Gerry et ses Golden girls ne faisaient pas leur âge
Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.
Il s’appelle Gerry Turner. 72 ans, ancien restaurateur, propriétaire d’une quatre façades au bord d’un lac. Veuf. Beau comme un camion. Doux comme un cachemire. Fait pas son âge, comme on dit.
Gerry Turner, c’est le gros lot que 22 candidates âgées de 60 à 75 ans se disputent dans la version «senior» de la téléréalité américaine The Bachelor. Bienvenue dans The Golden Bachelor!
Je n’aurais jamais eu l’idée de vous entretenir de cela si mon tempérament volcanique n’avait été mis en fusion par une rafale d’articles polémiques sur cette nouvelle version d’une émission qui sévit déjà depuis 2002 sans faire autant de potin(s). Ce qui interpelle les âmes sensibles? L’âge des protagonistes. Et surtout le fait qu’ils ne le fassent pas, leur âge.
Etant donné le descriptif calamiteux, comme l’accusation à l’égard de ces 22 femmes de ne pas être représentatives de leur génération, je m’attendais à tomber sur des pom-pom women siliconées par un chirurgien sous ecstasy. J’ai donc été visionner des extraits sur YouTube, même si pour cela j’ai dû avaler en préliminaire quantité de pubs pour pizzas surgelées, ce qui a eu pour effet de nuire gravement à mon appétit.
On devrait se réjouir qu’aujourd’hui prendre de l’âge ne rime plus avec naufrage.
Pas représentatives, ces femmes? Bizarre. Pour ce que j’en ai vu, des comme ça, j’en côtoie tous les jours. Ce sont des femmes normales. Je veux dire: pas des bêtes de foire. Pas représentatives de toutes, forcément. Mais le problème de la non représentativité, ce ne sont pas ces femmes soignées, dynamiques, marrantes, c’est l’image que se fait la société des 50+, les stéréotypes qu’elle a bâtis et auxquels elle s’accroche, en dépit d’une réalité pourtant bien visible. Ici, une femme de 73 ans représentée comme une nonagénaire. Là, un article sur des hommes à peine pensionnés illustré par des papys sortis d’un film des années 50 en train de jouer à la pétanque, bretelles et casquette sur le crâne (car les hommes aussi sont victimes de préjugés).
Ce qui engendre la polémique, c’est que la réalité ne correspond pas aux clichés et remet ainsi en question le mode de pensée d’une société mal à l’aise avec ce qui lui fait le plus peur: vieillir.
Que ces bachelorettes ne soient pas représentatives de toutes les 60+, mais plutôt de la frange qui permet une image positive, sans être idéalisée, du vieillissement, cela change de l’image anxiogène qu’on nous envoie sans cesse. Alors, non, à 60 ou 70 ans, nous n’accumulons pas nécessairement tous les maux et toutes les déglingues. Dans la plupart des téléréalités, les corps sont toniques (or, est-ce que tous les jeunes ont des corps toniques? , simple question). Alors pourquoi représenter des 60+ au corps tonique poserait problème? On devrait se réjouir qu’aujourd’hui prendre de l’âge ne rime plus avec naufrage, que beaucoup sont en pleine forme et ne renoncent plus à prendre soin d’eux lors d’une date anniversaire qui, aux yeux de la société, sonne encore trop souvent comme une date de péremption. Oui, à 60+, on souhaite plaire, séduire et plus si affinités. Et on a encore des projets et toute une vie devant soi.
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