Gérard Darmon : « J’essaie d’être un bon artisan »
Une voix envoûtante, une classe naturelle... La star du cinéma français Gérard Darmon lève le voile sur son parcours, sa vie, sa famille.
Il vient de présider le Festival du film de comédie de Liège. Si l’acteur et chanteur y a été récompensé pour l’ensemble de sa carrière, il n’entend pas lever le pied ! A l’aube de ses 70 ans, le sympathique Gérard Darmon est à l’affiche de la comédie Brillantissime.
Dans Brillantissime, vous campez un marchand de fruits aux conseils avisés. Comment vous êtes-vous approprié ce rôle ?
J’avais dit à mon amie Michèle Laroque que si elle réalisait un film, je souhaitais y figurer quel que soit le personnage. Elle m’a donné ce rôle d’homme un peu philosophe, poète, qui vend des fruits dans un square, même le soir. N’ayant pas l’habitude de faire ce genre de choses, j’ai laissé ce personnage m’envahir ! Ça m’a bien plu...
En quoi ce personnage vous ressemble-t-il ?
Franchement, je pense que si j’ai une qualité, c’est la bienveillance. Mon personnage est quelqu’un qui écoute, qui a un passé, qui a été un peu meurtri par la vie. On a tous des parcours un peu compliqués. Ce n’est pas simple de commencer sa vie d’acteur au début des années 70 et d’être encore présent... Il y a forcément des hauts et des bas, des accidents de parcours, bien sûr.
Qu’est-ce qui explique votre pérennité ?
Je ne sais pas. J’essaye d’être un bon artisan, honnête, sincère dans ma démarche d’acteur, de travailler, de m’améliorer, d’être au mieux de ma forme. Après, ça plaît ou ça ne plaît pas, c’est comme ça !
Votre voix grave, un bel atout, j’imagine ?
Dans ma vie professionnelle probablement, privée aussi. Je suis tombé sur quelques femmes qui trouvaient cette voix » halala aïe aïe aïe ! » Mais depuis que j’ai arrêté de fumer il y a cinq ans, j’ai gagné pas mal d’aigus quand même...
Jusqu’ici, votre plus beau souvenir professionnel ?
Ce sont des petites joies qui s’additionnent, des sentiments que je vis sur le moment. Dans le dernier grand film que j’ai fait avec Claude Lelouch, je jouais avec Béatrice Dalle (ndlr, Chacun sa vie), un moment extraordinaire comme souvent avec Lelouch. J’ai un souvenir avec Tony Gatlif en 1983 quand j’ai joué dans Les Princes. Ma rencontre avec Bertrand Blier... J’ai fait de belles rencontres !
Un rôle que vous aimeriez jouer ?
Je n’ai pas ces ambitions là au cinéma. Ce qui est important, c’est la portée de l’histoire. J’aime les personnages un peu complexes qui ont le temps de s’exprimer... Au théâtre, c’est différent, car il y a, dans les classiques, des grands rôles magnifiques comme Alceste dans le Misanthrope ou Dom Juan. Des rôles que j’ai travaillés quand j’étais au cours. J’ai relu tout Racine cet été, avec quelques pièces de Molière aussi. On n’imagine pas le plaisir qu’on a, quand on est francophone, à lire cette littérature, la musique des vers, c’est magnifique ! Au bout d’un moment, on est obligé de s’arrêter pour se demander comment il fait avec des mots aussi simples. Mais quel génie !
Je suis un vrai papa poule !
On vous a vu dans des films drôles comme La Cité de la Peur ou Astérix et Obélix... Qu’est-ce qui vous amuse, vous, dans la vie ?
La vie m’amuse ! Les petits travers des gens, nos contradictions.... Parfois, c’est un amusement un peu cynique. Au lendemain de la mort de Johnny, par exemple, il y a eu un espèce de tsunami de gens qui avaient la prétention de s’arroger une histoire sans intérêt. Parfois, ceux qui disaient le plus grand mal sur Johnny venaient le pleurer en disant : » J’ai très bien connu Johnny, je me souviens, un jour, il m’a dit bonjour ! » Tout ça m’amuse ! Ce qui ne m’amuse pas, c’est la bêtise et la mauvaise foi.
Aimez-vous vous voir à l’écran ?
Non, car ce n’est pas naturel de se voir à l’écran. Vous, dans la vie, vous vous êtes déjà vue marcher de dos ? Moi oui ! C’est vrai qu’en se regardant, on peut faire quelques progrès mais je ne suis pas fan. Il m’arrive de regarder des petits passages d’anciens films comme La Cité de la peur. Ça n’a pas pris une ride !
