes ont un besoin physiologique de sommeil plus élevé que leurs parents, souvent insatisfait en raison de leur mode de vie et activités. Les jeunes conducteurs conduisent plus fréquemment en soirée ou la nuit, périodes où le risque de somnolence est accru.
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