Que pense votre famille de vos films ?
Ma femme est très bonne conseillère. Mais il n’y a pas de culte de la personnalité chez moi, mes enfants n’ont pas été élevés dans cet esprit-là et ils sont tout à fait fréquentables, ce ne sont pas des » fils de « . Quand mes enfants viennent me voir au théâtre et au concert, ils sont ravis. Au cinéma, ils disent parfois c’est bien oui mais on aimerait te voir dans un rôle un peu plus badaboum. Je leur réponds alors qu’il y en a eus, qu’il y en a moins, qu’il y en aura...
Vos enfants suivent-ils votre voie ?
Non ! J’ai une fille qui vient de passer un master de naturopathe, une autre qui va passer son master d’économie et mon fils de 20 ans veut être musicien. Quant à ma Léna de 3 mois et demi, je ne sais pas encore trop ce qu’elle va faire !
Oui, vous êtes devenu jeune papa à 69 ans...
Je vis depuis presque dix-sept ans avec ma femme. On essayait d’avoir un enfant qui ne venait pas... Puis un jour, le ciel a parlé, c’était le moment. Un miracle total ! J’ai gardé la main pour les couches et je suis préservé au niveau des nuits car ma fille est allaitée mais, cela dit, je suis insomniaque !
Quel genre de père êtes-vous ?
Mes enfants me trouvaient plutôt cool comme père même si je posais des limites. Je suis plutôt ouvert et papa poule.
En dehors des caméras, à quoi ressemble votre vie ?
Elle est très simple : des soirées à la maison, où je reçois des potes, des sorties au resto... Je n’aime plus les boîtes de nuit et je n’ai pas un sens de la fête très aigu. Je pourrais jouer la fête, oui, mais, dans la vie, j’ai beaucoup de mal à rebondir, à hurler. Je suis plus spectateur, j’observe beaucoup les gens, leur regard, leurs mains, leur attitude, leur écoute...
D’autres loisirs ?
J’ai un vélo de course que je sors trois fois par semaine pour faire environ 25 km à chaque fois, ce n’est pas énorme mais c’est mieux que rien. Puis, si je pouvais, je resterais tout l’après-midi sur mon canapé à écouter de la musique à donf ! Du jazz pointu au hip-hop en passant par le rock, mes goûts sont très ecléctiques.
Votre notoriété vous a-t-elle ouvert des portes ?
Oui, peut-être que séduire est devenu plus facile en devenant connu. Avant, j’étais plutôt le genre de copain qui faisait beaucoup rire et lorsque la fille était prête à céder, hop, elle allait avec mon copain ! Et moi je restais comme un idiot parce que j’étais timide...
Que dirait l’enfant que vous étiez à l’homme que vous êtes aujourd’hui ?
Pas mal. Avec un peu d’amour et d’admiration dans l’oeil quand même, il me dirait : » Tu vas entendre la phrase que tu as entendu pendant toute ta scolarité : tu peux mieux faire ! « .
Mieux faire ?
C’est-à-dire être parfois un peu plus sur les coups pour les projets cinématographiques ou théâtraux, en vouloir un peu plus. Parfois, j’aurais pu être plus réactif. Il y a quelque chose de très oriental en moi, de très fataliste, d’aquoiboniste.
Vous allez avoir 70 ans, un cap ?
Moi qui n’ai jamais vraiment joué au tennis je vais gagner mon premier set, en fait ! (rires) J’ai encore pleins de projets comme un quatrième album de chansons et j’écris un film, » Fernandel, c’est moi « , dans lequel je jouerai mon propre rôle et, de temps en temps, Fernandel qui vient m’habiter...
Quel est votre rapport à la Belgique ?
Ah, c’est une histoire d’amour depuis toujours parce que mon premier amour était une Anversoise, j’avais 17 ans. Puis je suis venu en Belgique une quarantaine de fois pour jouer, pour chanter, pour la détente, pour tout !
BIO EXPRESS
1948
Naissance à Paris
1973
Apparaît dans Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury
1983
Film Les Princes de Tony Gatlif
1986
Film 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix
1994
Film La Cité de la peur d’Alain Berbérian
2002
Film Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat
2003
Se lance dans la chanson
2014
Epouse Christine
2017
Film Chacun sa vie de Claude Lelouch
2018
Film Brillantissime de Michèle Laroque
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